👉 « Comment un homme peut-il survivre après avoir passé trente ans dans la fumée du cannabis, trente ans d’alcool et cinq années enfermé dans son appartement parisien à s’injecter de la 3MMC ? »
La fumée, première prison
Le cannabis a été la première chaîne de Yannick. Une chaîne longue de trente ans. Rouler un joint était devenu pour lui aussi banal qu’allumer une cigarette. Un, deux, parfois dix par jour. La fumée emplissait ses poumons, se déposait sur ses murs, imprégnait ses journées.
Au réveil, c’était le premier réflexe. À midi, une pause en compagnie d’un joint. Le soir, une bouffée pour s’endormir. Le tout répété inlassablement pendant trois décennies.
Il se disait souvent : « Je peux arrêter quand je veux. » Mais il ne le faisait pas. Parce qu’au fond, cette fumée était devenue une béquille, un écran de brume qui lui donnait l’illusion de vivre plus doucement.
Aujourd’hui, Yannick a radicalement diminué. Il peut tenir une semaine sans fumer, ce qui aurait été impensable autrefois. Quand il en prend, c’est ponctuel, rarement. Une victoire après trente ans de servitude.
L’ivresse de l’oubli
Parallèlement, il y avait l’alcool. Trente ans de consommation régulière, presque automatique. Un verre pour oublier, un autre pour tenir, jusqu’à ce que les soirées se confondent avec les matinées.
Le goût du vin, la brûlure de la vodka, l’amertume d’une bière avalée trop vite : Tout cela était devenu familier. L’alcool n’était pas un plaisir, mais une fuite. Une manière de supporter le quotidien, de calmer les angoisses.
Jusqu’au jour où la médecine a frappé comme une gifle. Après une échographie, le médecin lui a dit :
— Encore un mois comme ça, et vous aviez la cirrhose.
Cette phrase a fait l’effet d’une condamnation. Cette fois, Yannick a compris qu’il devait chercher de l’aide.
Les années d’aiguille : La 3MMC
Mais la dépendance la plus violente, la plus sournoise, ce fut celle de la 3MMC. Pendant cinq ans, son appartement parisien s’est transformé en prison volontaire. Les rideaux toujours tirés, la lumière tamisée, une musique électronique en sourdine. Sur la table basse, l’attirail : Seringues, sachets, cuillères, cotons.
Il ne sortait presque plus. La drogue, il la commandait sur Internet. En quelques clics, tout était réglé. Quelques jours plus tard, le facteur déposait un petit colis discret. Comme une livraison banale, sauf que ce paquet contenait son poison.
Il ouvrait les enveloppes avec fébrilité, préparait ses seringues avec des gestes mécaniques. Le shoot lui donnait une chaleur fulgurante, une illusion de toute-puissance. Puis venaient la descente, le vide, le besoin de recommencer.
Pendant cinq ans, il a vécu ainsi, enfermé entre quatre murs. Même les courses, il les faisait en ligne. Son frigo était rempli par des livreurs qu’il croisait à peine.
Les hommes défilaient. Certains étaient des réguliers, d’autres des ombres de passage. Ils entraient, consommaient, restaient un moment, puis repartaient. Et lui restait seul. Toujours seul.
En septembre 2023, il a fixé une seringue posée sur sa table. Elle brillait comme une arme prête à tirer. « Si je continue, je meurs », a-t-il pensé. Alors il a fait sa dernière injection.
Sans médecin. Sans cure. Sans soutien. Parce que personne n’était là pour l’aider.
Quitter Paris, couper les ponts
Arrêter ne suffisait pas. Pour survivre, il fallait tout quitter. Yannick a déménagé à Rennes. Ce n’était pas un simple changement de décor, mais une fuite vitale.
Il a changé de ville, de logement, mais surtout de numéro de téléphone. Tous ses anciens contacts ont disparu. Plus d’appels, plus de messages, plus de tentations. Le silence de ce nouveau portable était brutal, mais salvateur.
La clinique : Deux mois hors du monde
Si la 3MMC avait été vaincue seul, l’alcool, lui, demandait un autre combat. Le médecin avait été clair : Encore un mois, et son foie lâchait. Alors Yannick a pris un stylo et écrit une lettre à une clinique psychiatrique de Rennes. Trois jours plus tard, on lui répondait : Une place l’attendait.
Le matin de son admission, il avait l’impression d’entrer dans un autre monde. Les couloirs blancs, l’odeur d’antiseptique, les portes qui claquent doucement. Dans sa chambre, un lit simple, une table, un placard. Le strict nécessaire.
Les premiers jours ont été terribles. Les sueurs, les tremblements, les nuits blanches. Le corps réclamait l’alcool comme un besoin vital. L’esprit criait, suppliait. Mais il n’y avait pas de bouteille à portée de main.
Puis une routine s’est installée. Les repas pris ensemble, les ateliers, les rendez-vous avec le psychiatre. Les infirmières passaient, bienveillantes mais fermes. Yannick a tenu. Jour après jour, il a retrouvé des forces.
Deux mois ont passé dans cette bulle. Deux mois à couper avec trente ans d’alcool. Deux mois de douleur, mais aussi de reconstruction.
Le jour de sa sortie, il savait une chose : Il avait franchi un cap. L’alcool ne serait plus son maître.
Le bénévolat, une nouvelle respiration
À Rennes, une autre arme s’est révélée : Le bénévolat. Il a poussé la porte d’une association. Là, il a trouvé une autre forme d’ivresse : Celle d’aider.
Servir un repas, porter des sacs, partager un sourire, écouter des histoires plus lourdes que la sienne. Chaque geste le ramenait au monde réel. Là où la drogue l’avait isolé, le bénévolat le reliait aux autres.
En donnant, il a retrouvé une dignité. En aidant, il s’est aidé lui-même.
Aujourd’hui, un survivant
Aujourd’hui, Yannick peut dresser son bilan :
- Deux ans sans 3MMC, seul, sans aide.
- Deux mois sans alcool après trente ans de consommation, grâce à deux mois d’hospitalisation en clinique.
- Une consommation de cannabis réduite à quelques joints occasionnels, après trente ans d’usage quotidien.
- Tabac à rouler encore présent, mais la volonté de réduire, voire d’arrêter.
Ces chiffres ne sont pas seulement des dates. Ce sont des cicatrices devenues des victoires.
Le message de Yannick
Yannick ne se dit pas guéri. Il sait que la vigilance reste nécessaire, que la dépendance ne disparaît jamais totalement. Mais il est debout.
Son parcours est une preuve : Même après trente ans d’addictions, même après cinq ans d’enfermement complet, même après des décennies de fuite, il est possible de renaître.
Et son message est simple : Ne jamais croire que c’est trop tard.