« Je voulais simplement honorer mes racines en ajoutant un autocollant « 2B » avec la Tête de Maure sur ma plaque… Comment un geste aussi symbolique a-t-il pu me coûter 135 euros d’amende ? »
Une matinée banale qui tourne à l’amende
Le soleil matinal baignait les rues de Bastia d’une lumière dorée, cette lumière si particulière que seuls les enfants de l’île savent vraiment reconnaître. Ghjuvanetta, 36 ans, enseignante dans une école primaire à Lupino, garait sa petite Clio blanche, fièrement ornée d’un autocollant représentant la Tête de Maure – symbole ancestral de la Corse – et du numéro 2B, juste à côté de l’identifiant officiel de sa plaque d’immatriculation.
Elle ne s’attendait à rien d’autre qu’à une journée ordinaire. Pourtant, à son retour vers midi, une contravention de 135 euros l’attendait sagement glissée sous son essuie-glace. Motif : Plaque d’immatriculation non conforme.
Au début, elle crut à une erreur. Un PV pour stationnement gênant ? Pour excès de vitesse capté par une caméra inconnue ? Mais non. En bas du procès-verbal, le motif était on ne peut plus clair : « Apposition d’un signe non homologué sur une plaque d’immatriculation ».
Une loi que peu connaissent… mais qui s’applique sans exception
Beaucoup d’automobilistes, surtout en Corse, décorent leurs plaques d’immatriculation avec fierté. Numéros de département, symboles régionaux, blasons, drapeaux… Ces autocollants sont souvent perçus comme des marqueurs d’identité culturelle, voire un acte de résistance contre l’uniformisation.
Mais depuis 2009, et l’instauration du SIV (Système d’Immatriculation des Véhicules), la loi française est formelle : Les plaques doivent être strictement conformes au modèle homologué. Et cela inclut l’interdiction totale d’ajouter des autocollants, même symboliques.
L’article R. 317-8 du Code de la route stipule en effet que « les plaques doivent être constituées d’un seul tenant, non modifiables, sans ajout d’élément, y compris décoratif ». L’identifiant territorial – qui peut afficher un numéro de département ainsi que le logo de la région – ne peut être modifié ou remplacé par un autocollant, même s’il respecte visuellement les normes.
L’exception corse qui n’existe pas dans le droit
En Corse, l’usage de ces autocollants est massif. Sur les parkings de Bastia, d’Ajaccio, de Corte ou encore de Porto-Vecchio, les plaques sont presque toutes ornées d’un 2A ou 2B stylisé, souvent accompagné de la fameuse Tête de Maure.
Pour beaucoup, c’est une habitude. Pour d’autres, une tradition. Certains y voient même un acte politique, une façon d’affirmer une identité insulaire forte face à Paris. Mais en droit, cela ne change rien.
Même si l’autocollant reproduit fidèlement le visuel homologué, il est considéré comme un élément non réglementaire. La seule solution légale est de faire fabriquer une nouvelle plaque chez un professionnel agréé, avec le bon identifiant choisi au moment de l’immatriculation. Et même là, vous ne pouvez pas modifier cette information ensuite, sauf à demander une nouvelle immatriculation complète.
Que risquent réellement les automobilistes ?
L’amende infligée à Ghjuvanetta n’est pas une exception. En 2025, les contrôles sur les plaques d’immatriculation se sont intensifiés. Les forces de l’ordre appliquent désormais strictement les consignes, notamment en matière de conformité visuelle des plaques.
Le montant est sans appel :
➡️ 135 euros d’amende forfaitaire, pouvant être majorée à 375 euros en cas de non-paiement dans les délais.
Dans certains cas, si les plaques sont jugées falsifiées ou volontairement modifiées pour dissimuler un numéro, cela peut même entraîner une immobilisation du véhicule, voire un retrait du certificat d’immatriculation.
Heureusement, dans le cas de Ghjuvanetta, le PV s’est limité à l’amende. Mais la jeune femme, choquée, a dû faire démonter ses plaques pour les remplacer. Coût total : 82 euros chez un garagiste agréé, en plus de l’amende initiale.
Une polémique qui traverse la Méditerranée
Ce cas a fait grand bruit sur les réseaux sociaux corses. Sur les groupes Facebook et les forums locaux, les réactions ont été immédiates :
- « Encore une attaque contre notre identité ! »
- « Ils veulent qu’on se fonde dans la masse, qu’on oublie qui on est ! »
- « Je l’ai aussi sur ma voiture, ils n’ont qu’à venir me verbaliser. »
Mais à Paris, les autorités restent sourdes à ces arguments. Pour le ministère de l’Intérieur, il s’agit d’appliquer une réglementation nationale, sans tenir compte des sensibilités régionales.
Un représentant de la Délégation à la sécurité routière l’a affirmé à France Bleu :
« Nous comprenons les revendications culturelles, mais les plaques d’immatriculation ne sont pas un support d’expression politique ou identitaire. Ce sont des éléments officiels de reconnaissance du véhicule. »
Existe-t-il une alternative légale pour afficher son identité régionale ?
Oui… mais hors des plaques. Les automobilistes peuvent afficher leurs symboles corses sur la carrosserie, le pare-brise arrière, les vitres, voire en pendentif sur le rétroviseur intérieur – tant que cela ne gêne pas la visibilité et ne modifie pas un élément homologué du véhicule.
De plus, rien n’empêche d’acheter une plaque homologuée dès le départ avec l’identifiant 2A ou 2B, même si l’on vit en métropole. Le SIV permet depuis 2009 de choisir librement son numéro de département et son logo régional, indépendamment de son lieu de résidence.
Mais une fois ce choix effectué, il est figé dans le temps, sauf à changer totalement d’immatriculation (et donc de numéro de plaque), ce qui n’est pas gratuit.
La fierté n’a pas de prix, mais la loi en a un
Ghjuvanetta a payé cher un symbole. Pour elle, la Tête de Maure n’était pas un sticker, mais un acte d’amour envers sa terre, une trace visible de son identité, un rappel de ses ancêtres. Pourtant, le système légal ne fait aucune exception.
À Bastia comme ailleurs, l’État ne badine pas avec les normes. Même si l’intention est pacifique, même si l’autocollant est esthétique, la loi est la loi. Et en matière de plaques d’immatriculation, le moindre écart peut coûter très cher.
Suffit de commander des plaques toutes faites avec la personnalisation de son choix. Tant qu’elle respecte les couleurs et la police de caractère…