chauffage au bois, pénurie d'arbres

Chauffage au bois : La France risque-t-elle une pénurie d’arbres ?

SOCIETE

La France est souvent perçue comme un pays aux vastes étendues boisées, mais une question se pose : Avec l’essor du chauffage au bois, avons-nous réellement assez d’arbres pour répondre à la demande ? Si nos forêts continuent de s’étendre, leur exploitation demeure limitée et souvent mal organisée. Entre importation de bois, déclin des scieries locales et filières énergétiques gourmandes, le chauffage au bois soulève de nombreuses contradictions.

Un paradoxe forestier : Abondance et sous-exploitation

En France, la forêt couvre 31% du territoire, soit près de 17 millions d’hectares, et ne cesse de s’étendre. Chaque année, environ 2000 hectares supplémentaires de forêt naturelle voient le jour. Pourtant, seule la moitié du bois produit annuellement est récoltée. Cette sous-exploitation a plusieurs causes : Morcellement des propriétés forestières, manque de rentabilité et difficultés d’accès dans certaines régions.

Les types de forêts en France :

  1. Les forêts gérées : Ces forêts, entretenues par l’État, les collectivités ou des propriétaires privés, sont bien exploitées, notamment dans l’Est, le Centre et l’Aquitaine.
  2. Les forêts spontanées : Issues de terres agricoles abandonnées, elles représentent 5 millions d’hectares supplémentaires en un siècle. Souvent situées sur des terrains difficiles d’accès, elles restent largement inexploitées.

Cette distinction explique en partie pourquoi des régions riches en bois, comme la Drôme ou le Morvan, doivent importer du bois d’autres départements ou même de l’étranger.

Un problème économique et logistique

Malgré l’abondance apparente, la filière bois en France est en déclin. Depuis 1996, le nombre de scieries a chuté de 79%, et une centaine d’entre elles ferment encore chaque année. Ces fermetures ont un impact direct sur la disponibilité du bois de chauffage.

Pourquoi la filière bois décline-t-elle ?

  • Morcellement des propriétés : La taille moyenne d’une parcelle forestière privée est de 3,5 hectares, ce qui rend leur exploitation non rentable.
  • Accessibilité difficile : Les forêts spontanées se trouvent souvent sur des terrains escarpés ou mal desservis par le réseau routier.
  • Concurrence industrielle : Les grandes entreprises de cogénération et les chaufferies urbaines, dotées de budgets conséquents, captent les ressources locales en bois, augmentant les prix et privant les petits acteurs de matière première.

Dans des régions comme le Morvan, autrefois un fournisseur clé de bois pour Paris, les terres agricoles abandonnées sont colonisées par la forêt. Cependant, ces nouvelles forêts ne sont pas exploitées à cause du manque d’infrastructures et d’un marché local insuffisant.

Le renouveau du chauffage au bois

Face à la hausse des prix des énergies fossiles, le chauffage au bois a regagné en popularité depuis les années 2000. Soutenus par des incitations fiscales et des fonds publics comme le Fonds chaleur, de nombreux projets de chaufferies collectives ont vu le jour.

Exemples de chaufferies innovantes :

  • Rhône-Alpes et Normandie : Plusieurs communes ont installé des chaudières à bois dans les années 1980 pour valoriser les déchets issus de l’entretien des haies locales.
  • Saint-Étienne Métropole : Avec huit réseaux de chaleur, dont plus de la moitié alimentés par du bois, la ville a fait du chauffage au bois un levier énergétique.

Malgré ces initiatives, la demande croissante en bois énergie met une forte pression sur les ressources locales. Les filières artisanales locales peinent à rivaliser avec les géants industriels, comme Uniper, qui alimente la centrale biomasse de Gardanne. Cette installation, conçue pour brûler 830 000 tonnes de bois par an, doit importer près de la moitié de son approvisionnement, parfois jusqu’au Brésil. Une aberration écologique qui suscite la polémique.

Un avenir sous tension pour la filière bois énergie

L’effondrement de la filière bois artisanale et la montée en puissance des chaufferies industrielles posent de nombreuses questions. Alors que les petites entreprises locales disparaissent, les grands acteurs captent les ressources et font grimper les prix. Les communes, confrontées à cette hausse, retournent parfois vers le fioul ou le gaz, annulant les bénéfices environnementaux initialement escomptés.

Les enjeux pour l’avenir :

  • Réorganiser la filière locale : Les circuits courts, inspirés des AMAP pour l’agriculture, pourraient permettre aux bûcherons, propriétaires forestiers et consommateurs de s’unir pour garantir un approvisionnement local durable.
  • Mieux exploiter la forêt spontanée : En développant des infrastructures adaptées, la France pourrait tirer parti de ces vastes ressources encore inexploitées.
  • Limiter l’importation : L’importation de bois, notamment en provenance de pays lointains, doit rester une exception pour éviter un bilan carbone désastreux.

Vers une gestion durable et équitable du bois énergie

Pour que le chauffage au bois reste une solution écologique et économique, la France doit repenser sa gestion forestière. Il ne suffit pas d’avoir des forêts, encore faut-il les exploiter intelligemment, en préservant l’équilibre entre demande et ressources disponibles. La transition énergétique passe par une mobilisation accrue des acteurs locaux et une régulation stricte des grandes installations consommatrices de bois.

En attendant, des initiatives locales, comme celles en Saône-et-Loire ou en Ariège, montrent qu’il est possible de s’organiser pour sécuriser les approvisionnements tout en valorisant les ressources locales. Le chauffage au bois pourrait ainsi devenir un modèle de durabilité, à condition que les leçons du passé soient enfin prises en compte.

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