Peut-on encore rencontrer les citoyens librement ? Louis Boyard provoque un débat après avoir été sanctionné pour un barbecue public.

Louis Boyard verbalisé pour un barbecue interdit : L’affaire qui enflamme Villeneuve-Saint-Georges

SOCIETE

Par une chaleur estivale accablante, ce 11 juillet 2025, les pavés de la place Mouliérat, à Villeneuve-Saint-Georges, crépitaient sous le soleil. Ce coin populaire du Val-de-Marne, où se croisent les générations, les galères sociales et les engagements politiques, semblait respirer un peu mieux ce jour-là. Un député s’y était installé, non pas pour discourir dans une salle feutrée, mais pour rencontrer « les vrais gens », comme il le dirait lui-même. Louis Boyard, jeune figure tranchante de La France Insoumise, avait décidé de descendre au pied des immeubles, dans la poussière et l’odeur des merguez, pour organiser un barbecue citoyen. Une initiative simple, directe, conviviale. Mais que certains n’ont pas digérée.

Car derrière les fumées de grillades et les poignées de main, ce moment a vite viré à l’affaire politique. Trois infractions, pas moins, selon la maire LR de la commune, Kristell Niasme. Elle n’a pas tardé à dégainer un courrier de verbalisation que Le Parisien s’est procuré : Événement non déclaré, affichage sauvage, et barbecue strictement interdit sur la voie publique. Une triple entorse au règlement municipal. La réponse de la mairie fut cinglante. Celle du député tout autant.

Louis Boyard, comme souvent, n’a pas fui la polémique. Il l’a embrassée. « Tout le monde met des affichettes pour inviter à des événements, c’est la base du lien local », réplique-t-il. Il évoque l’absence d’autorisation préalable, oui, mais s’en explique : « Quand je demande une salle à la mairie, on me répond dans trois ou quatre mois, ou on me dit qu’il n’y en a pas de libre. On fait comment, alors ? On attend les élections pour exister dans l’espace public ? » Dans sa bouche, le ton monte, comme pour mieux dénoncer ce qu’il perçoit comme une entrave démocratique. Car pour lui, c’est là le fond du problème.

Le barbecue n’était pas qu’un prétexte pour briser la routine d’un quartier. C’était, selon Boyard, une manière d’exercer son mandat. « Aller à la rencontre de celles et ceux qui ne viennent jamais à la permanence, c’est mon devoir. Ce sont les invisibles qu’on rend visibles par ce genre de moment. » Il cite les familles qui n’ont pas les moyens de partir en vacances, les jeunes qui se sentent oubliés, les locataires en lutte contre l’humidité de leurs logements sociaux. Autour du feu, il y avait surtout des habitants, des enfants curieux, des retraités contents de parler politique sans se sentir méprisés.

Mais la maire, elle, n’a pas voulu laisser passer ce qu’elle considère comme un affront à l’ordre républicain local. Le règlement des parcs et jardins de Villeneuve-Saint-Georges, voté en conseil municipal, est clair : Les barbecues y sont strictement interdits pour des raisons de sécurité et d’hygiène. Or, l’élu insoumis n’a pas sollicité la moindre autorisation. Pire, des affiches collées sur les murs de la ville annonçaient l’événement sans respecter les emplacements officiels. Pour Kristell Niasme, ce n’est pas un oubli anodin, c’est une volonté de transgresser les règles. Et c’est ce qui lui vaut aujourd’hui une amende.

Louis Boyard – Villeneuve-Saint-Georges – Barbecue interdit

Cette scène aurait pu rester une simple querelle administrative. Mais avec Louis Boyard, tout prend une tournure politique. À 24 ans, ce député ne cesse de faire parler de lui. Déjà connu pour ses prises de position radicales sur les violences policières, l’éducation ou la pauvreté, il a fait du terrain son champ de bataille. Il n’hésite pas à sortir des hémicycles pour aller à la rencontre de ceux qu’il dit représenter. Quitte à braver les règlements municipaux. Quitte à s’attirer les foudres des élus locaux.

« Si je dois payer des amendes pour continuer à voir les citoyens, alors je paierai. Je suis un Insoumis et je le resterai. » Cette phrase, qu’il a livrée au Parisien, claque comme un slogan de campagne. Elle résume à elle seule la posture du jeune député : Provocatrice, assumée, et souvent en marge des formes classiques de la représentation politique. Il ne cherche pas le consensus. Il revendique le désordre comme méthode, la transgression comme langage.

Mais ce qui choque ou agace les uns séduit les autres. Dans les quartiers populaires de sa circonscription, beaucoup saluent sa proximité. Ils le croisent dans les halls, sur les bancs, dans les files d’attente. Ils voient en lui un élu qui ne les regarde pas de haut, qui ne se contente pas de bulletins de vote mais qui vient écouter, discuter, parfois même manger avec eux. Ce barbecue, finalement, était peut-être plus qu’un geste politique. Il était un symbole de cette nouvelle manière de faire campagne, de faire politique, de faire République.

Derrière cette affaire, se joue aussi une tension plus large entre deux visions du pouvoir local. D’un côté, une maire qui entend faire respecter la loi et le cadre légal, y compris face à un député. De l’autre, un parlementaire qui considère que sa légitimité populaire l’autorise à des écarts, à condition qu’ils soient faits au nom du lien social. Une opposition entre l’ordre et l’audace. Entre les institutions et le terrain. Entre la rigueur républicaine et la désobéissance civique.

L’épisode pourrait se clore avec le paiement de l’amende. Mais il restera dans les esprits comme un marqueur politique. Comme un point de friction entre deux France : Celle des règlements et celle de la débrouille. Celle des mairies qui verrouillent et celle des militants qui déverrouillent. Celle de l’ordre établi, et celle qui cherche à le bousculer.

Et pendant ce temps, au pied des immeubles, les merguez ont continué à grésiller.

Laisser un commentaire