« Bonjour, je m’appelle Éléonore, j’ai 29 ans, et j’ai récemment quitté mon appartement après trois ans de loyauté sans faille. L’état des lieux de sortie était impeccable, mais mon ancien propriétaire a tout bonnement disparu, avec ma caution. J’ai écrit, téléphoné, supplié. Rien. Puis-je, moi aussi, espérer justice comme ces locataires qui ont gagné plus de 6 000€ en réparation ? »
Le silence après les clés
À Saint-Maur-des-Fossés, dans une rue paisible bordée de platanes, un couple de locataires avait tourné la page. Ils quittaient leur appartement après deux années passées sans heurts, avec la satisfaction d’un état des lieux de sortie signé sans réserve. Les murs étaient propres, les vitres étincelantes, les sols reluisants.
Mais ce qu’ils ignoraient alors, c’est que leur tranquillité allait se transformer en cauchemar administratif et judiciaire.
Le propriétaire, un certain Monsieur B., était connu pour sa discrétion. Trop discret peut-être. Car après leur départ, plus aucun signe de vie. Pas de virement. Pas d’appel. Pas même un refus formel. Juste le vide.
Trois mois passèrent. Puis six. Puis un an. Les anciens locataires, exaspérés, mirent enfin le cap sur la justice.
La loi est claire : Un mois, pas plus
Le dépôt de garantie, souvent confondu avec une « caution« , est strictement encadré par la loi du 6 juillet 1989. Elle impose au bailleur de restituer cette somme dans un délai d’un mois, si l’état des lieux de sortie est conforme à celui d’entrée. En cas de dégradations, ce délai peut aller jusqu’à deux mois.
Mais au-delà, chaque jour de retard devient une faute, et la loi prévoit une sanction : 10% du loyer mensuel hors charges par mois de retard commencé.
Le couple, bien informé, a d’abord tenté l’amiable : Lettre recommandée, mises en demeure, appels à répétition. Rien n’y fit. Alors, ils décidèrent de frapper à la porte du tribunal judiciaire.
Une audience exemplaire
Le jour de l’audience, la salle était presque vide. Mais dans le silence feutré du tribunal, les faits parlèrent d’eux-mêmes. Le juge relut les pièces une à une : Le bail, l’état des lieux, les lettres restées sans réponse, les extraits de compte. Tout plaidait en faveur des locataires.
Le propriétaire, convoqué, ne s’était même pas présenté.
Le magistrat prononça alors une condamnation exemplaire : Plus de 6 000 euros à verser aux anciens locataires, incluant :
- Le montant de la caution (1 180€).
- Des intérêts pour retard.
- Des dommages et intérêts pour préjudice moral.
- L’indemnisation des frais engagés pour la procédure.
Quand la justice rappelle que la loi n’est pas optionnelle
Cette affaire n’est pas isolée. Des centaines de locataires en France se retrouvent chaque année privés de leur dépôt de garantie, parfois pour des motifs flous, souvent sans aucune justification.
Dans d’autres cas, certains propriétaires arguent de prétendues « micro-rayures« , de joints de salle de bain « fatigués » ou de rideaux « mal lavés« . Et pourtant, la loi est du côté du locataire, tant que l’état des lieux est en règle.
La preuve ? Le site du service public le précise : Le propriétaire ne peut conserver le dépôt de garantie que s’il peut justifier, devis à l’appui, d’éventuelles réparations nécessaires dues à la faute du locataire.
Des recours à ne pas négliger
Pour les victimes de propriétaires récalcitrants, plusieurs étapes sont à connaître :
- Lettre de mise en demeure en recommandé avec accusé de réception : Elle constitue une preuve légale.
- Saisine de la commission départementale de conciliation (CDC) : Gratuite, elle favorise une solution amiable.
- Saisine du tribunal judiciaire : Si le litige persiste, c’est la voie ultime, mais souvent redoutée à tort.
Dans le cas de ce couple, c’est précisément le silence obstiné du propriétaire qui a renforcé leur dossier. Car dans les yeux de la loi, le mutisme vaut faute.
Un signal fort pour tous les locataires
Ce jugement est aussi un message aux propriétaires : On ne joue pas avec le dépôt de garantie. Il ne s’agit pas d’un bonus de départ, ni d’une prime à la mauvaise foi. C’est l’argent du locataire, protégé par la loi.
