HISTOIRE

Michel-Édouard Leclerc : « Je faisais les poubelles tous les matins » — Retour sur un départ à l’arrière du magasin

Avant d’être à la tête d’un empire de la distribution, Michel-Édouard Leclerc a travaillé… dans les poubelles. Un souvenir brut et marquant qu’il raconte aujourd’hui, révélateur de son regard sur la pauvreté et le gaspillage.

Il existe des confidences qui surprennent, même venant d’un dirigeant habitué à prendre la parole. Celle-ci en fait partie. Avant d’être une figure de la grande distribution, Michel-Édouard Leclerc faisait les poubelles du magasin familial chaque matin. Ce travail, méconnu du grand public, a façonné sa vision de la pauvreté, du gaspillage alimentaire et du rôle social qu’il tient aujourd’hui.

Il raconte avoir découvert très jeune l’envers du décor, celui que personne ne voit : Les sacs éventrés derrière les rayons, les légumes abîmés, les invendus qu’il fallait trier à la main. Chaque matin, il descendait derrière le magasin pour ramasser les déchets issus du rayon fruits et légumes. Ce qui semblait être une simple corvée lui a finalement ouvert les yeux sur une réalité beaucoup plus dure. À force de manipuler les sacs de déchets, il observait parfois des personnes fouiller discrètement pour récupérer des fanes, des produits abîmés ou des restes encore consommables. Ce face-à-face brutal avec la détresse l’a marqué au point d’influencer toute son approche professionnelle.

Pour lui, ce contact quotidien avec la pauvreté n’a rien d’anecdotique. Il explique que cette tâche banale lui a appris à ne jamais oublier d’où il venait et à comprendre que le gaspillage n’est pas un simple chiffre dans un rapport. Le voir de près, le sentir, le porter chaque matin a forgé sa conscience sociale. Il en gardera une conviction : Personne ne devrait être contraint de fouiller les poubelles pour se nourrir.

Ces souvenirs, souvent évoqués avec émotion, ne sont pas seulement ceux d’un adolescent confronté à une tâche ingrate. Ils constituent la base d’une réflexion plus large sur le rôle d’un grand distributeur dans la société. Aujourd’hui encore, il rappelle que ses premières responsabilités ne se passaient pas dans un bureau, mais dans un local à déchets. C’est là qu’il a compris la valeur des produits, l’importance d’un prix juste et la nécessité de lutter contre le gaspillage.

La phrase « Michel-Édouard Leclerc faisait les poubelles » pourrait prêter à sourire, mais elle raconte surtout un parcours humble et authentique. Elle montre un jeune homme plongé malgré lui dans la réalité de la précarité, une réalité qui, plus tard, deviendra l’un des moteurs de son engagement. Cette expérience fondatrice éclaire sa détermination actuelle à défendre le pouvoir d’achat et à rendre accessibles des produits essentiels à tous.

Longtemps silencieux sur ce passé, il choisit désormais de le raconter pour rappeler une chose : On ne devient pas dirigeant en un jour, et certains apprentissages ne se font pas derrière une caisse ou dans un bureau. Ils se font dans l’ombre, au contact des déchets, là où l’on comprend mieux que nulle part ailleurs que la société ne tourne pas pareil pour tout le monde.

Source : Marie France.

Yann GOURIOU

Auteur indépendant installé en Bretagne, je réalise des enquêtes et des reportages de terrain pour mon blog. J’écris avec une approche humaine, sensible et engagée, en donnant la parole à celles et ceux dont on n’entend rarement la voix.

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