« Je viens de gagner au loto, et maintenant, l’État veut sa part ?! », s’exclame Mathilde, jeune graphiste de 32 ans, encore sous le choc de sa victoire à un tirage exceptionnel. Cette question, posée sur un ton mi-amusé, mi-inquiet, reflète l’état d’esprit de nombreux joueurs après les récentes propositions du Conseil des prélèvements obligatoires (CPO). Dans une note publiée en fin d’année, cette institution suggère de faire entrer les gains des jeux d’argent et de hasard dans l’assiette de l’impôt sur le revenu. Une idée qui pourrait bien changer le visage du jeu en France.

Une fiscalité plus ambitieuse : Pourquoi taxer les jeux d’argent ?
La France, comme beaucoup de pays européens, traverse une période délicate sur le plan financier. Avec une dette publique frôlant des records, chaque euro compte pour rééquilibrer les comptes. Le secteur des jeux d’argent, florissant avec l’essor des plateformes en ligne, des paris sportifs et des casinos, représente un levier tentant pour l’État.
Les arguments du CPO sont clairs :
- Les gains élevés perçus par certains joueurs ne sont pas imposés actuellement, ce qui crée une forme d’injustice fiscale.
- En intégrant ces revenus à l’impôt, l’État pourrait générer des recettes supplémentaires tout en renforçant l’équité du système.
- Ce dispositif permettrait également de mieux encadrer les pratiques des opérateurs de jeux.
Cependant, tout n’est pas simple. Si certains gains importants comme les jackpots de loterie ou les gains de poker en ligne peuvent sembler évidents à taxer, que faire des petits gains sporadiques de joueurs amateurs ?
La réaction des joueurs et des opérateurs
Face à ces annonces, les réactions sont mitigées. Pour Marc, joueur de poker semi-professionnel, c’est une « catastrophe annoncée« . « Déjà qu’on paye des frais énormes sur les tournois, maintenant il faudra aussi penser à l’impôt ? Cela va décourager beaucoup de joueurs« , estime-t-il.
De leur côté, les opérateurs de jeux redoutent une baisse de fréquentation. Les jeux de hasard attirent des millions de Français chaque année, mais une taxation pourrait refroidir les ardeurs. Certains craignent également que cette mesure favorise l’essor du marché noir, avec des joueurs se tournant vers des plateformes non régulées pour éviter les prélèvements.
Quels gains seraient concernés ?
Dans son rapport, le CPO propose plusieurs pistes pour encadrer cette taxation :
- Un seuil minimum d’imposition : Seuls les gains dépassant une certaine somme seraient concernés, afin d’épargner les joueurs occasionnels.
- Une imposition progressive : Les gains les plus élevés seraient soumis à un taux plus important, dans une logique proche de celle de l’impôt sur le revenu classique.
- Une taxation différenciée selon le type de jeu : Les paris sportifs, la loterie et les jeux de casino pourraient être soumis à des taux différents.
L’exemple d’autres pays
La France ne serait pas pionnière en la matière. Aux États-Unis, par exemple, les gains des jeux d’argent sont systématiquement soumis à l’impôt, avec une retenue automatique à la source pour les sommes importantes. En Espagne, les gains dépassant 2 500 euros sont imposables, tandis qu’en Allemagne, seuls les joueurs professionnels sont concernés.
En s’inspirant de ces modèles, la France pourrait adapter son système pour le rendre acceptable, tant pour les joueurs que pour les opérateurs.
Vers une nouvelle ère pour les jeux en France ?
Si cette mesure venait à être adoptée, elle pourrait avoir des effets en cascade :
- Une refonte des habitudes de jeu, avec une probable baisse des mises.
- Un encadrement renforcé pour garantir une redistribution équitable.
- Une meilleure transparence dans le secteur des jeux d’argent.
Pour Mathilde, la gagnante du loto, cette perspective ne ternit pas totalement sa joie. « C’est vrai que c’est un peu frustrant, mais si ça peut aider les finances publiques… après tout, c’est grâce à l’État que j’ai gagné ce jackpot !«

Yann GOURIOU est rédacteur et responsable éditorial de MyJournal.fr. Passionné d’actualité, de société et de récits de vie, il signe chaque article avec une approche humaine, sensible et engagée. Installé en Bretagne, il développe un journalisme proche du terrain, accessible et profondément ancré dans le quotidien des Français.
