Naïma : « Depuis quand l’humour peut-il coûter la vie ? Le trait d’esprit d’un Youtubeur mérite-t-il la traque, le doxxing, la peur au ventre et les menaces de mort ? »
L’humour, ce fil fragile entre le rire et la tempête
Il suffit parfois d’une phrase, tapée à la va-vite sur un clavier, pour que la réalité d’un homme bascule dans une spirale incontrôlable. Vendredi 12 juillet 2025. Sur son compte X (ex-Twitter), le Youtubeur français Regelegorila, bien connu des internautes pour ses vidéos humoristiques engagées à gauche, publie un message en réaction à un tweet vantant les mérites spirituels du pèlerinage à La Mecque. Sa réponse :
« Archi drôle cette religion, y’a des boosts XP. »
Une phrase, une analogie avec l’univers du jeu vidéo. Ni insulte, ni moquerie directe. Une blague, certes maladroite pour certains, mais une blague tout de même. Pourtant, dans les minutes qui suivent, tout s’enflamme.
Du buzz au cauchemar : La traque commence
Très vite, des internautes s’indignent, puis s’enragent. La capture du tweet tourne en boucle. Les insultes fusent, suivies de menaces claires :
« On va te retrouver », « On va t’égorger », « Tu ne respectes pas l’islam, tu vas payer. »
Des messages haineux envahissent ses réseaux. Mais le pire reste à venir. En l’espace de quelques heures, le nom réel de Regelegorila est dévoilé, son adresse supposée aussi. Des internautes diffusent même des informations personnelles sur ses proches. C’est le début d’un harcèlement numérique violent et organisé : Un véritable doxxing.
Regelegorila, abasourdi, ne comprend pas l’ampleur de la réaction. Il publie une vidéo, les traits tirés, visiblement secoué :
« Je pensais que les gens allaient rigoler. Je ne suis pas islamophobe. C’était juste un jeu de mots… Je n’ai insulté personne. »
Une tempête révélatrice d’un climat tendu
La France connaît depuis plusieurs années un climat tendu autour des sujets religieux, et plus particulièrement lorsqu’il s’agit de l’islam. Le souvenir encore vif de l’assassinat de Samuel Paty ou de l’attentat contre Charlie Hebdo hante les esprits. Peut-on encore faire de l’humour sur la religion sans risquer sa vie ? La question divise profondément.
Dans le cas de Regelegorila, ce n’est pas tant la qualité de la blague qui est en jeu que la disproportion de la réaction. Une phrase, une simple ligne de texte, a suffi à déclencher une avalanche de haine et de menaces de mort.
Le Youtubeur, qui n’a pourtant jamais tenu de propos islamophobes, est désormais la cible d’une campagne d’intimidation. Il décide de porter plainte, et la police est saisie. Mais comme souvent dans les affaires de cyberharcèlement, les auteurs des menaces restent difficilement identifiables.
Entre liberté d’expression et interdits invisibles
En France, le blasphème n’est pas un délit. La loi garantit la liberté de critiquer une religion, de manière satirique ou non, tant que cela ne constitue pas une incitation à la haine. Mais dans les faits, la peur s’installe. Regelegorila rejoint la longue liste de ceux qui, humoristes, journalistes ou simples citoyens, ont subi la violence des réseaux pour avoir “mal parlé” d’un dogme.
Une partie des internautes, y compris parmi les musulmans pratiquants, déplorent cette dérive :
« Ce n’est pas ça l’islam. Ce n’est pas ça qu’on nous enseigne. On ne menace pas quelqu’un pour une blague. »
Des voix s’élèvent, mais trop tard. Le mal est fait.
Regelegorila s’exile temporairement du web
Face à la violence des réactions, le Youtubeur annonce faire une pause indéterminée. Il ne supprimera pas ses contenus, mais préfère s’éloigner pour sa sécurité.
Il conclut sa vidéo d’un ton amer :
« Est-ce que c’était la meilleure blague du monde ? Non. Est-ce que je mérite de mourir pour ça ? Encore moins. »
Un silence numérique s’installe. Comme souvent, les foules en ligne se dispersent après l’assaut. Mais les cicatrices psychologiques, elles, restent.
L’affaire Regelegorila : Miroir de notre époque
Ce n’est plus simplement une histoire de tweet mal interprété. C’est un fait de société. Un miroir dans lequel se reflète la fragilité de notre vivre-ensemble, notre difficulté à débattre sans s’étriper, à rire sans blesser, à dénoncer sans menacer.
La peur d’être la cible suivante pousse désormais de nombreux créateurs à s’autocensurer. Et ce glissement, imperceptible mais réel, menace la pluralité des idées. Ce ne sont plus seulement les discours haineux qu’on veut faire taire, mais toute forme d’impertinence, même maladroite.
L’humour est un champ de mines
L’affaire Regelegorila n’est pas seulement celle d’un Youtubeur pris dans une tempête. Elle est le symptôme d’un équilibre rompu entre la liberté d’expression et la violence numérique. Aujourd’hui, une blague suffit à faire vaciller une vie. Et demain ? Faudra-t-il un permis pour oser rire ?
