« J’ai provoqué la mort » : confession d’un médecin suspendu, et enquête sur ce qu’il appelle un acte d’humanité.

« J’ai abrégé l’agonie » : Enquête sur un docteur jugé pour avoir écourté la souffrance

SANTE

Il s’appelle Didier Peillon. Il a 64 ans. Et pendant 35 années, il a sauvé des vies. Des centaines, peut-être des milliers. Chef des urgences, réanimateur, pilier discret mais solide de l’hôpital dans la région lyonnaise. Mais aujourd’hui, ce n’est plus pour ses diagnostics que la France parle de lui. C’est pour ses décisions. Silencieuses, solitaires. Inavouables jusque-là. Et qu’il a choisi de raconter, noir sur blanc.

Le 10 septembre 2025, son livre intitulé « Ces malades que nous aidons à mourir » paraît aux éditions City. Moins de 24 heures plus tard, sa carrière bascule. Suspendu. Accusé. Mis en cause. Car dans ce témoignage rare et troublant, le docteur Peillon fait une révélation brutale :

« J’ai provoqué la mort de patients par souci d’humanité. »

Ce n’est pas une phrase en l’air. C’est une confession assumée. Le récit de décisions prises en pleine conscience. De gestes non posés volontairement. Un respirateur qu’on ne branche pas. Une réanimation qu’on évite. Un traitement qu’on retarde. Non par négligence. Mais parce que, selon lui, la mort était devenue plus douce que la vie.

Le choc de l’institution

L’annonce fait l’effet d’une bombe dans les couloirs aseptisés des hôpitaux. Le lendemain même de la sortie de son ouvrage, l’Agence Régionale de Santé et la direction hospitalière ordonnent sa suspension immédiate. L’Ordre des Médecins du Rhône le convoque sans délai. Un signalement est adressé au procureur. La machine judiciaire est enclenchée.

Pourtant, le Dr Peillon n’a jamais fui ses responsabilités. Bien au contraire. Il avait anticipé les représailles. « Ça m’embêterait quand même… » confiait-il, quelques jours avant la publication, aux journalistes du Progrès. Une phrase à double tranchant, entre regret discret et courage lucide.

Une vie à la frontière du légal

Durant ses trois décennies et demie de service, Didier Peillon a vu la souffrance de près. Celle qu’aucune morphine ne calme. Celle des corps brisés, des cerveaux dévastés, des fins de vie qui s’éternisent entre deux respirations arrachées à la volonté divine. Il ne parle pas d’euthanasie active, ni d’injection létale. Il parle d’omissions volontaires, de choix silencieux, d’une bienveillance interdite.

« J’ai parfois estimé qu’un geste médical n’avait plus de sens. Qu’il ne ferait que prolonger l’agonie, sans espoir, sans retour possible à une vie digne. »

Ce que dit la loi. Ce que dit la vie.

En France, la loi Leonetti autorise depuis 2005 la sédation profonde et continue jusqu’au décès, sous conditions strictes. Mais elle interdit toujours formellement l’euthanasie. Peillon le sait. Et pourtant, il défie ce cadre. Il affirme que cette loi ne couvre qu’une minorité des cas réels, et que dans 95% des situations vécues aux urgences, elle est inapplicable, voire dangereusement insuffisante.

Il cite des cas. Des visages. Des souffrances étouffées sous des draps blancs. Il parle aussi du silence, celui des collègues qui ferment les yeux, qui ne veulent pas savoir. Des soignants qui, eux aussi, au fond, ont parfois choisi d’écouter leur conscience plutôt que le code pénal.

Un homme seul face à sa conscience

Didier Peillon n’a pas écrit ce livre pour se défendre. Il l’a écrit par loyauté envers ses patients, morts dans un anonymat silencieux, parfois soulagés d’un dernier souffle provoqué, ou plutôt… non empêché.

Il ne revendique pas une quelconque gloire. Il ne crie pas à l’injustice. Il dit simplement :

« Je ne peux m’en prendre qu’à moi-même. Mais je ne regrette pas mes gestes. J’ai regardé chaque patient dans les yeux. Et j’ai choisi la dignité. »

Tabou brisé ou faute médicale ?

Le débat est désormais national. Les plateaux télé s’enflamment. Les éditorialistes s’interrogent. Certains dénoncent une faute grave, une trahison de la déontologie. D’autres saluent le courage d’un homme qui ose nommer ce que tout le monde sait mais tait : La médecine, parfois, accompagne la mort plus qu’elle ne combat la maladie.

Et la société, elle, vacille. Partagée entre respect du serment d’Hippocrate et compassion légitime. Entre légalité froide et humanité brûlante. Peut-on laisser souffrir un être humain parce que la loi l’impose ? Et inversement, peut-on accepter qu’un médecin, seul dans son service, décide quand une vie doit s’arrêter ?

Une décision imminente

L’Ordre des Médecins doit bientôt trancher : Didier Peillon sera-t-il radié ? Pourra-t-il exercer à nouveau ? Ou restera-t-il à jamais comme un lanceur d’alerte, honni par les siens, adulé par certains ?

Son livre, déjà en rupture de stock dans plusieurs librairies, est devenu une bombe éthique. Un miroir brutal. Une question posée à chaque Français :

« Et vous ? Si c’était votre mère, votre enfant, votre compagnon… auriez-vous voulu que le docteur Peillon agisse ? Ou s’abstienne ? »

Entre crime et compassion, un tabou français

Didier Peillon ne cherche pas la rédemption. Il cherche à briser l’omerta, à ouvrir un débat dont la société ne veut pas mais qui s’impose à elle.

Ce médecin suspendu n’a pas brandi le scalpel. Il a, parfois, retenu sa main. Et dans ce geste, certains verront un crime. D’autres, une grâce.

1 thought on “« J’ai abrégé l’agonie » : Enquête sur un docteur jugé pour avoir écourté la souffrance

  1. Depuis la Belgique, l’attitude de la France face à la question de la fin de vie digne apparaît incompréhensible.

    Comment expliquer un tel retard, sinon par le poids persistant d’influences conservatrices et religieuses qui rappellent les heures les plus sombres de l’obscurantisme ?

    La majorité des pays européens ont déjà choisi de légiférer en faveur d’une plus grande liberté individuelle en la matière. Alors, pourquoi tant de réticences en France ?

    Ma tante adorée, Belge de naissance, âgée de 94 ans, aveugle, et vivant aujourd’hui à Nice auprès de ses enfants, est en fin de vie. Elle souhaite revenir dans son pays natal pour y mettre un terme à son parcours terrestre. Mais pourquoi devrait-elle subir une telle contrainte ?

    Quant à moi, à 71 ans, tout est d’ores et déjà réglé officiellement. Et je peux témoigner combien c’est un immense soulagement moral.

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