En posant sa tasse de thé, Sophie regarda son mari droit dans les yeux et murmura, bouleversée : « Dis-moi, comment peut-on continuer à croire en une justice qui ne punit même plus les agresseurs ? »
Dans le salon modeste d’un pavillon de la banlieue rennaise, Sophie s’est assise à la table en formica usé. Le silence s’installe. Elle vient de poser une question à son mari Marc, une question presque banale mais qui résonne étrangement depuis qu’elle a entendu le journal de 20h sur Europe 1 :
« Dis-moi franchement… Comment peut-on encore croire que la justice protège les gens comme nous ? »
Marc ne répond pas tout de suite. Il allume une cigarette, l’air sombre. À l’écran, le bandeau rouge sur la chaîne CNEWS est sans appel : « Sondage CSA : 62 % des Français n’ont pas confiance en la justice pour punir les auteurs de violences. » Un chiffre effarant, presque glaçant, publié le 11 septembre 2025 par CNEWS, en partenariat avec Europe 1 et le JDD.
Un chiffre qui fait l’effet d’un coup de tonnerre
Le sondage a été réalisé par l’institut CSA sur un échantillon représentatif de 1 003 personnes majeures, interrogées les 9 et 10 septembre 2025.
À la question directe :
« Faites-vous confiance à la justice pour punir les auteurs de violences (vols, agressions, meurtres) ? »,
62 % des personnes interrogées ont répondu non.
Une majorité écrasante. Une défiance lourde. Une fracture nette entre le peuple et l’institution censée le défendre.
Une tendance en progression constante
En février 2025, ils étaient déjà 56 % à exprimer cette défiance. En juillet, ce chiffre a grimpé à 66 %. Et s’il baisse légèrement en septembre, la tendance reste marquée : Près de 2 Français sur 3 doutent désormais de l’efficacité de leur propre système judiciaire.
Mais d’où vient cette défiance ? Pourquoi, dans un pays où la devise « Liberté, Égalité, Fraternité » trône encore au fronton des tribunaux, la justice semble-t-elle perdre chaque jour un peu plus de son autorité morale ?
Une question de genre, d’âge, et de classe sociale
Les résultats du sondage CNEWS, repris intégralement sur CNEWS.fr, dévoilent une fracture sociale profonde dans le rapport à la justice :
- Les femmes sont plus méfiantes que les hommes :
→ 66 % de « non » contre 58 % chez les hommes.
Cela s’explique peut-être par leur exposition plus forte aux violences sexuelles ou conjugales, pour lesquelles la justice est souvent jugée trop lente ou inefficace.
- Les 50-64 ans sont les plus critiques :
→ 65 % ne croient plus en la capacité de la justice à punir.
Cette génération a vécu les réformes judiciaires, les polémiques, les scandales médiatisés… et semble avoir perdu patience.
Les catégories populaires (CSP−) et les inactifs sont les plus défiants :
→ 69 % des CSP− disent non.
→ 65 % des inactifs.
Ce sont souvent ceux qui, confrontés à la violence du quotidien, ne voient pas de réponses concrètes venues des tribunaux.
Un clivage politique très net
Le sondage révèle aussi une polarisation politique frappante.
Les sympathisants du Rassemblement national (RN) expriment une méfiance massive à 84 %.
Les électeurs des Républicains (LR) suivent avec 62 % de défiance.
À gauche, la confiance est plus élevée mais reste minoritaire :
- 60 % de confiance chez les électeurs de Renaissance,
- 66 % chez ceux du PS,
- 52 % chez les Insoumis,
- 72 % chez les écologistes.
Traduction : Plus on se sent proche de l’opposition radicale, plus on doute que la justice soit encore du côté du peuple.
Une justice perçue comme laxiste, lente, inégalitaire
Marc, ex-salarié du bâtiment aujourd’hui à la retraite, soupire :
« Ce n’est pas une justice, c’est une loterie. Si t’as pas un bon avocat ou les moyens de faire appel, t’es foutu. Et les vrais salauds ? Ils s’en sortent souvent. »
Dans les couloirs des tribunaux, ce type de discours revient souvent. Derrière la défiance, il y a une multitude de raisons concrètes :
- Lenteur des procédures, parfois plusieurs années pour un procès.
- Peines perçues comme trop légères, non exécutées, ou assorties de sursis.
- Inégalités territoriales : la justice n’est pas la même à Paris, à Rennes ou à Montauban.
- Accès difficile pour les plus modestes, qui n’ont pas les moyens d’un avocat réputé.
- Politisation de certaines décisions, accusées d’être influencées par le pouvoir.
Une justice qui n’inspire plus le respect
Camille, une infirmière de 52 ans, partage son témoignage sur MyJournal.fr :
« Mon fils s’est fait agresser en rentrant de soirée. L’agresseur a pris 3 mois avec sursis. 3 mois. Même pas un TIG. Comment faire confiance après ça ? »
Le problème n’est pas seulement judiciaire, il est émotionnel. Psychologique. Symbolique. La justice ne fait plus peur. Elle ne rassure plus. Elle ne protège plus.
Vers une crise institutionnelle ?
Le danger de cette défiance est immense. Une société qui ne croit plus à la justice risque :
- de sombrer dans la vengeance individuelle,
- de développer une justice parallèle (tribunaux communautaires, loi du plus fort),
- de favoriser les partis extrêmes qui promettent « la tolérance zéro »,
- de rompre avec l’État de droit.
Que faire pour regagner la confiance ?
C’est tout le défi posé par ce sondage publié sur CNEWS.fr.
Les solutions sont connues des professionnels, mais tardent à être mises en œuvre :
✅ Recruter massivement juges, greffiers et procureurs
✅ Mieux accompagner les victimes
✅ Simplifier les démarches judiciaires
✅ Garantir une égalité de traitement sur tout le territoire
✅ Mieux communiquer sur les décisions prises, sans jargon
Le verdict du peuple
Sophie termine son thé, le regard perdu dans le vide. Marc, d’un geste lent, éteint la télévision.
« Tu sais ce qui est triste ? Ce n’est même plus la colère. C’est juste qu’on n’y croit plus. »
Et c’est peut-être là, justement, le plus grand danger pour une démocratie : Quand la justice n’incarne plus l’espoir, mais le désespoir.