Sofia : « En brandissant le drapeau algérien à la télévision, le député Sébastien Delogu a-t-il exprimé une conviction personnelle ou révélé une fracture idéologique au sein de LFI ? »
En pleine saison estivale, un geste politique venu d’Algérie a déclenché une onde de choc au sein même de La France insoumise. Le député Sébastien Delogu, élu des Bouches-du-Rhône, a été filmé en train d’embrasser le drapeau algérien lors d’une interview diffusée sur Canal Algérie. À ses côtés, la députée européenne Rima Hassan était également présente. Si le moment se voulait fraternel et ancré dans une histoire familiale personnelle, les réactions en France n’ont pas tardé à transformer l’image en objet de polémique.
« J’ai pour ma part embrassé le drapeau de l’Algérie parce que nous avons, avec ma famille, nos racines ici », a déclaré Sébastien Delogu à l’antenne, justifiant son geste par ses origines. Mais ce baiser, pourtant présenté comme une initiative individuelle, est rapidement devenu une affaire collective. Car au moment même où le député français célébrait son lien avec l’Algérie, deux autres affaires éclaboussaient l’actualité politique entre Paris et Alger : La détention de l’écrivain Boualem Sansal et celle du journaliste Christophe Gleizes, arrêté alors qu’il couvrait un festival littéraire en Kabylie.
Face à cette situation, l’absence totale de prise de parole des deux élus LFI sur ces sujets sensibles a été lourdement pointée du doigt. Ni Delogu ni Hassan ne se sont exprimés sur le sort des prisonniers. Ni critique du régime algérien. Ni appel à la libération. Rien. Et dans les rangs de La France insoumise, cette forme de silence a provoqué un malaise grandissant.
La réaction officielle du parti s’est voulue mesurée. Le mouvement s’est contenté d’un communiqué affirmant que les déclarations de Sébastien Delogu étaient de nature personnelle, et qu’elles ne représentaient pas une position officielle. Cette mise au point, pourtant attendue, n’a pas suffi à éteindre les critiques internes. Plusieurs cadres de LFI ont exprimé, de manière informelle, leur gêne face à ce déplacement non coordonné, qui intervient dans un contexte politique particulièrement tendu.
Le positionnement de Rima Hassan a aussi suscité des interrogations. Présente aux côtés de Delogu, elle n’a pris publiquement aucune position, ni sur les détentions arbitraires, ni sur les libertés publiques en Algérie. Ce mutisme interroge d’autant plus qu’elle est très engagée sur d’autres causes internationales, notamment le sort des Palestiniens, et qu’elle s’est fait connaître pour ses prises de parole audacieuses. À Alger, en revanche, pas un mot.
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Sur le plan politique, cette séquence révèle une forme de fracture idéologique au sein de LFI. Alors que certains élus insistent sur la nécessité de maintenir une ligne diplomatique républicaine et cohérente, d’autres semblent privilégier une approche plus affective, voire identitaire, dans leurs engagements internationaux. Cette divergence se reflète désormais dans les actes.
La droite et l’extrême droite n’ont pas tardé à s’emparer de l’affaire. Plusieurs élus du Rassemblement National ont dénoncé un « acte de soumission », tandis que des figures de la majorité présidentielle y ont vu une forme d’incohérence stratégique. Des éditorialistes ont également mis en lumière ce qu’ils considèrent comme une forme d’aveuglement volontaire d’une partie de la gauche vis-à-vis de certains régimes autoritaires non occidentaux.
Pour les analystes politiques, cette affaire dépasse le simple cadre d’un voyage parlementaire ou d’un geste de courtoisie. Elle renvoie à une question plus large : Celle du double standard diplomatique, et de l’identité même du projet porté par La France insoumise. Le mouvement, souvent prompt à dénoncer les atteintes aux libertés publiques en France ou dans d’autres démocraties occidentales, semble cette fois avoir adopté une posture plus prudente, voire complaisante, vis-à-vis d’un État qui musèle ses écrivains et ses journalistes.
Dans les couloirs de l’Assemblée Nationale, plusieurs députés insoumis reconnaissent en privé que l’épisode est « mal venu », même si aucun ne souhaite publiquement désavouer Sébastien Delogu. Ce dernier, quant à lui, assume pleinement son geste et continue de revendiquer ses attaches personnelles avec l’Algérie.
Reste à savoir si cet épisode marquera un simple incident d’été ou un véritable tournant dans la stratégie de communication et de positionnement international de La France insoumise. Une chose est sûre : Le silence diplomatique, s’il peut être stratégique, a parfois un coût politique bien réel.