Jean-Luc Mélenchon, François Bayrou et le blocage du 10 septembre : décryptage d’un bras de fer politique et citoyen en France.

Pourquoi Jean-Luc Mélenchon veut-il s’approprier le mouvement de blocage du 10 septembre 2025 ?

POLITIQUE

Il est des colères qui naissent dans le silence des foyers, des grincements de dents anonymes qui se transforment en grondements collectifs. Le mouvement de blocage du 10 septembre 2025 est de ceux-là : Un appel spontané, viral, porté par des citoyens sans bannière politique, sans syndicat, sans structure. Sur les réseaux sociaux, le mot d’ordre a jailli comme une étincelle : « Tout bloquer, partout, à partir du 10 septembre ». Pas de leader identifié, pas de programme figé, juste une volonté brute de « tout arrêter » pour faire plier un pouvoir jugé sourd et arrogant.

Et c’est précisément dans cette effervescence qu’est apparu Jean-Luc Mélenchon, figure incontournable de la gauche radicale, qui a choisi d’embrasser cette contestation citoyenne. Mais alors, pourquoi ce choix ? Pourquoi chercher à s’approprier un mouvement dont il n’est pas l’initiateur ? La question mérite un examen détaillé.

Un mouvement né hors des appareils politiques

À l’origine, il y a les réseaux sociaux. Au cœur de l’été 2025, un simple mot-dièse a commencé à circuler : #10SeptembreSansCB, #ToutBloquer. En quelques jours, il a enflammé les groupes Telegram, TikTok, Twitter et Facebook. Derrière, des anonymes, parfois d’anciens Gilets Jaunes, parfois de simples salariés en colère, mais sans leader revendiqué.

Le journal Le Point le rappelait : L’appel ne venait ni de la CGT, ni de La France Insoumise, ni de partis établis. C’était un mouvement citoyen, brut, désorganisé. Et c’est bien là sa force : Personne pour en revendiquer la paternité, mais une vague prête à se soulever.

Pour Mélenchon, cette spontanéité est à la fois une opportunité et un danger. Opportunité, car il peut s’associer à une colère réelle, danger, car s’il reste en retrait, d’autres forces — parfois venues de l’extrême droite — pourraient capter cette énergie et en détourner le sens.

L’entrée en scène de Jean-Luc Mélenchon

Le 16 août, dans les colonnes de CNews et de La Tribune Dimanche, Mélenchon a pris la parole. Avec sa verve habituelle, il a appelé à la censure de François Bayrou, Premier ministre, et annoncé son soutien au blocage du 10 septembre. Une position claire : Il ne se contente pas d’observer, il s’implique.

Mais dans ses mots, une nuance importante : Il reconnaît que ce mouvement n’est pas le sien. « De nombreux Insoumis y participent comme j’en ai été saisi », expliquait-il. Autrement dit, il ne l’a pas initié, mais il se l’approprie en l’encadrant, en l’articulant avec une offensive politique au Parlement : Le dépôt d’une motion de censure contre Bayrou.

C’est là le cœur de la stratégie : Lier la rue et l’hémicycle. Car pour Mélenchon, le blocage citoyen seul risque de s’essouffler, et la motion de censure seule a peu de chances d’aboutir. Mais ensemble, ces deux leviers pourraient fragiliser le gouvernement.

Une récupération assumée

Beaucoup s’interrogent : Mélenchon ne fait-il que « surfer » sur une colère qui n’est pas la sienne ? La réponse est plus subtile. Oui, il récupère le mouvement. Mais c’est une récupération assumée.

En réalité, Mélenchon joue une carte classique en politique : Donner une direction à un mouvement diffus. Les Gilets Jaunes en 2018 l’avaient montré : Sans leader, une colère populaire peut s’éparpiller, se perdre en violences ou se diluer. En venant s’y greffer, Mélenchon veut canaliser cette énergie vers un objectif politique clair : Faire tomber le gouvernement Bayrou.

Cette stratégie lui permet aussi d’empêcher d’autres forces politiques de s’emparer de la contestation. Car le mouvement du 10 septembre, par son absence de structure, attire aussi bien des militants de gauche que des groupuscules d’extrême droite. S’y associer, c’est éviter que ses adversaires ne le détournent.

Une stratégie en deux volets

Mélenchon a résumé lui-même sa vision :

  1. La rue : Soutenir le blocage pour donner corps à une colère sociale.
  2. L’Assemblée Nationale : Déposer une motion de censure immédiate.

Cette double action est stratégique. Si le blocage échoue, la motion de censure garde un effet médiatique. Si la motion échoue, le blocage continue de maintenir la pression. Dans tous les cas, Mélenchon occupe le terrain.

Les critiques et les risques

Évidemment, cette récupération ne fait pas l’unanimité. Certains militants du mouvement citoyen accusent déjà Mélenchon de vouloir mettre son drapeau sur leur colère. D’autres, plus pragmatiques, estiment que son soutien offre une visibilité utile et un relais politique.

Mais le risque est réel : Si le blocage échoue ou dégénère, l’opposition pourra facilement pointer du doigt La France Insoumise comme responsable. Mélenchon joue donc une carte risquée, mais calculée.

Un pari politique

En réalité, la question n’est pas de savoir si Mélenchon a lancé le mouvement — il ne l’a pas fait — mais de comprendre pourquoi il cherche à le faire sien. La réponse tient en une phrase : Il veut être l’interface entre la colère populaire et l’action institutionnelle.

Dans un contexte où François Bayrou est fragilisé, où l’inflation et la colère sociale grondent, ce pari peut se révéler payant. Mais il peut aussi se retourner contre lui si le mouvement échappe à tout contrôle.

Un mouvement citoyen, une stratégie politique

Jean-Luc Mélenchon n’est pas l’initiateur du mouvement de blocage du 10 septembre 2025. Mais il a choisi de s’y greffer, de l’encourager, et surtout de lui donner un prolongement politique avec une motion de censure. En s’appropriant ainsi une révolte citoyenne née sur les réseaux, il espère transformer une colère diffuse en force politique organisée.

Le 10 septembre dira si ce pari est réussi. Mais une chose est certaine : Mélenchon a compris que le pouvoir appartient à ceux qui savent canaliser la rue autant qu’à ceux qui occupent l’hémicycle.

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