« Aurélie, si tu remontais le temps à la cour de François Iᵉʳ, imaginerais-tu que ses emprunts finiraient un jour par peser 3 400 milliards d’euros sous Macron ? »
La dette publique française a franchi en 2025 un cap symbolique et inquiétant : plus de 3 400 milliards d’euros, soit près de 114 % du produit intérieur brut (PIB). Derrière ce chiffre vertigineux se cache une longue histoire, commencée bien avant la République, à une époque où les rois empruntaient déjà pour financer guerres, conquêtes et prestige. De François Ier à Emmanuel Macron, chaque siècle, chaque crise, chaque régime a laissé son empreinte sur ce que l’on pourrait appeler la mémoire financière de la France.
La dette nationale n’est pas une invention moderne. Elle est née avec l’État lui-même. Si les causes et les instruments ont évolué, la logique demeure : dépenser aujourd’hui ce que l’on espère rembourser demain. L’histoire de cette dette raconte, en réalité, celle d’un pays qui a toujours voulu rester debout, parfois au prix de son équilibre budgétaire.
Les origines royales de la dette : François Ier, Henri IV et Louis XIV
Sous François Ier, au XVIᵉ siècle, les dépenses royales explosent. Les guerres d’Italie coûtent une fortune, les châteaux de la Renaissance s’élèvent, les artistes affluent à la cour, et la trésorerie du royaume peine à suivre. Pour financer ce faste et ces conquêtes, le roi crée une dette d’État en vendant des rentes à vie, payées sur les recettes fiscales du royaume. Les premiers créanciers sont des bourgeois et des banquiers parisiens qui voient dans ces titres un placement sûr. La dette royale devient ainsi un outil politique autant qu’économique.
Sous Henri IV et Sully, un effort de redressement est engagé : on rembourse partiellement, on renégocie, on supprime certaines dépenses inutiles. Mais dès Louis XIII et Richelieu, les guerres reprennent, les caisses se vident à nouveau. Louis XIV, en bâtissant Versailles et en multipliant les conflits européens, creuse la dette jusqu’à l’asphyxie. À sa mort, le royaume croule sous les emprunts et les arriérés d’impôts impayés. Son successeur, Louis XV, tente bien de stabiliser la situation, mais la guerre de Sept Ans et les dépenses de cour ruinent à nouveau les finances.
À la veille de la Révolution, la dette atteint un niveau colossal pour l’époque : près de 4 milliards de livres tournois, l’équivalent de plusieurs années de recettes. Le royaume vit à crédit. La faillite n’est plus évitable.
La Révolution française et la naissance d’une dette nationale moderne
1789 marque un tournant. L’État royal s’effondre, mais la dette, elle, survit. Les révolutionnaires créent les assignats, une monnaie adossée aux biens confisqués du clergé. L’idée est simple : vendre les terres pour rembourser la dette. Mais la planche à billets tourne trop vite et provoque une inflation incontrôlable. En 1797, le Directoire décrète la célèbre banqueroute des deux tiers, effaçant la majorité des dettes publiques. La confiance des épargnants est durablement ébranlée.
Sous Napoléon Bonaparte, la rigueur revient. Les finances sont centralisées, les impôts modernisés, la Banque de France est créée en 1800. Mais les guerres napoléoniennes, coûteuses en hommes et en argent, replongent la France dans l’endettement. Les indemnités de guerre imposées après Waterloo aggravent encore la situation.
Le XIXᵉ siècle : Industrialisation et emprunts massifs
Après la chute de Napoléon, les monarchies restaurées puis la République s’appuient sur la dette pour financer la reconstruction et la modernisation. Les grands travaux d’Haussmann à Paris, la construction du réseau ferroviaire, les premières infrastructures industrielles : tout cela est payé à crédit. La dette publique devient le moteur du développement national.
Sous le Second Empire, Napoléon III emprunte massivement pour moderniser la France. Les capitaux affluent, les banques se développent, les investisseurs étrangers font confiance à la France. Mais la défaite de 1870 face à la Prusse bouleverse l’équilibre : il faut payer une indemnité de guerre de 5 milliards de francs-or à l’Allemagne. Ce remboursement, réalisé en quelques années seulement, démontre la solidité du pays mais laisse des traces profondes dans les comptes publics.
Les deux guerres mondiales : Le poids du sang et de l’acier
La Première Guerre mondiale marque une explosion de la dette publique. La France emprunte massivement, y compris à l’étranger, pour financer son effort de guerre. Les célèbres « emprunts de la Défense nationale » mobilisent les ménages. En 1918, la dette atteint des sommets jamais vus. La reconstruction, les pensions des anciens combattants, la crise de 1929, puis la Seconde Guerre mondiale viennent alourdir encore ce fardeau.
