Yasmine : « Mon fils Amine m’a dit ce matin qu’à partir de la rentrée, il n’aurait plus le droit de dire « wesh » ou « wallah » dans la cour de récréation… Est-ce que c’est vrai ? Est-ce que l’école va vraiment interdire ces mots ? »
C’est un matin comme les autres dans le petit appartement de Montreuil. Yasmine prépare les tartines de son fils Amine, 11 ans, qui mâchouille distraitement sa brosse à dents en traînant des pieds vers son cartable. Puis, l’air un peu inquiet, il lâche :
— Maman… à l’école, la maîtresse elle a dit qu’on n’aura plus le droit de dire “wesh” ou “wallah”. Même dans la cour. Sinon, on se fait coller…
Yasmine lève les yeux, interloquée. Une nouvelle règle ? Une note passée inaperçue ? Ou pire encore… une forme déguisée de stigmatisation ? Très vite, comme des milliers de parents, elle tombe sur la vidéo virale qui affole TikTok, Instagram et même WhatsApp.

Une vidéo qui sème le doute dans les foyers
C’est un extrait de 40 secondes. Une voix off sérieuse, presque solennelle, annonce que le ministère de l’Éducation nationale aurait décidé d’interdire certains mots d’argot utilisés par les jeunes : « wesh », « wallah », « gros », et même « t’as capté ». En arrière-plan, on voit des images floutées de salles de classe, d’élèves rieurs, de punitions écrites.
La vidéo est bien montée, convaincante… et totalement fausse.
Elle cumule plus de 2 millions de vues en quelques heures.
Parmi les comptes à l’origine de cette rumeur, on retrouve notamment :
- @actufrance_tv
- @zoomnation.fr
- Des chaînes YouTube de type « Info minute« , souvent anonymes.
Mais qu’en est-il réellement ? Ces mots seront-ils vraiment interdits ? Le ministère a-t-il publié un décret ? Y a-t-il une volonté de normaliser le langage des élèves au point d’interdire certaines expressions populaires, souvent issues des cultures urbaines ou du parler maghrébin ?
Aucune base légale : la rumeur est infondée
Aucune circulaire, aucun décret, aucune déclaration officielle du ministère de l’Éducation nationale ne va dans ce sens.
Le site officiel education.gouv.fr ne mentionne aucune interdiction des mots « wesh » ou « wallah ». L’objectif affiché du ministère est la promotion du français, notamment à l’écrit, mais en aucun cas par la répression ciblée de certaines expressions issues des quartiers populaires.
Cette rumeur repose sur des raccourcis et un amalgame dangereux : celui qui confond l’encouragement à un langage scolaire soutenu avec l’exclusion de formes de langage issues de la diversité culturelle française.
« Wesh » et « Wallah » : entre argot, identité et vivre-ensemble
Ces deux mots, très répandus chez les jeunes, ont bien sûr une origine.
- « Wesh » vient de l’arabe algérien « wach », qui signifie « quoi ? ». En France, il a été adopté comme une forme de salutation ou d’interjection (« Wesh bien ou quoi ? »).
- « Wallah » signifie « je jure devant Dieu », et s’emploie pour affirmer avec force une vérité. Il est souvent utilisé sans intention religieuse directe, mais comme marqueur d’authenticité dans les échanges.
À travers ces mots, c’est une part de la jeunesse qui s’exprime : une jeunesse urbaine, métissée, qui mêle les codes du français courant à ceux de ses héritages familiaux.
Les interdire reviendrait à nier cette réalité. Cela constituerait une forme d’effacement linguistique, ou pire, une stigmatisation sociale.
Une politique éducative plus nuancée qu’il n’y paraît
Certes, des enseignants peuvent demander à leurs élèves de ne pas utiliser ces mots en classe, au même titre qu’ils demanderaient de ne pas dire « putain », « t’es relou » ou « je m’en fous ». Mais cela relève de la gestion pédagogique au cas par cas, et non d’une interdiction nationale.
Certains collèges ont même mené des ateliers sur le langage, invitant les élèves à réfléchir à la richesse de leur vocabulaire, sans jamais les humilier ni leur imposer un parler unique. Car le rôle de l’école n’est pas de gommer les cultures, mais de les faire dialoguer.
Une instrumentalisation politique en arrière-plan ?
Derrière cette rumeur virale, certains observateurs y voient une tentative de récupération idéologique.
En désignant ces mots comme des menaces pour l’ordre scolaire, on stigmatise indirectement les jeunes issus de l’immigration, en particulier maghrébine. On sous-entend que leur manière de parler est dangereuse, subversive, incompatible avec la République.
C’est une rhétorique déjà entendue dans d’autres polémiques : sur le voile, les repas à la cantine ou la prière dans les lieux publics.
Mais l’école de la République est-elle là pour imposer un français « blanc« , « bourgeois« , « académique » ? Ou bien pour apprendre à chacun à naviguer entre plusieurs registres de langue, selon les situations ?
« Maman, je dois me taire ? »
Revenons à Amine, ce matin-là, au petit déjeuner.
Quand sa mère lui a expliqué qu’aucune loi ne l’empêchait de dire « wesh » à ses copains, il a souri. Et quand elle a ajouté qu’il valait mieux dire « bonjour Madame » à sa prof que « wallah c’est pas moi », il a compris aussi.
Car l’enjeu n’est pas d’interdire, mais d’éduquer. D’enseigner le français sans humilier les langues d’origine. De faire de la cour de récréation un lieu de vie, pas de censure.
En résumé :
- ❌ Aucune interdiction officielle des mots « wesh » ou « wallah » à l’école.
- 📲 La rumeur est née d’une série de vidéos TikTok et YouTube sans fondement juridique.
- 🏫 Les enseignants peuvent demander un langage adapté en classe, mais cela ne vise pas des mots spécifiques de banlieue.
- 🇫🇷 L’école républicaine doit promouvoir le français… sans rejeter la diversité culturelle de ses élèves.
Je ne supporte plus du tout d’entendre ces « mots-là »… 😩🥶😰🤬😭