Enquête sur la stigmatisation des symboles nationaux en France : peut-on encore aimer la France sans être traité de nationaliste ?

Le drapeau français est-il devenu un symbole interdit ? Quand patriotisme rime avec soupçon d’extrême droite

SOCIETE

Il flotte doucement au vent, tricolore, immobile dans la lumière dorée du soir. Sur le balcon de Julien, à Lyon, un petit drapeau bleu-blanc-rouge rappelle, à sa manière, les valeurs de la République. Liberté, Égalité, Fraternité. Pourtant, dans son immeuble, les regards sont devenus plus lourds. Une voisine lui a glissé un jour : « Toi aussi, tu votes Le Pen ? » Depuis, Julien n’ose plus rien afficher, si ce n’est une discrète bougie lors du 14 juillet.

👉 Comment en est-on arrivé là ?

Comment ce qui incarnait jadis l’union, la victoire, la résistance et l’espoir est-il devenu, pour certains, le marqueur supposé d’un repli identitaire ? Pourquoi un simple drapeau suscite-t-il autant de suspicion ? Et surtout : Peut-on encore aimer la France librement ?

✊ Jadis, un symbole d’unité populaire

Pendant des décennies, le drapeau français était arboré avec fierté. Dans les cours d’école, les élèves l’hissaient chaque matin. Il flottait dans les stades, sur les casques des pompiers, sur les uniformes des militaires ou les maillots des Bleus. Il était là, dans les manifs du 1er mai comme dans les rassemblements du 11 novembre. Symbole d’un peuple, d’une histoire, d’un destin partagé.

Dans les années 90, Julien se souvient d’avoir chanté La Marseillaise avec ses camarades de CM2 sans jamais que personne n’y voie le moindre malaise politique. « À l’époque, c’était un chant d’union. Pas un slogan. » Même dans les banlieues, où les tensions sociales montaient, personne ne se moquait du drapeau. Il représentait la République.

💥 Le tournant des années 2000 : Récupération et glissements

C’est dans les années 2000 que le drapeau tricolore va commencer à déranger. Il est de plus en plus utilisé dans les manifestations identitaires, les meetings de l’extrême droite, ou les campagnes de certains partis populistes.

Marine Le Pen, Éric Zemmour et consorts le brandissent à tout-va. Pour une partie de la population, ce symbole de la République semble confisqué. Il devient suspect.

« Je me souviens de la Coupe du Monde 2018 », raconte Rachid, 34 ans, éducateur en Seine-Saint-Denis. « Quand j’ai sorti mon drapeau pour célébrer la victoire, un mec m’a lancé : « Toi, avec un drapeau français ? T’es sérieux ? » J’étais scié. Comme si on m’avait volé ma place dans ce pays. »

🤐 Une fierté devenue taboue

De plus en plus, ceux qui arborent le drapeau sont scrutés, interrogés, voire moqués. Sur les réseaux sociaux, on associe systématiquement le tricolore aux identitaires, voire aux groupuscules d’extrême droite.

Certains ont même été traités de « fachos » ou de « nationalistes » simplement pour avoir porté un T-shirt avec le drapeau français, ou pour avoir mis un autocollant tricolore sur leur voiture.

La confusion est totale. Pour une grande partie de la jeunesse, chanter la Marseillaise devient gênant. L’associer à la guerre, à la colonisation, à la répression. Pour d’autres, c’est l’indifférence. Pire : L’ironie. On rit de ceux qui s’en réclament.

🇫🇷 Le patriotisme : Ce sentiment qu’on n’a plus le droit d’exprimer

Dans les pays anglo-saxons ou nordiques, brandir son drapeau est une fierté quasi quotidienne. Aux États-Unis, il flotte devant chaque maison. En Suède, lors des fêtes nationales, il est présent à toutes les fenêtres.

Mais en France, le mot « patriote » est désormais chargé. Il évoque la peur de l’autre, le repli, la fermeture. Pourtant, le patriotisme n’est pas le nationalisme. Le premier est un amour pour son pays. Le second, souvent, une haine des autres.

Julien, professeur, le résume ainsi : « J’ai toujours voulu transmettre la passion de l’histoire de France à mes élèves. Mais aujourd’hui, je suis obligé de me justifier dès que je parle de République ou de drapeau. Comme si c’était une provocation. »

💬 La parole se libère (mais pas toujours du bon côté)

Sur les forums, dans les cafés, sur Twitter, le débat s’enflamme. Certains refusent que le drapeau soit « récupéré » par l’extrême droite. D’autres s’en fichent, ou estiment qu’il est « ringard« . Enfin, une minorité l’affiche pour provoquer, pour revendiquer un rejet de la diversité, un fantasme de « France d’avant« .

Mais entre ces extrêmes, la majorité silencieuse ne sait plus quoi penser. Elle aime la France, mais n’ose plus le dire.

🧠 Et si on reprenait possession de notre symbole ?

Le drapeau français n’appartient à aucun parti. Il appartient à tous les citoyens de ce pays, quelle que soit leur origine, leur religion, leur couleur de peau, leur orientation sexuelle ou leur vision du monde.

Il est temps de réconcilier la France avec son identité républicaine. De redonner au drapeau sa place : Un symbole de fierté collective, pas d’exclusion.

🎯 Reprendre le tricolore, c’est reprendre notre voix

Il ne s’agit pas de brandir le drapeau en opposition à quelqu’un. Mais de le brandir pour soi, pour ce que l’on veut construire ensemble.

Julien l’a remis à sa fenêtre. Un voisin l’a salué. Un autre l’a ignoré. Mais une collégienne de son immeuble lui a glissé, timidement : « C’est joli. Je savais pas qu’on pouvait encore faire ça. »

Laisser un commentaire