Patricia : Comment un veuf de 76 ans a-t-il pu croire qu’une ex-miss tombait amoureuse de lui sur WhatsApp, au point de lui envoyer 30 000 euros et de faire 760 km pour la demander en mariage ?
Il croyait trouver l’amour… il a rencontré l’escroquerie.
Michel (le prénom a été changé), 76 ans, retraité belge, pensait enfin avoir tourné la page du deuil. Quatre années déjà qu’il vivait seul, replié dans sa maison silencieuse, dans une petite commune de Wallonie. Le temps n’avait pas effacé les souvenirs, mais il avait laissé place à une forme d’espoir discret. Un jour, presque par hasard, il reçoit un message sur WhatsApp. Une femme belle, élégante, sûre d’elle. Très vite, elle se présente : Sophie Vouzelaud, ex-Miss Limousin 2006, célèbre pour avoir été la première dauphine sourde à concourir à Miss France.
Michel n’en revient pas. Une personnalité publique, tombée sur lui par « pur hasard ». Le début semble irréel. Mais les conversations s’enchaînent, se densifient. Le ton devient intime, presque amoureux. Et puis, doucement, insidieusement, viennent les confidences.
« Je suis en instance de divorce », lui écrit-elle.
« J’ai besoin d’aide, mes comptes sont bloqués », ajoute-t-elle quelques jours plus tard.
Michel n’a aucun doute. Cette femme-là l’aime. Ou du moins, le respecte. Il se sent revivre. Ses doigts tremblent à chaque notification. Il n’est plus seul. Il est utile. Aimé, peut-être.
Les premiers virements : « Je t’aiderai, mon amour »
Le piège se referme avec une lenteur méthodique. Le « bébé » perdu dans un accident fictif, l’ex-mari jaloux qui aurait tout gelé, les promesses d’une nouvelle vie à deux… Le brouteur, bien rodé, multiplie les scénarios émouvants.
Michel obtempère. D’abord 2 000 €, puis 5 000 €, puis encore… jusqu’à atteindre 30 000 euros en plusieurs mois. Un montant qui représentait, pour lui, presque toutes ses économies.
Mais l’argent n’est pas le plus important à ses yeux. Ce qui le fait tenir, ce qui le pousse à continuer, c’est la promesse d’un mariage. La certitude que tout ça n’est qu’un mauvais moment à passer avant le grand jour.
Le grand saut : 760 kilomètres jusqu’à Saint-Julien
Le 9 juillet 2025, Michel monte dans sa Mercedes, déterminé. Il a parcouru 760 kilomètres, de la Belgique jusqu’à Saint-Julien, une commune paisible de Haute-Vienne, en Nouvelle-Aquitaine. Ce jour-là, il ne tremble pas. Il croit venir sceller une union, poser ses valises pour une nouvelle vie. Il ne doute pas une seconde que Sophie l’attend.
Mais au portail de la maison, ce n’est pas elle qui ouvre.
Un homme, la trentaine, les bras croisés. Il s’appelle Fabien, et il est le compagnon de Sophie Vouzelaud, la vraie. L’ex-Miss, bien réelle, qui n’a jamais échangé un mot avec Michel, et encore moins demandé le moindre euro. Sidéré, Fabien écoute Michel. Il entend l’homme se présenter comme « le futur mari de Sophie« . Il voit les yeux embués d’émotion, les mains crispées sur le volant.
Et il comprend.
La honte, le silence… puis la vérité
Michel réalise brutalement. Il balbutie. Son visage se ferme. Il veut partir, disparaître. Fabien ne le repousse pas. Il le rassure. Lui explique. Lui parle calmement. C’est dans ce moment de douleur et d’humiliation que la vérité remonte à la surface. Michel confie les virements, les messages, les appels. Il évoque l’amour, la solitude, le besoin de croire.
Sophie, jointe immédiatement, tombe des nues. Ce n’est pas la première fois qu’on usurpe son identité. Mais jamais à ce point-là. Jamais avec autant de conséquences. Elle prend la chose très au sérieux. Elle demande à Michel de porter plainte. Elle lui explique qu’elle ne contacte jamais personne en privé, qu’elle ne demande jamais d’argent, qu’elle a déjà signalé de nombreux faux profils à plusieurs reprises. Mais cette fois, c’est une escroquerie à grande échelle.
Michel passe la nuit dans un hôtel à proximité. Le lendemain matin, il rentre en Belgique, le cœur en miettes, les rêves écroulés, et 30 000 euros en moins.
Les brouteurs : L’arnaque sentimentale qui fait des ravages
Ce que Michel a vécu porte un nom : L’arnaque aux sentiments, parfois surnommée « arnaque du brouteur« . Très active sur les réseaux sociaux et les applications de messagerie comme WhatsApp, elle vise souvent les personnes seules, âgées, vulnérables émotionnellement.
Les escrocs usurpent l’identité de personnalités publiques, créent des faux profils, et tissent peu à peu une relation de confiance, puis de dépendance affective. L’argent devient alors un levier. Une fausse urgence, un chantage affectif, une promesse d’avenir.
D’après les autorités françaises, plusieurs centaines de cas similaires ont été signalés ces derniers mois. Les victimes osent rarement parler. Elles ont honte. Comme Michel. Mais son témoignage, relayé aujourd’hui, brise le silence.
La véritable Sophie Vouzelaud, elle aussi victime
Sophie Vouzelaud, aujourd’hui engagée dans la lutte pour les droits des personnes sourdes et malentendantes, a vu son image utilisée sans son consentement, à des fins frauduleuses. Elle a porté plainte. Elle a dénoncé cette escroquerie sur ses réseaux. Elle a rappelé que personne n’a le droit d’utiliser son nom ou son image pour piéger qui que ce soit.
Son compagnon, Fabien, s’est dit « choqué » de voir un homme de cet âge manipulé avec une telle précision psychologique. L’histoire de Michel n’est pas isolée. Elle est devenue une leçon pour des milliers d’internautes.
Quand l’amour devient un leurre
Michel ne reverra jamais ses 30 000 euros. Mais il aura évité le pire. Grâce à l’honnêteté de Fabien, à la réaction rapide de Sophie, et à son propre courage, il a compris. Et il a parlé. Il n’est plus dupe. Il n’est plus silencieux. Il est devenu, malgré lui, le visage d’une génération piégée par l’illusion numérique.