“Si on dérange, dégagez” : le conseil communal de Molenbeek en pleine tempête politique

Molenbeek : L’élue voilée Saliha Raiss choque avec son « Si on dérange, dégagez ! »

POLITIQUE

Il est des soirées de conseil communal qui basculent dans l’histoire politique locale, non pas par des votes décisifs ou des réformes de fond, mais par une phrase lâchée, sèche, presque instinctive, qui résonne bien au-delà des murs de l’assemblée. Ce fut le cas à Molenbeek, commune bruxelloise déjà auréolée d’une réputation de terrain sensible aux débats identitaires. Ce 30 août 2025, l’échevine Saliha Raiss, membre du PS Vooruit, a fait éclater un tollé en lançant à ses opposants :

« Si on dérange tant que ça, dégagez ! »

Une sentence tranchante, prononcée au micro en plein conseil communal, alors qu’elle dénonçait l’attitude du Mouvement Réformateur (MR), qu’elle accuse de fermer les yeux sur des propos racistes visant les femmes voilées.

Une atmosphère déjà électrique

Ce soir-là, l’air était lourd dans la salle du conseil communal. Les visages fermés, les mains crispées sur les dossiers. Les caméras locales captaient chaque geste, chaque mot, sachant que les débats autour de la laïcité, du port du voile et du vivre-ensemble divisent profondément la Belgique.

Lorsque Saliha Raiss prend la parole, ce n’est pas une intervention neutre ou protocolaire. Elle commence par rappeler les attaques subies par les femmes musulmanes portant le voile, des insultes banalisées, dit-elle, par une partie de la classe politique. Elle cite ces regards condescendants, ces phrases assassines comme : « Ces femmes ne s’intègrent pas », des propos qu’elle qualifie de violences symboliques répétées.

Le mot de trop… ou le cri du cœur ?

Mais c’est sa réplique, presque cinglante, qui marquera la soirée.

« Si on dérange tant que ça, dégagez ! » lance-t-elle, le ton ferme, sans trembler.

Dans la salle, un silence. Puis, des murmures. Ses collègues du MR s’insurgent. Le président de séance tente d’apaiser les tensions, mais le mot est lâché. Il roule déjà sur les réseaux sociaux, repris par des opposants, amplifié par des soutiens.

Le Figaro, relayant le JDD, raconte combien la sortie de Saliha Raiss a provoqué une onde de choc. Pour certains, une élue n’a pas le droit de s’adresser ainsi à ses collègues, surtout dans une enceinte institutionnelle. Pour d’autres, c’est un acte de résistance, une manière d’exprimer un ras-le-bol face à ce qu’elle perçoit comme une hypocrisie politique.

Une élue sous le feu des critiques

Les réactions n’ont pas tardé. Les élus du MR dénoncent un manque de respect et une volonté de fracture. Les réseaux sociaux s’enflamment. Certains internautes accusent Saliha Raiss de communautarisme, d’autres la saluent comme une voix courageuse qui ose dire ce que beaucoup pensent en silence.

Le PS Vooruit, son parti, se retrouve coincé : Faut-il la désavouer et risquer de trahir une partie de son électorat, ou la défendre au nom de la liberté de parole ?

Un symbole plus large

Au-delà du mot « dégagez », c’est tout le débat belge sur la laïcité, le port du voile et l’intégration qui ressurgit. Molenbeek, déjà stigmatisée après les attentats de 2015 et présentée comme une commune multiculturelle difficile à gouverner, devient à nouveau l’épicentre d’un séisme politique.

La polémique dépasse le cadre local. Elle interroge la capacité du pays à maintenir un dialogue apaisé entre des visions du monde qui semblent irréconciliables. D’un côté, ceux qui défendent la neutralité stricte de l’espace public. De l’autre, ceux qui dénoncent une stigmatisation permanente des minorités visibles.

Une phrase appelée à hanter la politique belge

Qu’on l’applaudisse ou qu’on la critique, le « Si on dérange, dégagez » de Saliha Raiss restera. Comme un slogan, comme un marqueur, comme un écho du malaise d’une partie de la population qui refuse de se sentir tolérée à condition de se faire invisible.

Et derrière ce tumulte, une question subsiste : Ce coup d’éclat n’a-t-il pas révélé, une fois de plus, que la Belgique marche sur un fil ténu, entre liberté et tension identitaire, entre débat républicain et fracture communautaire ?

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