Élise : « Que se passe-t-il dans le cœur d’une femme quand, après un attouchement en pleine scène, elle décide non pas de fuir ni de pleurer, mais de retirer son haut, poitrine nue face au public, pour que la honte change enfin de camp ? »
C’était un de ces soirs d’été où la musique coule comme une rivière en crue dans les veines du public. Une salle vibrante de chaleur, de cris, de lumières moites et de regards tournés vers la scène. Rebecca Baby, chanteuse charismatique du groupe Lulu Van Trapp, s’élance sous les projecteurs comme une étoile filante tombée dans une tempête de décibels. Elle chante, elle vibre, elle donne. Le public est là, suspendu à sa voix, à sa silhouette, à chaque souffle qu’elle dépose dans l’air dense de cette fin juillet.
Puis, en un éclair qui fige le monde, un geste. Une main tendue, déplacée, intrusive. Un attouchement. Non pas l’ombre d’un doute, mais la certitude d’un corps envahi sans consentement, en plein milieu d’une performance, dans le vacarme d’une salle comble. Cela dure une fraction de seconde, mais c’est suffisant. La honte, cette vieille ennemie des femmes, s’abat sans prévenir. Elle est là, cette honte que les victimes portent souvent à la place de ceux qui devraient en être couverts.
Rebecca aurait pu s’arrêter. S’effondrer. Lancer son micro. Demander l’évacuation de l’agresseur. Mais elle choisit une autre voie. Une voie inattendue, radicale, frontale. Elle retire son haut. Et poursuit le concert, seins nus, face au public, face aux regards, face au silence lourd de ceux qui ont vu mais ne savent que dire. Elle ne chante plus seulement une chanson. Elle incarne une révolte.
Le public, lui, oscille. Entre gêne, sidération, admiration. Certains baissent les yeux, d’autres hurlent leur soutien. Mais dans cette salle où la musique battait la mesure du divertissement, elle a, d’un simple geste, déplacé le centre de gravité : L’espace devient politique. Le corps féminin, trop souvent sexualisé ou invisibilisé, devient arme, drapeau, cri muet.
Sur les réseaux sociaux, les images tournent. Certaines personnes filment. Les partages se multiplient. Le Parisien publie un article dès le lendemain : « Rebecca Baby, victime d’attouchement, finit seins nus : “Changer la honte de camp” ». La citation devient virale. La scène aussi. L’émotion grandit. On ne parle plus de la setlist, ni même du groupe. On parle d’un moment. D’un choc. D’un basculement.

Rebecca Baby n’a pas donné de conférence de presse. Elle a simplement chanté. Elle n’a pas porté plainte sur scène. Elle a continué à se tenir droite, poitrine exposée, non pas pour provoquer, mais pour reprendre possession de ce que l’on venait de tenter de lui voler. Son intégrité. Son droit au respect. Son corps.
Ce n’est pas un coup de communication. Ce n’est pas une provocation calculée. C’est une réaction viscérale, d’une femme qui, au lieu de plier, décide de transformer sa douleur en acte politique. “Changer la honte de camp”, cela veut dire : La honte ne doit plus être portée par celles et ceux qui subissent, mais par ceux qui commettent. Elle n’a pas crié. Elle a montré.
Le lendemain, les débats s’enflamment. Est-ce légitime ? Était-ce approprié ? Certains crient à l’indécence, d’autres à la puissance de son geste. Mais dans l’œil du cyclone médiatique, Rebecca reste silencieuse. Elle n’a rien à justifier. Son corps, à ce moment-là, n’était pas objet de désir. Il était révolte.
Elle a, en l’espace d’un concert, ouvert un nouvel espace de parole pour toutes les victimes de violences sexuelles silencieuses, banalisées, ignorées, disqualifiées. Elle a montré que l’on peut être victime et se redresser, que l’on peut être humiliée et transformer cette humiliation en force.
Ce 29 juillet 2025, dans une salle de concert, une chanteuse a renversé le pouvoir. Pas par les armes. Par la musique. Par la peau. Par le silence. Par la dignité. Et par la certitude que, désormais, la honte n’est plus chez elle. Elle est dans les gestes déplacés. Dans l’impunité. Dans la complicité tacite. Dans le rire gras de celui qui pense encore pouvoir faire ça sans conséquences.
Rebecca Baby n’a pas seulement chanté. Elle a fait trembler un système. Et dans cette secousse, c’est une génération entière qui a senti le sol se fissurer sous les vieux schémas. Ce n’était pas un accident. C’était un signal.