Élina : « Comment un simple vol retour de vacances pour 52 adolescents juifs a-t-il pu virer au cauchemar, jusqu’à leur expulsion collective d’un avion, sur fond d’accusations d’antisémitisme et de silence glaçant de la compagnie aérienne ? »
Le soleil tapait encore fort sur les pistes brûlantes de l’aéroport de Valence ce mercredi 23 juillet 2025, quand une scène improbable, presque irréelle, est venue troubler la quiétude habituelle des retours de vacances. À bord du vol Vueling VY1981 à destination de Paris-Orly, 52 adolescents juifs français s’apprêtaient à rentrer après un séjour de détente à Calella, organisé par le Club Kineret. Des visages encore marqués par les soirées de chants, les baignades méditerranéennes, les excursions sous le ciel catalan. Ils n’imaginaient pas que cette dernière ligne droite vers la maison allait se transformer en cauchemar.
Tout commence avant même que l’avion ne décolle. Une tension diffuse s’installe à bord. Les jeunes, visiblement fatigués mais joyeux, prennent place. Selon la version officielle de la compagnie Vueling, leur attitude serait vite devenue, je cite, « fortement conflictuelle ». Certains auraient refusé de s’attacher, d’autres chahuté dans les allées, d’autres encore, selon l’équipage, auraient perturbé les consignes de sécurité. Un steward affirme que du matériel de bord a été manipulé, et que plusieurs passagers du groupe se seraient montrés agités, bruyants, voire irrespectueux. En quelques minutes, le personnel de cabine aurait alors jugé la situation incontrôlable, informé le commandant de bord, qui aurait pris la décision radicale : Faire débarquer les 52 mineurs. Une mesure d’exception, rarissime.
Mais cette version est formellement contestée. Du côté du Club Kineret, l’organisation qui encadrait le séjour, le récit prend une tout autre tournure. Les jeunes n’auraient à aucun moment mis en danger la sécurité du vol. Aucun incident matériel, aucune violence physique. Seule une ambiance joyeuse, des chants parfois en hébreu, des discussions animées, certes. Rien d’exceptionnel pour un groupe d’adolescents sur le retour. Le directeur de l’association dénonce une décision infondée, prise selon lui sous le prisme de la discrimination. Il affirme que c’est la visibilité religieuse des jeunes — kippas, chants, discussions communautaires — qui aurait dérangé. En clair, l’expulsion serait motivée non par une question de sécurité, mais par une intolérance manifeste. Immédiatement, le Club annonce son intention de porter plainte pour discrimination, harcèlement moral et mise en danger de mineurs.
Rapidement, les réseaux sociaux s’enflamment. Des vidéos apparaissent, floues, hachées, montrant des jeunes assis dans un terminal désert, visiblement choqués, certains en pleurs. Des parents postent des messages accusateurs : « Mon fils a été traité comme un délinquant alors qu’il chantait avec ses amis », écrit une mère. Des figures communautaires s’emparent de l’affaire. Des élus aussi. L’affaire prend une tournure nationale. Les hashtags #VuelingDiscrimine et #52JuifsDébarqués font surface sur X (anciennement Twitter), cumulant des centaines de milliers de vues en quelques heures.
Vueling, de son côté, campe sur sa position. Un communiqué bref, froid, affirme que la sécurité à bord est « une priorité absolue », et que « les comportements jugés perturbateurs ont justifié la décision prise ». Aucune excuse. Aucun mot sur l’identité religieuse des passagers expulsés. Un silence que beaucoup jugent coupable.
Pendant ce temps, les jeunes restent bloqués en Espagne. Certains ont pu prendre des vols ultérieurs. D’autres, toujours mineurs, sont restés livrés à eux-mêmes pendant plusieurs heures, certains jusqu’au lendemain matin, sans accompagnement, sans cadre. L’ambassade de France a été contactée, mais les réponses sont tardives. Une désorganisation totale. Le Club Kineret parle d’abandon de mineurs. Les parents, eux, oscillent entre colère, angoisse et incompréhension.
Le contexte rend cette affaire d’autant plus explosive. Depuis l’automne 2023, les actes antisémites ont connu une recrudescence sans précédent en France et en Europe. Dégradations de lieux de culte, insultes, agressions. Le climat est lourd, et chaque événement est scruté à la loupe. Dans ce cadre, la mésaventure vécue par ces adolescents ne peut être réduite à une simple question de discipline à bord d’un avion. Elle s’inscrit dans un climat où l’identité juive semble redevenir un facteur de rejet, d’hostilité, d’invisibilisation.
D’autant que les victimes ici sont des enfants. Ils avaient entre 14 et 17 ans. Ils rentraient d’un séjour éducatif, organisé, encadré. Pas un groupe laissé à lui-même. Le message qu’ils reçoivent aujourd’hui est terrible : En 2025, il est possible d’être exclu collectivement d’un avion parce qu’on est juif, qu’on chante dans une langue différente, qu’on est un peu bruyant. Parce qu’on dérange.
L’enquête promise par Vueling reste à ce jour sans nouvelles. Le gouvernement français, silencieux dans un premier temps, se retrouve contraint de réagir sous la pression médiatique. Le ministère de l’Intérieur annonce vouloir faire la lumière sur l’incident. Mais aucune mesure concrète n’est prise à ce stade. La compagnie, elle, continue d’opérer ses vols comme si de rien n’était.
Ce que vivent ces adolescents désormais, c’est un mélange d’injustice et d’humiliation. Leur retour à Paris a un goût amer. Ils racontent, à qui veut bien les entendre, la violence du moment où on leur a dit qu’ils devaient quitter l’appareil. Certains ont eu peur, d’autres se sont sentis coupables sans comprendre de quoi. Une punition collective, brutale, sans procès. Un verdict rendu sans défense. Et une image terrible : Celle d’un avion qui s’envole, en laissant derrière lui 52 jeunes, parce qu’ils n’avaient pas le bon profil, la bonne attitude, ou la bonne foi.
Cette affaire restera, quoi qu’il advienne, comme un marqueur de notre époque. Un révélateur. D’un climat. D’un malaise profond. D’un effritement des principes qui, autrefois, semblaient inaliénables. Et elle pose une question vertigineuse : À quel moment, dans une démocratie, le droit de chanter, de croire, de se réunir, peut-il devenir un motif de sanction collective ?
L’enquête judiciaire apportera peut-être des réponses. Mais la cicatrice, elle, est déjà là. Gravée dans la mémoire de ces 52 adolescents français juifs qui, le 23 juillet 2025, ont été jetés hors d’un avion européen. Parce qu’ils étaient, trop visiblement, ce qu’ils sont.