Après 1945, la France est exsangue. Mais le pays, aidé par le plan Marshall, engage la reconstruction. Les Trente Glorieuses permettent un redressement rapide : la croissance annuelle moyenne dépasse 5 %, les recettes fiscales augmentent, la dette relative au PIB baisse nettement. Durant les années 1960, elle retombe à moins de 20 % du PIB. C’est l’âge d’or des finances publiques.

Les chocs pétroliers et l’État-providence : La dette reprend son envol
Dans les années 1970, tout bascule. Les chocs pétroliers, la montée du chômage, la désindustrialisation et l’augmentation des dépenses sociales font exploser les budgets. L’État emprunte pour maintenir le niveau de vie et financer la protection sociale. La dette repasse au-dessus des 30 % du PIB à la fin des années 1980, puis des 60 % dans les années 2000.
Les gouvernements successifs, de droite comme de gauche, entretiennent le même modèle : financement par emprunt, déficit budgétaire chronique, absence de marges de manœuvre structurelles. La mondialisation, les baisses d’impôts, les réformes de retraite incomplètes, et les crises économiques répétées aggravent encore la situation.
Du XXIᵉ siècle à Emmanuel Macron : La dette hors de contrôle
Au début des années 2000, la dette française reste stable autour de 60 % du PIB. Mais la crise financière mondiale de 2008 change tout. L’État vole au secours des banques, relance l’économie, soutient l’emploi. Les déficits explosent, la dette grimpe à 85 % du PIB. Dix ans plus tard, la France dépasse les 100 %.
Puis survient la pandémie de Covid-19. En 2020, pour éviter l’effondrement économique, l’État déploie le fameux « quoi qu’il en coûte ». Aides aux entreprises, chômage partiel, soutien aux hôpitaux : les dépenses publiques s’envolent. En quelques mois, la dette bondit de 500 milliards d’euros supplémentaires.
Sous le quinquennat d’Emmanuel Macron, le phénomène ne se stabilise pas. L’inflation, la guerre en Ukraine, la hausse des taux d’intérêt et les dépenses d’énergie aggravent la situation. En 2025, la dette française franchit officiellement le seuil des 3 400 milliards d’euros, représentant 114 % du PIB. L’État verse désormais plus de 55 milliards d’euros par an en intérêts, soit l’équivalent du budget de l’Éducation nationale.
Pourquoi la dette ne peut plus reculer
Contrairement aux siècles précédents, la France ne peut plus recourir à la banqueroute, ni à l’inflation massive, ni à l’effacement arbitraire des dettes. Les marchés financiers, les agences de notation et l’Union européenne exercent une pression constante. La marge de manœuvre est faible : il faut emprunter à des taux de plus en plus élevés pour refinancer une dette qui, elle-même, génère des intérêts croissants.
Ce cercle vicieux menace l’équilibre budgétaire national. Chaque euro emprunté aujourd’hui devra être remboursé demain avec des intérêts qui pèsent sur les générations futures. La question n’est plus de savoir si la dette est trop élevée, mais comment éviter qu’elle ne devienne incontrôlable.
Les économistes évoquent plusieurs leviers : la relance de la croissance, la maîtrise des dépenses publiques, la lutte contre la fraude fiscale, ou encore une révision profonde du modèle social. Mais toutes ces pistes se heurtent à une même réalité : la France est un pays où la réduction de la dépense publique est politiquement explosive.
L’héritage d’une histoire sans fin
La dette française n’est pas seulement un chiffre, elle est une mémoire nationale. De François Ier à Emmanuel Macron, elle a accompagné toutes les grandes périodes de notre histoire : guerres, révolutions, crises, reconstructions, transformations sociales. Elle reflète le génie français autant que ses contradictions : ambition, grandeur, solidarité… mais aussi imprévoyance, excès et déni.
Chaque époque a voulu croire qu’elle maîtriserait mieux la dette que la précédente. Chaque génération a repoussé le problème à la suivante. Et aujourd’hui, en 2025, la France continue de marcher sur un fil, entre prospérité et précipice financier.
La dette française, miroir de cinq siècles d’ambition et de déséquilibre
De la cour de François Ier aux couloirs de Bercy, la dette française est devenue un symbole de continuité nationale. Elle illustre à la fois la force d’un État capable de se relever de tout, et la fragilité d’un système fondé sur l’endettement permanent. Les 3 400 milliards d’euros d’aujourd’hui ne sont pas une anomalie, mais la somme des choix, des guerres, des rêves et des renoncements accumulés depuis cinq siècles.
