Élodie : « Comment voulez-vous qu’on ait encore foi en la République quand un simple certificat médical suffit à un député pour toucher 100% de son salaire, alors que moi, caissière depuis 14 ans, je perds 3 jours de paie dès que j’ai la grippe ? »
Dans les couloirs silencieux de l’Assemblée Nationale, le velours rouge masque mal les inégalités qui gangrènent les fondements mêmes de notre démocratie sociale. Sur les bancs vides, là où siègent ceux qui font les lois, plane une réalité trop souvent tue : Un député malade touche l’intégralité de ses indemnités. Un salarié, lui, perd immédiatement de l’argent. L’écart est criant. Et pourtant… il est légal.
C’est en lisant une affichette partagée sur les réseaux sociaux qu’Élodie, caissière à Auchan à Saint-Nazaire, a vu rouge. « Quand un salarié tombe malade, il perd de l’argent. Quand un député est malade, il conserve 100% de ses indemnités. Un certificat suffit. » Un texte court, mais un électrochoc. Pour elle, c’était plus qu’un slogan, c’était un miroir de sa propre vie. Car depuis des années, la maladie ne lui donne aucun répit, ni sur sa santé, ni sur ses fiches de paie.
Trois jours de carence pour les uns, zéro pour les autres
En France, le système d’indemnisation maladie pour les salariés est connu : Lorsqu’un salarié du privé tombe malade, il subit un délai de carence de trois jours. Pendant ces 72 heures, il ne perçoit aucune rémunération (sauf si une convention collective ou l’entreprise prévoit un maintien de salaire). Et même après ces trois jours, la Sécurité Sociale ne prend en charge que 50% du salaire brut, avec un plafond de remboursement.
Un salarié qui gagne 1 800 € net par mois verra donc ses revenus fondre à moins de 1 000 € en cas d’arrêt prolongé… à moins d’avoir souscrit une complémentaire santé privée, ou de travailler dans une grosse entreprise syndiquée. Bref : être malade, pour un salarié, c’est aussi un coût financier.
Et les députés ? Aucun délai de carence. Aucune perte de revenus. Un simple certificat médical suffit à justifier leur absence et leur garantir le maintien à 100% de leur indemnité parlementaire, soit 7 637,39 € brut par mois (au 1er janvier 2024), auxquels peuvent s’ajouter 5 372 € d’indemnité de frais de mandat, et une enveloppe pour collaborateurs. Même malades, ils ne voient pas la couleur du manque.
Un régime spécial… très spécial
Cette différence ne relève pas d’un complot. Elle est parfaitement légale, inscrite dans le règlement de l’Assemblée Nationale. Les députés, en vertu de leur statut de parlementaires, ne sont pas affiliés à l’assurance maladie au sens classique. Leur régime indemnitaire repose sur la continuité de la représentation nationale. En d’autres termes : La Nation continue à rémunérer ses représentants, même absents, tant qu’ils n’ont pas démissionné ou été révoqués.
Un député malade n’est pas sanctionné. Il n’a pas besoin de pointer. Il n’a pas à passer par un médecin-conseil. Son indemnité n’est pas soumise à des conditions de présence, à partir du moment où une justification est fournie.
Et là où cela choque davantage encore : Les absences répétées ou prolongées ne font l’objet d’aucun contrôle approfondi. Aucun huissier ne vient toquer à la porte. Aucun courrier de l’Assurance Maladie pour exiger des précisions. Pas de redressement. Pas de radiation. Rien.
Une colère sociale de plus en plus vive
Pour des milliers de Français en arrêt maladie, cette comparaison est douloureuse. C’est le cas de Jérôme, 54 ans, magasinier dans le Vaucluse, opéré du dos il y a deux mois. « J’ai touché 860 € sur le mois. J’ai deux enfants. J’ai dû repousser le paiement de mon loyer. Pendant ce temps, j’ai appris qu’un député absent pour burn-out était toujours payé plein pot… ça m’a mis les nerfs. »
Cette inégalité structurelle renforce le sentiment d’abandon d’une partie de la population. Les classes populaires voient dans ces régimes spéciaux un symbole d’arrogance de l’élite, d’un monde politique coupé des réalités du terrain, où la maladie n’est pas une charge mais une simple formalité administrative.
Faut-il réformer les indemnités des élus ?
Le sujet revient régulièrement dans le débat public, mais les propositions se heurtent à un mur parlementaire. Car il faudrait que les députés eux-mêmes votent la suppression ou la réduction de leurs propres avantages. Or, rares sont ceux qui s’aventurent sur ce terrain glissant.
En 2017, l’idée de soumettre les députés à un régime de droit commun, y compris pour les indemnités en cas de maladie ou d’absence injustifiée, avait été évoquée… puis enterrée. Les arguments avancés ? Préserver la dignité de la fonction. Ne pas dévaloriser l’engagement politique. Ne pas risquer de précariser les parlementaires.
Mais dans un pays où l’écart entre la parole et l’acte est souvent abyssal, cette justification ne suffit plus à calmer les esprits.
Vers un nouveau contrat social ?
Dans un monde où les travailleurs sont exhortés à faire preuve de responsabilité, à ne pas abuser du système, à « rester productifs malgré la fatigue« , les privilèges des élus en matière de maladie apparaissent de plus en plus comme un scandale silencieux.
Le contrat social républicain devrait garantir l’égalité devant la loi et la solidarité face à l’épreuve. Mais aujourd’hui, il semble dire ceci : « À maladie égale, injustice inégale« .
🔴 Une inégalité qui mine la confiance dans la démocratie sociale
L’image que vous avez vue sur les réseaux sociaux ne ment pas. Elle révèle une vérité brutale, bien que simplifiée : En cas de maladie, les députés ne perdent rien, les salariés perdent beaucoup. Une réalité que la classe politique ne peut plus se permettre d’ignorer, sous peine de voir s’effriter un peu plus encore la confiance populaire dans les institutions.
Les députés sont affiliés au fonds de sécurité sociale de l’Assemblée nationale, régime spécial créé par le Bureau de l’Assemblée nationale en 1948 et géré par un comité de gestion composé des trois questeurs et d’un représentant de chacun des groupes politiques.