Fatima : « Et si, demain, le téléphone se taisait et qu’un appel sans consentement abolissait l’emploi de milliers de voix marocaines ? »
Paris, bureau feutré d’un journaliste
Dans la lumière tamisée d’un bureau parisien, un journaliste lit les lignes graves d’un article paru dans Libération. Le titre frappe comme un couperet : « Au Maroc, des dizaines de milliers d’emplois menacés par la loi française interdisant le démarchage téléphonique ». En un instant, l’histoire dépasse la technique pour devenir humaine : Derrière chaque appel sortant se cache une vie, une famille, une espérance.
Casablanca, capitale des centres d’appels
Dans les open-spaces bondés de Casablanca, les voix fusent. Elles se ressemblent et pourtant, chacune porte une singularité : La fatigue d’une mère célibataire, l’ambition d’un jeune diplômé, l’exil d’un migrant subsaharien.
Ces voix orchestrent l’essentiel des campagnes sortantes vers la France. Près de 120 000 personnes travaillent dans ce secteur, où plus de 80% du chiffre d’affaires dépend du marché français.
Or, le 21 mai 2025, l’Assemblée Nationale française a voté un texte implacable : À partir d’août 2026, tout appel non sollicité sera interdit.
L’alerte des syndicats
La Fédération nationale des centres d’appels du Maroc tire la sonnette d’alarme : « Il faut se préparer à des fermetures. » Derrière cette phrase, ce sont des dizaines de milliers de travailleurs qui entrevoient le spectre du chômage. Les structures les plus vulnérables sont les petites entreprises mono-activités, dépendantes à 100% de la téléprospection sortante. Pour elles, l’horizon s’assombrit.
Le poids social d’une décision française
Le Maroc connaît déjà un chômage des jeunes alarmant : Plus de 35% des moins de 25 ans sont sans emploi. En 2023, le pays avait perdu plus de 150 000 emplois, notamment dans l’agriculture. Le secteur des centres d’appels représentait alors un refuge, une voie d’insertion rapide dans le monde du travail.
Aujourd’hui, cette planche de salut menace de se briser. Les migrants subsahariens, nombreux dans ces centres, sont les premiers exposés. Sans contrat stable, sans filet social, ils risquent de sombrer dans une précarité totale.
Résilience et adaptation
Pourtant, le secteur n’est pas condamné. La majorité des grandes entreprises s’adaptent déjà : Passage du démarchage à froid vers le service client multicanal, intégration des outils digitaux, montée en compétences dans le back-office et l’assistance technique.
L’intelligence artificielle, loin de remplacer l’humain, devient une alliée. Elle permet d’automatiser les tâches les plus répétitives pour mieux valoriser les compétences relationnelles. Mais cette mutation a un prix : Formation, investissement, et surtout du temps – ce temps qui manque cruellement avant août 2026.
Du silence à la renaissance : L’avenir incertain des centres d’appels marocains
Dans quelques mois, le silence pourrait s’installer dans les centres d’appels marocains. Là où résonnaient hier des milliers de voix vendant, convainquant, rassurant, il ne restera peut-être que des chaises vides.
Mais ce silence n’est pas inéluctable : Il peut devenir le prélude d’une transformation, d’une reconversion vers des services à plus forte valeur ajoutée. L’interdiction du démarchage téléphonique, destinée à protéger le consommateur français, agit comme un électrochoc. Elle révèle la fragilité d’un modèle… mais aussi sa capacité à renaître autrement.