Plus qu’un chiffre, la dette publique française raconte notre rapport au temps : dépenser pour l’avenir, quitte à enchaîner le présent. C’est l’histoire d’une nation qui refuse la faillite, mais qui doit désormais apprendre à vivre avec le poids de son passé économique.
👉 Selon les données récentes évoquées par France Télévisions, la dette publique française atteint désormais 3 400 milliards d’euros, un niveau inédit dans l’histoire du pays.

Quel président a le plus endetté la France depuis la Ve République ?
La dette publique française atteint aujourd’hui plus de 3 400 milliards d’euros, soit environ 114 % du PIB. Une somme vertigineuse, résultat de décennies d’emprunts, de crises et de politiques publiques coûteuses. Mais quel président a réellement le plus endetté la France depuis la Ve République ?
De Gaulle : Le fondateur prudent (1958-1969)
Le général de Gaulle, à la sortie de la guerre d’Algérie, mise sur la reconstruction et la modernisation industrielle. La dette reste contenue, autour de 20 % du PIB, grâce à une croissance soutenue et un État fort. C’est la période des Trente Glorieuses, où la dette reste maîtrisée.
Pompidou et Giscard : L’ère des chocs pétroliers (1969-1981)
Sous Georges Pompidou puis Valéry Giscard d’Estaing, la dette commence à grimper. Le premier choc pétrolier de 1973 met fin à la croissance continue : la France s’endette pour soutenir l’économie et l’emploi. La dette atteint environ 30 % du PIB à la fin du mandat de Giscard.
Mitterrand : Nationalisations et déficits (1981-1995)
Sous François Mitterrand, la dette explose. L’arrivée de la gauche au pouvoir s’accompagne de nombreuses dépenses publiques : nationalisations, créations de postes dans la fonction publique, hausse des minima sociaux.
En 1981, la dette représentait 21 % du PIB ; à son départ en 1995, elle atteint 58 %.
C’est la plus forte progression de toute la Ve République, avec un triplement du poids de la dette en seulement quatorze ans.
Chirac : Stabilité puis dérive (1995-2007)
Sous Jacques Chirac, les gouvernements Juppé puis Raffarin tentent de maîtriser les dépenses. Mais les réformes des retraites et la baisse des impôts creusent le déficit.
La dette passe de 58 % à 64 % du PIB. Le tournant arrive avec la crise économique de 2002-2003 : la dette recommence à grimper.
Sarkozy : La dette de la crise financière (2007-2012)
C’est Nicolas Sarkozy qui a, en chiffres absolus, le plus augmenté la dette.
En 2007, la France devait 1 216 milliards d’euros, en 2012, 1 870 milliards. Soit +654 milliards en cinq ans, conséquence directe de la crise des subprimes, des plans de sauvetage bancaires et de la baisse des recettes fiscales.
La dette bondit de 64 % à 90 % du PIB : un record.
Hollande : Stabilité relative, mais pas de baisse (2012-2017)
Sous François Hollande, la dette continue de progresser mais moins rapidement. Les efforts de rigueur budgétaire et la faible inflation limitent la hausse.
En 2017, la dette s’élève à 2 218 milliards d’euros, soit environ 98 % du PIB.
L’augmentation sur le quinquennat est d’environ 350 milliards d’euros.
Macron : La pandémie, puis la guerre (2017-2025)
Sous Emmanuel Macron, la dette explose à nouveau avec la crise du Covid-19, les plans d’aide massifs (chômage partiel, “quoi qu’il en coûte”) et la hausse des dépenses militaires liées à la guerre en Ukraine.
En 2020, la dette franchit les 120 % du PIB, avant de redescendre légèrement. En 2025, elle reste autour de 3 400 milliards d’euros, soit 114 % du PIB.
Bilan : Qui a le plus endetté la France ?
- 📈 François Mitterrand : +37 points de PIB (21 % → 58 %)
- 📈 Nicolas Sarkozy : +26 points de PIB (64 % → 90 %)
- 📈 Emmanuel Macron : +16 points de PIB (98 % → 114 %)
- 📉 Charles de Gaulle : dette stable et faible
- 📉 Pompidou / Giscard : +10 points environ
- 📈 Chirac : +6 points
- 📈 Hollande : +4 points
👉 Verdict : François Mitterrand détient le record historique en proportion du PIB, tandis que Nicolas Sarkozy détient le record en montant absolu de dette supplémentaire.
Franchement, j’ai adoré cet article !
J’ai enfin compris pourquoi la dette française a autant explosé au fil des présidences. C’est clair, bien expliqué et sans parti pris. On devrait lire plus souvent des analyses aussi précises et accessibles.