Pour Éléonore, pour Baptiste, pour Lila, pour tous ceux qui ont quitté un logement sans voir la couleur de leur caution, ce cas est une bouffée d’espoir.
La fin de l’impunité ?
Le couple, soulagé mais amer, a finalement récupéré son dû… après deux années de combat. Ils espèrent aujourd’hui que leur histoire inspirera d’autres à ne plus se taire, à ne plus accepter, à oser réclamer leur dû.
La justice ne répare pas toujours les blessures. Mais dans cette affaire, elle a réparé un oubli, rétabli un droit, et surtout envoyé un signal fort : Le dépôt de garantie n’est pas un don. C’est un droit.
Article très intéressant, merci.
Bonjour, savez-vous quels sont les recours possibles lorsque le propriétaire refuse de rendre la caution (depuis fin 2019), doit la rendre par décision de justice de novembre 2022 et a organisé son insolvabilité en 2024 en nommant son fils né en 2020 propriétaire de ses sociétés ?
L’huissier mandaté veut stopper les poursuites. La protection juridique veut faire de même.
Peut-on se retourner contre l’état ?
Merci de votre réponse.
Cordialement.
Bonjour,
Votre situation est particulièrement complexe et malheureusement assez représentative des stratégies frauduleuses que certains propriétaires peuvent mettre en place pour échapper à leurs obligations légales. Voici plusieurs pistes que vous pouvez envisager :
1. Contester l’organisation frauduleuse d’insolvabilité
Si le propriétaire a délibérément organisé son insolvabilité dans le but d’échapper à une décision de justice, vous pouvez engager une action en « fraude paulienne » (article 1341-2 du Code civil). Cela permet de faire annuler les actes frauduleux — ici, le transfert de biens à son fils mineur — s’ils ont été réalisés au détriment de vos droits de créancier.
Un juge civil peut alors revenir sur la transmission des biens et considérer que ces biens restent saisissables. Il faudra pour cela saisir un avocat pour entamer une action en inopposabilité de l’acte frauduleux devant le tribunal judiciaire.
2. Responsabilité du représentant légal ou de la société
Si le propriétaire a transféré des biens à une ou plusieurs sociétés dont il était le gérant, et qu’il les a ensuite mises au nom d’un mineur, vous pouvez faire constater l’abus de droit ou l’abus de biens sociaux, selon les montages utilisés. Cela relève du tribunal de commerce ou du pénal, selon les cas.
Un avocat peut vous aider à envisager une action contre le dirigeant pour responsabilité personnelle, en particulier s’il est prouvé que la société a été utilisée comme un écran pour frauder.
3. Recours contre l’État : possible, mais très encadré
Se retourner contre l’État est extrêmement difficile, sauf s’il y a eu une faute lourde ou un dysfonctionnement de la justice (article L141-1 du Code de l’organisation judiciaire). Cela pourrait être invoqué si le tribunal ou l’huissier avait failli à leur devoir de faire exécuter la décision.
Mais dans votre cas, le fait que l’huissier veuille cesser les poursuites faute de biens saisissables n’engage pas la responsabilité de l’État, sauf si vous démontrez qu’il a négligé des voies d’exécution possibles. Il est conseillé de demander un rapport détaillé de carence à l’huissier, et de saisir le bâtonnier si vous estimez que votre protection juridique ne remplit pas ses obligations.
4. Poursuivre malgré la volonté d’abandon
Si la protection juridique ne souhaite plus intervenir, vous avez le droit de changer d’avocat et de continuer les démarches à vos frais. Vous pouvez aussi demander une évaluation juridique indépendante (par exemple via une consultation gratuite auprès d’une maison de justice et du droit ou d’un avocat pro bono).
Vous avez 10 ans à compter de la décision de justice pour obtenir l’exécution de la condamnation (article L111-4 du Code des procédures civiles d’exécution), donc jusqu’en 2032 dans votre cas.
En résumé :
– Vous pouvez contester la transmission des biens à son fils par voie de justice.
– Il est possible d’engager la responsabilité du propriétaire en cas de fraude manifeste.
– Un recours contre l’État n’est possible qu’en cas de faute avérée de la justice.
– Même si huissier et protection juridique abandonnent, vous pouvez poursuivre seul avec un avocat.
Je vous recommande vivement de consulter un avocat spécialisé en exécution des décisions de justice et en fraude civile. Un rendez-vous peut parfois tout débloquer.
Bon courage à vous,
Bien cordialement.