Léa : « Peut-on encore croire aux promesses écologiques de l’Union européenne quand elle s’engage à acheter pour 750 milliards de pétrole et de gaz aux États-Unis ? »
L’accord invisible : 750 milliards de pétrole et de gaz américains pour l’Europe, au nom de la paix commerciale et du pragmatisme énergétique
Tout commença dans le silence feutré d’un salon écossais. Ce 27 juillet 2025, au sein du luxueux domaine de Turnberry, Donald Trump reçoit Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne. Le lieu est symbolique : Le golf du milliardaire, surplombant la mer, offre un théâtre grandiose à un échange discret mais d’une portée géopolitique historique.
En coulisses, depuis des mois, les diplomates européens redoutaient un retour en force du protectionnisme trumpien. Et pour cause : Le président américain a promis des taxes douanières massives sur les produits européens. Alors, pour désamorcer la bombe, l’Union européenne sort un atout inattendu : Une promesse d’achats énergétiques d’une ampleur jamais vue.
750 milliards de dollars.
C’est le chiffre qui circule dans les couloirs de la Commission. Un chiffre officieux, sans traité signé, mais suffisamment sérieux pour que Trump le reprenne à la presse américaine comme une victoire. Un chiffre qui fait trembler les fondations mêmes du pacte climatique européen.
Une promesse de gaz, pétrole et combustible nucléaire
Les termes sont flous. Il ne s’agit pas d’un contrat ferme, mais d’un engagement politique à faciliter et encourager les importations d’énergie fossile venue des États-Unis, via des entreprises privées européennes. Pétrole brut, gaz naturel liquéfié (GNL), produits raffinés, charbon, uranium enrichi… Tout y passe.
L’enjeu affiché ?
Sécuriser les approvisionnements énergétiques de l’UE après l’abandon du gaz russe, tout en calmant les ardeurs commerciales américaines. Bruxelles présente ce deal comme un moyen de diversifier ses sources. Mais le monde scientifique et les ONG climatiques, elles, y voient une hérésie.
L’échec programmé du Green Deal ?
Officiellement, l’Union européenne s’est engagée à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. Elle a banni le charbon, investi massivement dans l’éolien, promu les pompes à chaleur, soutenu la voiture électrique… Mais que vaut ce plan si, dans le même temps, elle projette 750 milliards de dépenses en énergies fossiles sur trois ans ?
Le chiffre a provoqué une onde de choc. Selon Laura Page, analyste pour Kpler, il serait mathématiquement irréaliste. En 2024, l’UE avait déjà importé 76 à 78 milliards de dollars d’énergie américaine. Multiplier ce chiffre par 3 chaque année nécessiterait de capter la quasi-totalité de la production exportable des États-Unis, ce qui est tout simplement impossible.
Anne-Sophie Corbeau, professeure à Columbia University, va plus loin : « Même en mobilisant toutes les capacités de production, de liquéfaction, de transport et de regazéification, on n’atteindra jamais de tels volumes. »
L’aveu embarrassé de Bruxelles
Face aux critiques, la Commission européenne tente de temporiser. « Ce n’est pas une obligation juridique, mais une déclaration d’intention », plaide un porte-parole. Autrement dit, rien n’est gravé dans le marbre.
Mais alors pourquoi annoncer de telles sommes ? Pourquoi donner à Donald Trump une victoire médiatique sur un plateau d’argent ? Pourquoi se mettre à dos les défenseurs du climat pour une promesse qui n’a aucune chance d’être tenue ?
Bruxelles répond que l’objectif est diplomatique : Éviter une guerre commerciale avec les États-Unis et maintenir l’ouverture du marché transatlantique.
Des entreprises européennes sceptiques
Sur le terrain, les industriels de l’énergie tempèrent aussi. Aucun grand acteur européen — ni TotalEnergies, ni Eni, ni Repsol, ni Equinor — n’a confirmé d’achat massif. Les opérateurs de terminaux GNL, en Espagne, en Belgique ou en France, expliquent qu’ils ne disposent pas de capacités suffisantes pour tripler les importations.
De l’autre côté de l’Atlantique, les infrastructures américaines de liquéfaction sont déjà au maximum de leurs capacités. Les projets d’expansion sont en cours, mais ils ne seront pas prêts avant 2028 ou 2029. Ce qui rend les ambitions européennes encore plus irréalistes.
Une promesse surtout politique
Il faut donc lire cet accord à travers une autre grille de lecture : Celle de la diplomatie.
- D’un côté, Donald Trump se vante d’avoir plié l’Europe à ses exigences, ce qui flatte sa base électorale.
- De l’autre, Bruxelles tente de gagner du temps, d’éviter une guerre commerciale imminente, et d’afficher une posture « pragmatique » sur l’énergie.
Mais à quel prix ?
À l’heure où les jeunes générations marchent pour le climat, où les canicules se multiplient, où l’Amazonie brûle et où les inondations ravagent l’Europe de l’Est, l’image est désastreuse.
Une Europe à deux visages
Aux yeux du citoyen européen, la contradiction est brutale : D’un côté, on subventionne les rénovations thermiques, on interdit les chaudières au fioul, on promet un continent neutre en carbone, de l’autre, on envisage d’engloutir 750 milliards dans des énergies fossiles américaines.
Léa, étudiante à Lyon, s’interroge :
« Je trie mes déchets, je n’ai pas de voiture, je limite mes vols… Et pendant ce temps, l’Europe prépare un chèque en blanc pour le gaz de schiste américain ? C’est révoltant. »
Un virage énergétique ou un faux-semblant ?
L’accord Trump–UE sur l’énergie restera peut-être lettre morte, faute de volumes disponibles et d’infrastructures adaptées. Mais son impact symbolique est déjà considérable.
Il marque une rupture dans le discours européen : Désormais, la sécurité énergétique semble primer sur la cohérence climatique.
Alors que 2030 approche, et avec elle la première grande échéance du Green Deal, cette décision risque de hanter les prochaines négociations environnementales. Car on ne peut pas, à la fois, rouler vers la neutralité carbone et s’approvisionner massivement en hydrocarbures.
Il faudra choisir.
Et pour l’instant, l’Europe donne le sentiment d’avoir choisi le gaz et le pétrole. Au détriment du climat. Au profit de la politique.

Yann GOURIOU est rédacteur et responsable éditorial de MyJournal.fr. Passionné d’actualité, de société et de récits de vie, il signe chaque article avec une approche humaine, sensible et engagée. Installé en Bretagne, il développe un journalisme proche du terrain, accessible et profondément ancré dans le quotidien des Français.
