Que faisaient plus de 40 fichés S à la mobilisation contre l’A69 ? Enquête au cœur d’un événement polémique dans le sud-ouest.

A69 : Plus de 40 fichés S, parmi les manifestants, contrôlés par la police, lors du rassemblement contre la reprise des travaux

CHOC

A69, Turboteuf, fichés S : Récit d’un samedi sous tension dans le Tarn

Il est un peu plus de 9h, ce samedi 5 juillet 2025, lorsque les premiers fourgons de CRS, l’un après l’autre, s’engouffrent sur les petites routes rurales menant à Maurens-Scopont, dans le Tarn. Le soleil tape déjà fort sur les plaines du sud-ouest, et l’air vibre d’une étrange tension. Ce jour-là, la mobilisation contre la reprise des travaux de l’autoroute A69, censée relier Toulouse à Castres, prend un tour tout à fait inattendu.

Ce qu’on appelle désormais la « Turboteuf », un rendez-vous écolo-festif organisé par les opposants au chantier, devait être, aux dires des collectifs mobilisés, un simple week-end d’échanges, de pique-nique militant et d’expression pacifique. Mais c’est un tout autre scénario qui s’écrit, presque minute par minute, sous le regard inquiet des riverains et des journalistes présents.

1 400 personnes contrôlées, 41 fichés S repérés : Des chiffres qui interrogent

Dès le début de la journée, les autorités locales, en coordination avec la préfecture du Tarn, ont déployé un imposant dispositif policier. En tout, près de 300 membres des forces de l’ordrepoliciers, gendarmes, unités mobilessont mobilisés autour du site sensible. L’accès à certaines routes est filtré, et un poste de commandement mobile a été installé non loin du chantier.

L’objectif est clair : Prévenir tout débordement. Et très vite, les premiers chiffres tombent. Sur les 1 400 personnes contrôlées au fil de la journée, plus de 40 sont inscrites au fichier S pour radicalisation ou surveillance particulière. Un chiffre inattendu, qui fait bondir certains élus locaux et provoque un émoi discret au sein même des services de renseignement.

Entre écologie radicale et surveillance antiterroriste : La manifestation déraille

La question se pose immédiatement : Comment autant de fichés S ont-ils pu converger vers un rassemblement qui, officiellement, visait à dénoncer la destruction d’espaces naturels au profit d’une autoroute ? La réponse se trouve peut-être dans la porosité grandissante entre les milieux écologistes les plus radicaux, certains mouvements anarchistes, et des profils surveillés pour leur engagement idéologique.

Des agents en civil rapportent la présence d’individus connus pour leur participation à des ZAD ou à des blocages violents, notamment dans le sud-ouest. Certains d’entre eux auraient déjà été repérés lors de manifestations contre les mégabassines ou contre la réforme des retraites. D’autres, en revanche, sont affiliés à des milieux radicalisés qui n’ont, a priori, rien à voir avec l’écologie.

Barricades, projectiles et lacrymogènes : L’intervention des CRS

Aux alentours de midi, la situation dégénère. Des groupes masqués se détachent de la foule, dressent des barricades de fortune avec du bois, des pneus et du grillage récupéré sur le site. Des jets de pierres visent les gendarmes mobiles. Les CRS ripostent avec des gaz lacrymogènes. L’air devient irrespirable, et les familles venues avec des enfants pour manifester pacifiquement quittent précipitamment les lieux.

Au cœur de la mêlée, les policiers interpellent plusieurs individus. Certains transportent des feux d’artifice, des mortiers, des objets métalliques et même des cocktails Molotov artisanaux. Les arrestations sont ciblées, méthodiques. Parmi les personnes interpellées, plusieurs sont déjà connues des services de renseignement.

Une préfecture vigilante, un préfet sous pression

Le préfet du Tarn, Michel Vilbois, publie dans l’après-midi un communiqué. Il y condamne fermement « la présence d’individus violents venus avec l’intention manifeste de troubler l’ordre public » et se félicite de « l’efficacité du dispositif de sécurité déployé en amont de la mobilisation ». Il précise également que la plupart des personnes fichées S ont été contrôlées en amont et « empêchées de se joindre au cœur du rassemblement ».

Mais sur les réseaux sociaux, l’affaire fait du bruit. Certains dénoncent une instrumentalisation sécuritaire du mouvement écologiste. D’autres, au contraire, s’inquiètent d’un laxisme envers des groupuscules extrémistes qui profitent de ce type d’événements pour s’infiltrer et créer le chaos.

Le chantier A69, symbole d’un clivage national

Ce n’est pas la première fois que l’A69 devient un terrain de tensions. Depuis son lancement, le projet est accusé par les écologistes de détruire des terres agricoles, de couper des corridors écologiques et de favoriser une mobilité routière jugée obsolète. Mais les promoteurs, dont Vinci Autoroutes, avancent au contraire les arguments de désenclavement économique, de sécurité routière et de désaturation du trafic régional.

Avec la présence de fichés S lors de ce rassemblement, le débat quitte le strict terrain environnemental pour glisser vers des enjeux bien plus sensibles : Radicalisation, ordre public, terrorisme intérieur. Une dérive qui fragilise davantage encore les mouvements militants pacifiques.

Le virage sécuritaire d’un combat écologique

Ce qui devait être un week-end d’échanges et de contestation bon enfant s’est mué en démonstration de force entre manifestants ultras et forces de l’ordre. L’affaire des 41 fichés S contrôlés sur le chantier de l’A69 marque peut-être un tournant dans la perception des mobilisations écologistes en France. Car au-delà de la bataille pour les terres du Tarn, c’est aussi celle pour les cœurs et les consciences qui se joue désormais.

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