L’ADAP saisit le Conseil d’État contre le décret des quartiers de haute sécurité : retour sur une visite qui a bouleversé une vie.

Visite traumatisante à la prison de Vendin-le-Vieil : Le témoignage déchirant de Mélissa, épouse d’un détenu traité comme un animal

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Un amour sous verre : Le cri silencieux de Mélissa à la prison de Vendin-le-Vieil

Le voyage avait commencé à l’aube. Six heures de route. Trois pour y aller. Trois pour revenir. Une distance de plus de 300 kilomètres, avalée dans le tumulte des pensées, dans l’attente fébrile d’un instant, d’un regard, d’un souffle partagé. Mélissa n’avait dormi que deux heures la veille. L’angoisse de revoir son mari, détenu à la prison de Vendin-le-Vieil, lui avait comprimé la poitrine toute la nuit.

Elle avait préparé ses affaires avec soin. Rien de trop voyant, rien de susceptible d’être mal interprété. Dans ce type d’établissement, chaque détail compte. Chaque bouton mal placé peut signifier un refus de visite. À 9h précises, elle franchissait le seuil de la prison.

Vendin-le-Vieil : Une forteresse sans chaleur

Vendin-le-Vieil n’est pas une prison comme les autres. Implantée dans le Pas-de-Calais, elle est classée parmi les prisons les plus sécurisées de France. Un établissement dit « de nouvelle génération« , conçu pour accueillir les profils les plus sensibles : Trafiquants de grande envergure, détenus radicalisés, figures du grand banditisme.

Le mari de Mélissa, condamné pour narcotrafic, y a été transféré récemment. Ils n’ont pas eu le temps d’en parler. Pas d’appel, pas de lettre avant cette fameuse visite. Quand elle est arrivée, elle n’imaginait pas ce qui l’attendait.

Un face-à-face glacial à travers une paroi

Après une longue attente, Mélissa a été conduite dans une petite salle froide. Pas de table. Pas de chaise à partager. Pas même un geste. Son mari était là, de l’autre côté d’un plexiglas épais.

Elle s’est figée. Ce n’était pas un parloir. C’était un aquarium. Un dispositif qui évoquait davantage une salle d’interrogatoire qu’une visite familiale. Il n’y avait aucun contact possible. Pas de main dans la main. Pas de baiser. Pas même la chaleur d’un regard sans filtre.

« C’était un animal dans une cage que je regardais », dira-t-elle plus tard, les yeux embués.

Une douleur pour les deux, une punition pour l’amour

Elle n’était pas la coupable. Elle n’était pas détenue. Et pourtant, en l’espace de quelques secondes, elle s’est sentie condamnée elle aussi.

Condamnée à aimer derrière une vitre. À parler dans un combiné téléphonique qui grésillait. À sourire sous surveillance.

Son mari aussi semblait bouleversé. Mélissa le connaît bien. Il est dur, souvent impassible. Mais ce jour-là, il avait baissé les yeux, comme pour cacher une émotion trop grande. Le plus dur n’était pas la peine de prison. Le plus dur, c’était l’écrasement de l’humanité, ce protocole qui broie le lien entre deux êtres.

La procédure critiquée devant le Conseil d’État

Ce n’est pas un cas isolé. Plusieurs familles ont vécu ce même moment traumatisant. Face à cette situation jugée inhumaine, l’Association des Avocats Pénalistes (ADAP) a saisi le Conseil d’État le 28 juillet 2025, contestant la légalité du décret encadrant les quartiers de lutte contre la criminalité organisée.

Selon l’ADAP, ces dispositions vont au-delà des normes carcérales acceptables et contreviennent aux principes fondamentaux du droit à une vie familiale.

Le Conseil d’État devra statuer dans un délai de trois mois. En attendant, des dizaines de familles comme celle de Mélissa vivent ce que certains appellent déjà “la détention à deux” : celle du condamné, et celle de ses proches.

Pas d’armes visibles, mais une violence psychologique

Les murs de Vendin-le-Vieil sont impeccablement blancs, aseptisés. Pas une trace de papier peint ou de dessin d’enfant. Les surveillants sont froids, distants, mais professionnels. Rien à dire. Et pourtant, ce que Mélissa a vécu lui a semblé d’une rare violence.

« On ne sort pas indemne de cette visite. J’avais préparé des choses à lui dire. Finalement, je suis restée muette. J’ai pleuré en silence. »

Ce jour-là, sur le trajet du retour, elle n’a pas allumé la radio. Le silence de la route faisait écho au silence du parloir. Un silence qu’aucun plexiglas ne saurait contenir.

Et maintenant ?

Le mari de Mélissa n’a pas demandé à être choyé. Il purge sa peine. Il l’a acceptée. Mais il avait le droit, comme tout détenu en France, à une visite humaine, un moment de chaleur. Ce droit semble aujourd’hui vidé de son sens dans certaines unités carcérales d’exception.

Et Mélissa, comme tant d’autres, attend que la justice rende sa décision, que la société reconnaisse que l’amour n’est pas un délit, que la visite ne devienne pas une punition.

Derrière chaque plexiglas, un cœur qui bat

Dans cette prison ultra-moderne, vendue comme un modèle d’efficacité, on a oublié une chose essentielle : La dignité.

Derrière chaque détenu, il y a une famille. Une mère, une sœur, un enfant, une épouse.

Et dans les yeux de Mélissa, ce jour-là, c’est toute la douleur d’un système qui isole au lieu de réparer que l’on a pu entrevoir.

🔴 SOURCE : Article de BFMTV-RMC du 8 août 2025.

1 thought on “Visite traumatisante à la prison de Vendin-le-Vieil : Le témoignage déchirant de Mélissa, épouse d’un détenu traité comme un animal

  1. Bien sûr que je pense aux victimes. Comment ne pas y penser ? Mais ce n’est pas en déshumanisant les détenus qu’on rend justice. La prison, dans un pays civilisé, ne devrait pas être une cave où on enterre les hommes vivants. Elle devrait être un tremplin. Un lieu de rupture, oui, mais surtout un point de départ vers autre chose. Une nouvelle vie. Une vie sans violence, sans récidive, sans mensonge.
    Ce que Mélissa raconte, c’est l’échec total de notre système. Comment peut-on espérer qu’un homme se reconstruise quand on le traite comme une bête ? Comment peut-on parler de réinsertion quand le simple fait de voir sa femme devient une épreuve psychologique ?

    Je n’excuse pas les crimes. Mais je crois profondément à la justice qui élève, pas à celle qui écrase. Quand on coupe les détenus de l’amour, de la famille, du contact humain, on les prépare à quoi ? À ressortir plus brisés qu’ils ne l’étaient à l’entrée.

    Et c’est toute la société qui en paie le prix.

    Si on veut une paix durable, il faut repenser la prison. Pas comme une fin, mais comme un début.

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