Un dealer peut-il bénéficier d’une retraite s’il n’a jamais cotisé ? Décryptage d’un tabou social et fiscal.

Drogue, argent liquide et retraite : Que perçoivent les dealers en fin de vie en France ?

SOCIETE

Dans les rues silencieuses d’un quartier populaire de Seine-Saint-Denis, un vieil homme traîne une jambe fatiguée. Jadis respecté, parfois craint, souvent envié, il était le « boss » du quartier. Vingt ans durant, il a fait tourner un réseau de stupéfiants florissant. Ses poches débordaient de billets. Ses voitures changeaient plus souvent que le mobilier de son petit deux-pièces. Mais aujourd’hui, Ali, 67 ans, n’a plus rien. Pas de pension. Pas de retraite. Juste la solidarité occasionnelle de quelques anciens complices. Et parfois, celle de l’aide alimentaire.

💸 Une vie entière à brasser du cash… mais zéro cotisation retraite

En France, le système de retraite est clair : Pas de cotisation, pas de droit. Chaque euro versé à l’Assurance retraite par un salarié ou un travailleur indépendant donne droit à des trimestres validés, à des points retraite, et à terme, à une pension mensuelle.

Mais dans le trafic de drogue, rien de tout cela n’existe. Les transactions sont en espèces. Les revenus sont dissimulés. Il n’y a ni bulletin de salaire, ni fiche de paie, ni déclaration URSSAF. Le dealer n’est, aux yeux de l’administration, qu’un fantôme fiscal.

🧾 Pas de retraite légale, mais une seule lueur : Le minimum vieillesse

Alors que deviennent-ils, ces hommes qui ont tout connu : L’argent facile, les risques, la prison parfois… mais jamais la retraite ? En réalité, la majorité d’entre eux finit sans rien. Mais certains peuvent prétendre, sous conditions strictes, à l’Allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA), communément appelée « minimum vieillesse ».

Pour cela, il faut :

  • Avoir au moins 65 ans (ou 62 ans si inapte au travail),
  • Résider de manière stable et légale en France,
  • Et surtout : Justifier de ressources très faibles (inférieures à environ 1 070 € par mois pour une personne seule en 2025).

Ce qui exclut d’office bon nombre d’anciens trafiquants qui vivent encore « au black », ou ceux qui ont dissimulé leur patrimoine.

🧑‍⚖️ Sauf régularisation tardive, pas de pension possible

Certains dealers repentis, plus prévoyants, essaient en fin de parcours de « blanchir » leur image : Ils montent une auto-entreprise, investissent dans des commerces légaux, ou tentent d’obtenir une carte d’artisan ou de commerçant. Ils se mettent alors à cotiser, parfois durant quelques années. Mais cela reste trop tardif pour espérer une retraite décente. Car il faut cumuler au moins 42 ans de carrière pour percevoir une pension à taux plein.

Et même si une activité légale est amorcée après des années dans l’illégalité, les trimestres non cotisés sont définitivement perdus.

🏚️ Les oubliés du système : Vieillesse sans ressources, sans soins, sans logement

Le plus dramatique n’est pas l’absence de retraite. C’est l’exclusion sociale qui s’installe avec l’âge. Ces anciens dealers sont souvent :

  • Sans logement stable (expulsés, non prioritaires DALO car sans dossier administratif complet),
  • Sans droits à la sécurité sociale (pas de carte Vitale, pas de couverture maladie universelle),
  • Sans famille ou isolés (leurs enfants, s’ils existent, refusent parfois leur passé),
  • Et surtout, sans reconnaissance : Le système n’a jamais eu connaissance d’eux, et ne leur accorde rien.

🧍 Témoignage : « J’ai fait le con. J’ai pensé que ça durerait toujours »

Abdel, 72 ans, ancien revendeur en banlieue lyonnaise, raconte :

« On me donnait du respect à l’époque. On m’appelait Tonton. Aujourd’hui, même les p’tits du quartier ne me saluent plus. J’ai voulu faire le mec intelligent, j’ai jamais cotisé, j’ai jamais rien déclaré. J’ai même pas le RSA. À mon âge, j’ose même pas aller à la CAF. Je vis avec les restes. »

📚 Une leçon de société : La retraite, ça se construit, ou ça se perd

Cette réalité, bien que peu médiatisée, est un échec silencieux du système. Car la France ne prévoit aucun filet de sécurité pour les personnes ayant exercé une activité illégale toute leur vie. Et pour cause : La loi ne reconnaît que ce qui est déclaré.

Il y a ici une double peine sociale :

  • Rejet moral et juridique, car l’activité était illégale,
  • Rejet administratif, car aucun droit n’a été acquis.

👩‍⚕️ La question du soin et de la fin de vie

Autre problème majeur : L’accès aux soins pour les anciens trafiquants. Beaucoup arrivent à l’hôpital sans mutuelle, sans droits ouverts, sans dossier médical. Certains services sociaux ferment les yeux, d’autres tentent des démarches tardives de régularisation. Mais souvent, c’est trop peu, trop tard.

🧠 Peut-on réintégrer un dealer dans le système après 60 ans ?

Théoriquement, oui. Mais dans les faits, l’État n’a ni les outils, ni la volonté d’ouvrir des droits sociaux à ceux qui ont toujours vécu en marge. Les rares anciens trafiquants qui réussissent à réintégrer le système le font grâce à des associations, à des parcours de réinsertion extrêmement encadrés, ou via des avocats qui négocient des régularisations complexes.

🎯 Une retraite illusoire pour les rois déchus du bitume

Vivre dans l’illégalité pendant vingt ans, c’est aussi vivre sans filet. Et quand la vieillesse arrive, c’est une réalité brutale qui frappe ces hommes jadis riches en apparence : Ils ne perçoivent ni retraite, ni pension, sauf à entrer dans les rares cases du minimum vieillesse. Une vie d’argent facile peut donc finir en solitude, en misère et en invisibilité.

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