📚 Ils ont fait polémique : Quand l’humour ou la critique de la religion enflamme la France
La France a une longue tradition de liberté satirique, mais chaque décennie apporte son lot de polémiques. Voici quelques exemples marquants où l’humour, la critique ou la provocation autour de la religion ont déclenché des vagues d’indignation… ou de violence.
🔴 Charlie Hebdo (2006 – aujourd’hui)
Le journal satirique republie les caricatures de Mahomet du journal danois Jyllands-Posten. En 2015, 12 personnes sont assassinées dans ses locaux lors d’un attentat revendiqué par Al-Qaïda. Le drame relance le débat mondial sur les limites de la liberté d’expression.
🗣️ Michel Onfray (2019)
Le philosophe publie une vidéo critique sur l’islam et ses textes fondateurs. Bien que ses propos soient argumentés et ne tombent pas sous le coup de la loi, il est qualifié d’“islamophobe” par certains. Onfray reçoit des menaces et est contraint d’annuler plusieurs conférences.
🎭 Dieudonné (années 2000 à aujourd’hui)
L’humoriste controversé, d’abord connu pour ses sketchs antiracistes, multiplie les provocations, notamment antisémites, sous couvert d’humour noir. Il est condamné à plusieurs reprises. Sa défense : “la liberté d’expression”, ce que les tribunaux n’ont pas toujours reconnu.
🎥 Zineb El Rhazoui (ancienne journaliste de Charlie Hebdo)
Cible de multiples menaces de mort, placée sous protection policière permanente depuis 2015. Elle a régulièrement affirmé que « le droit au blasphème est un pilier de la République ».
De Charlie Hebdo à Regelegorila, la question reste la même : La liberté d’expression peut-elle encore s’exercer pleinement quand l’indignation religieuse devient une arme numérique, judiciaire ou physique ?
📌 Ce que dit la loi française : Blague, religion et liberté d’expression
En France, le blasphème n’est pas un délit. Depuis la Révolution Française, la loi protège la liberté d’expression, même lorsqu’elle touche aux croyances religieuses. Cela signifie concrètement qu’on a le droit de critiquer, caricaturer ou tourner en dérision une religion, tant que cela ne constitue pas une incitation à la haine, à la discrimination ou à la violence envers des personnes ou des groupes.
👉 Références légales :
– Article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme : Garantit la liberté d’expression, y compris la liberté d’“offenser, choquer ou inquiéter”.
– Article 1er de la Constitution française : La République est laïque, elle ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte.
– Loi sur la liberté de la presse de 1881, toujours en vigueur : Encadre les abus de la liberté d’expression, notamment l’incitation à la haine ou la diffamation.
⚖️ Conclusion :
Une blague, même de mauvais goût, sur une religion ne constitue pas un délit en soi. Ce qui est interdit, c’est l’appel à la haine envers les croyants, pas la critique ou la moquerie des croyances.
Honnêtement, cette histoire m’a refroidi.
Je fais un peu d’humour sur les réseaux, des petites vidéos marrantes. Et depuis l’affaire Regelegorila, je me suis surpris à relire dix fois mes vannes avant de poster.
Je me dis : Est-ce que celle-là va m’attirer des emmerdes ? Est-ce que je vais me faire menacer, moi aussi ? C’est devenu flippant.
On est censés pouvoir rire de tout, surtout en France. Si on commence à avoir peur de faire une blague sur une religion, même sans intention de blesser, alors c’est plus de la liberté d’expression, c’est de l’autocensure imposée par la peur.
Ce que je vois depuis vendredi me terrifie. Il y a une forme de justice parallèle qui s’installe sur les réseaux sociaux. On prend quelqu’un pour cible, on l’expose, on le menace, on cherche à le détruire… Tout ça pour un tweet mal perçu ? On vit dans un pays où la liberté d’expression est encore censée exister, non ? Je ne cautionne pas forcément la blague, mais je défendrai toujours le droit de la faire.
Je suis musulman, je fais mes prières, je respecte ma foi. Mais jamais je n’ai pensé qu’une blague, même déplacée, pouvait justifier de menacer quelqu’un de mort.
Ce que vit ce Youtubeur est totalement disproportionné.
Si on ne peut plus rire — ou même se moquer — alors on ne vit plus dans une démocratie. L’humour, même maladroit, fait partie du débat d’idées.
Ce n’est pas une attaque contre nous tous. J’ai vu bien pire sur d’autres religions sans que personne ne sorte les couteaux.
Franchement, je trouve cette histoire complètement inouïe.
On parle d’une blague, pas d’une insulte, pas d’un appel à la haine. Juste une vanne un peu maladroite peut-être, mais qui ne mérite en aucun cas des menaces de mort.
La France n’interdit pas de faire de l’humour sur une religion, quelle qu’elle soit. C’est même un droit fondamental.
Et là, on a un mec qui se retrouve harcelé, traqué, parce qu’il a osé faire une comparaison un peu piquante ?
On marche sur la tête. C’est ce genre de dérives qui fait peur, car demain, ce sera qui le suivant ?