Quelles sont les règles et les controverses autour du port de signes religieux dans le sport ?

Gaillac : Annulation d’un match de basket suite au refus d’une joueuse de retirer son voile islamique 

SPORT

Le sport est-il une zone neutre où l’expression religieuse doit être strictement encadrée ? Cette question s’est posée avec force le dimanche 6 octobre 2024, à Gaillac, dans le Tarn, lors d’un match de basket féminin annulé suite au refus d’une joueuse de retirer son voile islamique. Alors que les coéquipières de cette joueuse ont fait le choix de quitter le terrain en solidarité, le club de la ville de Caussade a remporté la rencontre par forfait. Un événement qui soulève des interrogations sur les réglementations françaises et internationales concernant le port de signes religieux dans le sport, notamment dans le basket-ball.

Pourquoi ce match a-t-il été annulé ?

Alors que la rencontre devait se dérouler entre les équipes féminines de Gaillac et de Caussade, la situation a pris un tournant inattendu lorsqu’une des joueuses de l’équipe de Gaillac est apparue sur le terrain portant un voile islamique. D’après les informations publiées par La Dépêche, les arbitres ont rapidement informé la joueuse que les règlements de la Fédération française de basket-ball (FFBB) ne lui permettaient pas de jouer tant qu’elle portait un signe religieux visible, en l’occurrence, un voile islamique. Face à cette interdiction, la joueuse a accepté de ne pas participer à la rencontre, mais ses coéquipières, dans un geste de solidarité, ont décidé de quitter le terrain en sa faveur. Ce choix collectif a conduit à l’annulation du match, attribuant la victoire par forfait à l’équipe adverse.

La règle de la FFBB : Entre laïcité et sport

Depuis 2022, la Fédération française de basket-ball applique une règle stricte qui interdit le port de tout « équipement à connotation religieuse ou politique » pour les joueurs, entraîneurs, officiels et autres participants lors des compétitions officielles en France, que ce soit pour les matchs de basket 5×5 ou 3×3. Cette interdiction couvre tous les niveaux de compétition, des championnats départementaux aux compétitions nationales.

Cette réglementation repose sur le principe de laïcité, qui est un fondement de la société française. La laïcité impose une neutralité stricte dans les espaces publics, et les fédérations sportives françaises intègrent souvent cette valeur dans leurs règlements pour éviter toute manifestation religieuse ou politique pendant les compétitions. Dans le cas du basket-ball, les arbitres sont donc tenus de veiller au respect de cette règle et de refuser la participation de tout joueur qui porterait un signe religieux apparent.

Une contradiction avec la fédération internationale de basket-ball

Cette interdiction française contraste fortement avec les pratiques internationales. La Fédération internationale de basket-ball (FIBA) a en effet autorisé le port du voile islamique en compétition depuis 2017, permettant aux joueuses de choisir de jouer en respectant leurs convictions religieuses tout en participant aux tournois internationaux. Cette décision avait été saluée dans le monde entier, marquant une avancée vers une plus grande inclusion des joueuses issues de milieux et cultures diversifiées. La contradiction entre les règles de la FFBB et celles de la FIBA est source de tensions croissantes, en particulier pour les joueuses musulmanes pratiquantes en France, qui sont confrontées à des choix difficiles entre la pratique de leur sport favori et leurs convictions personnelles.

Le collectif « Basket pour toutes » : Un mouvement pour l’inclusion

Face à ces interdictions, un collectif militant, « Basket pour toutes », a vu le jour en 2023 pour défendre le droit des joueuses voilées à participer aux compétitions sportives en France. Ce collectif a lancé une pétition demandant l’abrogation de la règle de la FFBB, qui empêche de nombreuses joueuses de concilier sport et religion. La pétition a recueilli environ 6 000 signatures, un chiffre qui témoigne d’un large soutien et d’une volonté de changement.

Pour les membres de « Basket pour toutes », la possibilité de porter le voile islamique sur le terrain de basket est une question de droit fondamental et d’inclusion. Ils dénoncent ce qu’ils perçoivent comme une forme de discrimination qui restreint l’accès au sport pour certaines femmes en raison de leurs croyances. À leurs yeux, la réglementation actuelle de la FFBB freine l’engagement des jeunes femmes musulmanes dans les clubs de basket français et nuit à l’esprit de diversité que le sport devrait incarner.

Laïcité et sport : Le débat en France

Cette affaire pose des questions complexes sur la place de la religion dans le sport et sur l’application de la laïcité dans les associations sportives. La France, avec ses principes stricts de laïcité, impose des restrictions uniques en Europe, et ses lois sont souvent interprétées de manière plus rigide que dans d’autres pays. Cette approche rigoureuse soulève régulièrement des débats sur la liberté d’expression, la liberté religieuse et le droit à l’égalité dans l’accès aux activités publiques.

Les partisans de l’interdiction estiment que les fédérations sportives doivent être des espaces où les identités religieuses, politiques ou culturelles ne devraient pas être affichées, afin de préserver l’unité et la neutralité dans l’environnement sportif. Pour eux, la laïcité garantit que chaque joueur est avant tout un sportif, indépendamment de ses convictions, et que l’absence de signes religieux ou politiques contribue à créer une atmosphère de compétition équitable.

Cependant, d’autres affirment que la laïcité ne devrait pas empêcher les individus de vivre leur foi de manière modérée dans des contextes sportifs. Dans un pays qui promeut l’égalité des chances, la liberté de pratiquer un sport ne devrait pas être compromise par les croyances religieuses d’une personne. Pour ces défenseurs, la France devrait adapter ses règles sportives pour intégrer plus de souplesse, à l’image de la fédération internationale.

Quelles sont les conséquences de cette réglementation ?

L’affaire de Gaillac n’est pas isolée, et d’autres joueuses pourraient être confrontées à des choix similaires dans le futur, notamment dans des contextes sportifs locaux et régionaux. Cette situation soulève également des questions sur le recrutement des jeunes filles issues de communautés religieuses dans les clubs de basket français. Des associations et entraîneurs témoignent de leur difficulté à attirer ces jeunes joueuses, freinées par des règlements qu’elles jugent restrictifs.

Cette problématique pourrait s’intensifier si des joueuses continuent de se retirer des matchs par solidarité envers leurs coéquipières voilées. Dans ce cas, la Fédération pourrait se voir contrainte de reconsidérer ses règles ou de justifier davantage sa position pour éviter une baisse de la participation féminine dans le basket-ball français.

Perspectives et avenir de la réglementation

Le débat autour du port du voile islamique dans le basket français n’en est certainement qu’à ses débuts. Avec la mobilisation des collectifs comme « Basket pour toutes » et le soutien de nombreux citoyens, les voix en faveur d’un assouplissement des règles de la FFBB continuent de se faire entendre. L’évolution des mentalités et le rapprochement avec les pratiques internationales pourraient, à terme, influencer la position de la Fédération française de basket-ball et amener une révision de sa politique en matière de signes religieux.

Alors que le sport devrait être un terrain d’unité et de rassemblement, l’enjeu est aujourd’hui de trouver un équilibre entre laïcité et inclusion, afin que chacune puisse pratiquer librement son sport, quelles que soient ses croyances ou ses traditions.

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