Élodie : « Comment une douce soirée sous les étoiles, pensée pour rassembler un quartier autour d’un simple film, a-t-elle pu se muer en symbole de peur et de censure ? »
Noisy-le-Sec, Seine-Saint-Denis – Ce devait être une soirée douce, conviviale, presque festive. Les chaises pliantes alignées, l’écran géant prêt à s’illuminer sous le ciel d’août, et le parfum d’un été qui s’étire au rythme des projections en plein air. Mais ce vendredi 8 août 2025, le quartier du Londeau n’a pas vu briller les couleurs éclatantes de Barbie. La séance a été annulée, balayée par une vague de menaces et d’intimidations qui ont obligé la mairie à renoncer.
Selon les informations rapportées par Valeurs Actuelles, la projection faisait partie du programme « Ciné sous les étoiles », organisé depuis cinq ans par l’intercommunalité Est Ensemble. L’idée : Proposer aux habitants, gratuitement, des films familiaux et populaires, et créer un moment de rencontre dans des quartiers parfois marqués par la défiance ou l’isolement.
Mais cette fois, la magie n’a pas opéré. Très vite, l’installation du matériel a été perturbée. Des jeunes hommes, décrits par le maire comme « une extrême minorité de voyous », se sont présentés sur les lieux. Ils ont refusé que le film soit projeté, menaçant les agents municipaux de s’en prendre au matériel si la séance était maintenue.
Leur grief ? La présence dans Barbie de personnages LGBT, et, selon eux, une « propagande néoféministe » inacceptable. Dans ce climat tendu, où les mots devenaient coups verbaux et où la tension montait, Olivier Sarrabeyrouse, maire PCF de Noisy-le-Sec, a tranché : Pour préserver la sécurité des agents et éviter un incident, la projection serait annulée.
« C’est une forme d’obscurantisme, une intimidation inacceptable » — Olivier Sarrabeyrouse, maire de Noisy-le-Sec (PCF)
Une décision qui, loin d’apaiser, a suscité un écho politique national. Rachida Dati, ministre de la Culture, a dénoncé une « grave atteinte à la liberté de programmation culturelle » et annoncé qu’une plainte était déposée. Aurore Bergé, ministre déléguée à l’Égalité femmes-hommes, a rappelé que « ce n’est pas anecdotique qu’une mairie soit contrainte de renoncer à un film choisi par les habitants eux-mêmes ».
Dans les ruelles du Londeau, la déception a été immense pour ceux qui étaient venus en famille. Certains enfants ne comprenaient pas pourquoi l’écran restait noir. Les bénévoles de l’événement, eux, ont plié les chaises dans un silence pesant, conscients qu’un symbole venait de tomber : Celui d’un espace public où la culture rassemble, au-delà des clivages.
Ce soir-là, le ciel est resté clair, les étoiles ont brillé… mais pas sur la toile.
L’affaire relance le débat sur la liberté culturelle face aux pressions locales, qu’elles soient religieuses, idéologiques ou communautaires. À Noisy-le-Sec, le maire promet de reprogrammer le film ailleurs et de ne pas céder à la peur. Mais l’épisode marque un tournant : Dans certaines villes, même un film rose bonbon peut devenir le centre d’une tempête politique et sociale.

Yann GOURIOU est rédacteur et responsable éditorial de MyJournal.fr. Passionné d’actualité, de société et de récits de vie, il signe chaque article avec une approche humaine, sensible et engagée. Installé en Bretagne, il développe un journalisme proche du terrain, accessible et profondément ancré dans le quotidien des Français.
