Le Conseil constitutionnel, la QPC et la loi électorale : plongée dans les arguments invoqués par Marine Le Pen pour contourner son inéligibilité.

Marine Le Pen : Le scénario de la dissolution qui pourrait lui permettre d’être candidate malgré son inéligibilité

POLITIQUE

Marine Le Pen, figure centrale du Rassemblement National, se retrouve dans une situation aussi inédite que paradoxale. Condamnée le 31 mars 2025 à cinq ans d’inéligibilité avec exécution provisoire, elle est juridiquement empêchée de se représenter à une élection. Cette peine, appliquée immédiatement, agit comme une barrière infranchissable pour toute candidature, et pourtant, l’ombre d’une dissolution de l’Assemblée Nationale fait naître un scénario aussi fragile qu’audacieux.

Comme l’explique Le Figaro, il existerait un “chemin étroit” qui, dans le labyrinthe des lois et des jurisprudences, permettrait à Marine Le Pen de retrouver les urnes malgré sa condamnation. L’enjeu dépasse largement sa personne : Il interroge la cohérence du droit électoral, la place du juge administratif et le rôle du Conseil Constitutionnel.

Tout commence avec une contradiction juridique déjà pointée par plusieurs professeurs de droit public. Une inéligibilité s’applique immédiatement, empêchant tout dépôt de candidature. Mais dans le même temps, une disposition permet à un député déjà élu de conserver son mandat jusqu’au terme de la législature, même frappé d’inéligibilité.

Comment justifier qu’un élu puisse continuer de siéger mais ne puisse pas se représenter lors d’élections anticipées ? C’est précisément cette faille qu’entend exploiter Marine Le Pen.

Elle sait que le préfet rejettera sa candidature, mais elle parie sur un recours devant le tribunal administratif, suivi d’une Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC) transmise au Conseil d’État puis au Conseil Constitutionnel.

Le cœur de l’argumentation repose sur une décision du 28 mars 2025 : Les Sages, sans être directement saisis de l’exécution provisoire, ont tout de même rappelé qu’il appartient au juge de vérifier si une telle mesure respecte le principe de proportionnalité et les droits fondamentaux, notamment celui des électeurs. Cette “réserve d’interprétation” devient dès lors une arme potentielle entre les mains de la présidente du RN.

Dans les couloirs feutrés du pouvoir, ce scénario semble irréaliste, presque impossible à mener à terme, mais Marine Le Pen a déjà répété qu’elle ne se laisserait pas “éliminer” par une décision de justice. Pour elle, seule la voix du peuple a légitimité à trancher.

En cas de dissolution, elle déposerait malgré tout sa candidature, et la bataille se jouerait alors dans l’urgence devant les juges. Les délais seraient extrêmement courts, les recours expédiés, mais la symbolique serait forte : Une candidate déclarée inéligible s’adressant directement au juge suprême de la Constitution pour faire valoir le droit des électeurs à choisir librement leur représentante.

Le Figaro souligne cependant les obstacles majeurs qui persistent. Le tribunal administratif pourrait tout simplement confirmer l’irrecevabilité, rappelant la jurisprudence déjà rendue en 2024 contre les députés Insoumis : Lorsqu’ils avaient tenté de saisir le Conseil Constitutionnel après la dissolution, leur requête avait été rejetée car ils n’étaient plus considérés comme députés. Cette même logique pourrait s’appliquer à Marine Le Pen : Si elle perd son siège avec la dissolution, elle n’aurait plus le statut nécessaire pour engager une telle démarche. En outre, la jurisprudence actuelle demeure défavorable à un assouplissement de l’exécution provisoire, qui reste l’un des rares leviers utilisés pour empêcher des élus condamnés de contourner la justice en multipliant les appels.

Et pourtant, malgré ces freins, Marine Le Pen garde espoir. Sa stratégie repose sur une dialectique entre droit et politique. En affirmant qu’elle défendra sa candidature coûte que coûte, elle envoie un signal à ses partisans : Rien ne pourra l’écarter de la course autrement que par le choix des urnes. Le message, puissant, renforce sa posture de victime d’un système judiciaire instrumentalisé. Politiquement, elle transforme une condamnation en tribune et une impossibilité en symbole de résistance. Si la dissolution devait réellement intervenir, le pays entrerait dans une zone de turbulence où les juges administratifs, le Conseil d’État et le Conseil Constitutionnel se retrouveraient pris au cœur d’une bataille politique d’ampleur inédite.

Ainsi, ce que Le Figaro décrit comme un “chemin étroit” n’est peut-être pas un boulevard, mais il a déjà suffi à rallumer la flamme de la controverse. Le droit électoral, souvent technique et discret, se retrouve propulsé au centre du débat national. Le scénario d’une candidature de Marine Le Pen, même inéligible, illustre à quel point les institutions françaises pourraient être mises à l’épreuve en cas de dissolution anticipée. Le pays tout entier suivrait alors, haletant, les décisions rendues dans l’urgence par les juridictions, tandis que l’avenir politique de l’une des principales figures de la vie publique se jouerait dans un fragile équilibre entre légalité et légitimité.

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