isolement clinique psychiatrique

Seul en clinique psychiatrique : Pourquoi personne ne vous parle et comment créer du lien pendant l’hospitalisation ?

SANTE

Trois jours. Soixante-douze heures…

Cela peut sembler peu pour un monde extérieur rythmé par les horaires de métro, les téléphones qui vibrent et les conversations sans fin. Mais dans l’univers clos d’une clinique psychiatrique, trois jours sans un seul mot échangé, sans un regard, peuvent ressembler à une éternité. Pour Éléonore, hospitalisée récemment dans un établissement du sud de la France, cette expérience a été un choc aussi brutal que silencieux.

L’arrivée dans un autre monde

Lorsqu’elle a franchi les portes vitrées de la clinique, escortée par deux ambulanciers bienveillants mais pressés, elle s’attendait à être accueillie. À ce qu’un soignant vienne lui parler. À un sourire, au moins. Mais après la paperasse et la remise des affaires personnelles dans un petit sac plastique, plus rien. On l’a guidée vers une chambre impersonnelle, beige et vide. Depuis, le silence.

Le grand vide

Éléonore entend les bruits de couloir. Des portes qui claquent. Des pas rapides. Un chariot qui grince. Elle croise des patients dans le réfectoire, mais aucun ne lui parle. Les regards sont fuyants ou éteints. Le personnel soignant, lui, passe brièvement pour distribuer les médicaments ou prendre la tension. À aucun moment, personne ne s’est assis pour lui demander : “Comment allez-vous ?

Pourquoi ce silence ?

C’est la question qui hante de nombreux patients : Pourquoi suis-je invisible ici ?

  1. Un système débordé
    Les soignants ne sont pas indifférents, ils sont épuisés. Une infirmière de l’établissement confiera plus tard à Éléonore : “On fait 14 heures sans pause. Parfois on n’a même pas le temps de dire bonjour.” Les établissements psychiatriques français souffrent d’un manque cruel de personnel, et cela se ressent.
  2. Une organisation centrée sur le médical
    L’entrée en psychiatrie est souvent médicalisée à l’extrême : On administre, on surveille, on note. Mais l’accueil humain, lui, est laissé de côté. On oublie que la parole est un soin.
  3. Des patients aussi en souffrance
    Les autres hospitalisés ne sont pas hostiles. Ils sont souvent repliés, eux aussi perdus dans leur détresse. L’énergie nécessaire pour aller vers les autres manque cruellement à chacun.

Comment rompre l’isolement ?

Mais alors que faire ? Comment créer du lien dans ce désert humain ?

➡️ 1. Oser le premier mot

C’est difficile. Mais parfois un simple “Salut” à la cafétéria, ou un “Tu sais si c’est l’heure du groupe ?” peut amorcer quelque chose. Éléonore l’a fait au quatrième jour. Un patient lui a répondu timidement. Ce fut le début d’un échange… puis d’une amitié.

➡️ 2. Demander un entretien

Il est tout à fait légitime de demander un rendez-vous avec un psychologue, un infirmier ou un médecin. Il ne faut pas attendre qu’on vienne vers vous. “Je me sens seule. J’ai besoin de parler.” Cette phrase peut changer le cours de votre hospitalisation.

➡️ 3. Participer aux activités collectives

Même si vous n’avez pas envie, poussez la porte d’un atelier. On n’y parle pas toujours, mais les regards échangés, les sourires, les gestes partagés autour d’un puzzle ou d’un dessin, reconnectent doucement au monde.

➡️ 4. Écrire, dessiner, laisser une trace

Éléonore a commencé à tenir un journal. Puis elle l’a laissé sur la table du salon. Un autre patient y a répondu en écrivant une phrase. Un échange silencieux est né, plus fort que bien des paroles.

Ce que le silence cache

Le silence en psychiatrie n’est pas un oubli personnel. Il est structurel. Mais cela ne signifie pas que vous devez l’accepter sans rien faire.

La dignité d’un être humain hospitalisé commence par la reconnaissance de son existence. Et cette reconnaissance peut s’amorcer dans un regard, un mot, un acte.

Sortir de l’ombre

L’hospitalisation psychiatrique ne devrait jamais être synonyme d’abandon affectif.

Et pourtant, pour des milliers de personnes, c’est le cas chaque jour.

Mais dans ce désert, chaque petit geste compte. Chaque parole lancée, même timidement, peut devenir une ancre. Pour les autres. Pour soi.

Éléonore, aujourd’hui, n’est plus invisible. Elle a osé dire : “Je me sens seule.”

Et ce simple aveu lui a permis de ne plus l’être.

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