Pastis et Ricard : Quelle est la vraie différence entre ces deux apéritifs anisés mythiques ?
Camille Dufresne : « Cet été-là, sur le vieux port de Marseille, l’air sentait la mer, le soleil et l’anis. Mon oncle m’avait servi un verre en souriant : “Tiens, un Ricard bien frais !”. Mais plus tard, au comptoir d’un bistrot voisin, le serveur m’a proposé un pastis. Alors je me suis demandé… Ricard et pastis, est-ce vraiment la même chose ? Ou y a-t-il une nuance que seuls les initiés du Sud connaissent ? »
Pastis et Ricard : Une histoire d’anis, de soleil et de subtilités
Sur une terrasse inondée de lumière, à l’ombre paresseuse d’un parasol bleu ciel, le cliquetis des glaçons dans un verre trouble l’eau paisible de l’instant. À Marseille, à Toulon ou à Aix-en-Provence, ce bruit est celui de l’apéritif, ce moment sacré où l’on savoure le temps. Et dans ce rituel méridional, une boisson règne sans partage : Le pastis. Mais au moment de commander, un doute survient. Le serveur vous demande : « Un pastis ? Un Ricard ? » Et soudain, vous réalisez que vous n’êtes pas certain de la différence…
Un air de famille… mais pas des jumeaux
On l’ignore souvent, mais Ricard est un pastis, oui, mais tous les pastis ne sont pas du Ricard. C’est un peu comme dire que tous les champagnes sont des vins mousseux, mais tous les vins mousseux ne sont pas du champagne. La nuance est de taille.
Le pastis, de manière générique, est une boisson alcoolisée anisée titrant 45° (voire parfois un peu moins), aromatisée à l’anis étoilé (badiane) et souvent complétée par d’autres plantes comme la réglisse ou la fève tonka. Il est né des cendres de l’absinthe, interdite en 1915, et est devenu rapidement l’apéritif du peuple du Sud, une sorte de soleil liquide à savourer avec lenteur.
Le Ricard, quant à lui, est une marque, un pastis particulier, créé en 1932 par un homme visionnaire, Paul Ricard, qui voulait inventer « le vrai pastis de Marseille« . Il impose une recette secrète, un dosage spécifique d’anis étoilé, de réglisse et d’herbes aromatiques méditerranéennes. Résultat : Une saveur légèrement plus douce, plus réglissée, avec une touche herbacée caractéristique.
Une question de goût… et de loyauté
Ce qui distingue véritablement Ricard des autres pastis, c’est l’intensité de son goût. Les amateurs reconnaissent la présence marquée de la réglisse dans le Ricard, quand d’autres pastis comme 51 (autre marque populaire) misent davantage sur l’anis. Le Ricard est plus « rond« , presque sucré, là où un pastis plus sec peut surprendre par son côté plus brut.
Mais au-delà du palais, c’est aussi une affaire de clan. À Marseille, boire du Ricard, c’est faire honneur à un pan de l’histoire locale. Refuser un Ricard, c’est presque comme décliner un pan bagnat ou un match de l’OM. Les anciens vous diront : « Y a pas photo, le Ricard, c’est le pastis. Le reste, c’est du pipi de chat. »
Fabrication, composition : Des secrets bien gardés
Techniquement, la fabrication du Ricard repose sur une macération d’ingrédients naturels, sans ajout de sucre, ce qui le distingue de certains pastis industriels. La marque a longtemps mis en avant sa recette inchangée depuis 1932, gage de tradition et de savoir-faire.
Le pastis générique, lui, peut varier d’un fabricant à l’autre. Certaines recettes incluent jusqu’à 75 plantes et épices différentes, donnant à chaque pastis une signature unique. C’est cette diversité qui fait du pastis un monde à explorer pour les fins connaisseurs.
Service et dégustation : Un art à part entière
Un Ricard, comme tout pastis, se dilue dans de l’eau très fraîche. On respecte le rituel : On verse d’abord le pastis, puis l’eau, et enfin, si on le souhaite, des glaçons. À l’inverse de nombreux alcools, l’ordre est crucial : Verser l’eau sur l’alcool permet la fameuse « louche », cet effet de trouble laiteux qui annonce la métamorphose du nectar.
Certains puristes bannissent les glaçons, accusés de cristalliser les arômes, d’autres ne jurent que par une dilution à 1 volume de Ricard pour 5 d’eau. Il y a autant de façons de boire un pastis que de couchers de soleil sur la Méditerranée.
Ricard, 51, Casanis, Janot… Qui est qui ?
Si Ricard est le plus célèbre, d’autres marques jalonnent les étals des supermarchés et les rayons des bars. Pastis 51, produit à Marseille également, est souvent considéré comme plus sec, plus typé anis, et donc moins sucré. Casanis, d’origine corse, séduit par ses notes florales et méditerranéennes. Janot, plus confidentiel, s’adresse aux amateurs de pastis artisanaux.
Mais Ricard reste le roi. Avec plus de 40% du marché en France, il est le pastis par excellence, celui que l’on demande d’un mot, sans fioriture : « Un Ricard, s’il vous plaît. »
Le duel en chiffres et en cœur
- Ricard : 45% d’alcool, goût réglisse fort, recette unique depuis 1932
- Pastis générique : Entre 40 et 45%, goût plus ou moins réglissé, recettes variées
- Prix : Le Ricard est souvent un peu plus cher, considéré comme une valeur sûre
- Image : Ricard évoque Marseille, l’authenticité, le soleil et la convivialité
- Alternative : Le pastis artisanal, de plus en plus apprécié des gastronomes
Une affaire de culture, plus que de chimie
Au fond, la différence entre Ricard et pastis n’est pas qu’une question de goût. C’est une affaire de souvenirs, d’accents, de traditions. C’est le bruit des cigales, les parties de pétanque, les repas en famille sous les platanes. Ricard, c’est le passé, la fierté marseillaise, l’héritage d’un homme audacieux. Le pastis, c’est la diversité, l’ouverture, les nuances.
Alors la prochaine fois qu’on vous demandera ce que vous voulez boire, vous saurez quoi dire. Et surtout pourquoi.
