Quand la cuisine devient arme politique : retour sur l’affaire du couscous de Marseille.

Le Maire de Marseille, Benoît Payan, menacé de mort pour un couscous

SOCIETE
Le Maire de Marseille menacé pour un couscous

Il est des histoires qui dépassent l’entendement, des récits qui font basculer un simple moment de convivialité dans une tempête politique et identitaire. Ce week-end à Marseille, le maire socialiste Benoît Payan a été la cible de menaces de mort pour avoir… mangé un couscous. Un geste banal, presque anodin, qui aurait dû n’être qu’une célébration de la culture méditerranéenne et du vivre-ensemble, s’est transformé en prétexte à la haine.

La scène semblait pourtant douce et chaleureuse. Sous un soleil de fin d’été, Benoît Payan participait au festival Kouss-Kouss, organisé au cœur de Marseille. Entre drapeaux colorés, odeurs d’épices, musiciens et familles réunies, l’événement célébrait un plat emblématique : Le couscous, symbole de partage et de métissage culinaire. Le maire, entouré d’élus et de citoyens, s’est prêté au jeu des photos et a dégusté quelques bouchées. Rien de plus naturel dans une ville qui se revendique carrefour des cultures.

Mais à l’heure où chaque geste est scruté, commenté, déformé sur les réseaux sociaux, l’instant festif a basculé dans l’horreur. Sur X (anciennement Twitter), des messages haineux ont émergé. Parmi eux, une menace glaçante : Un photomontage macabre du maire, mis en scène dans une exécution, accompagné d’un texte violent, le visant explicitement pour sa participation à l’événement.

Marseille secouée par la haine

L’affaire, révélée par BFMTV, a immédiatement suscité l’indignation. « Menacé de mort pour avoir mangé un couscous », a dénoncé Benoît Payan lui-même, affirmant qu’il ne « cédera rien » face à ces intimidations. Dans une ville marquée par son cosmopolitisme, voir le premier édile ciblé pour avoir célébré un plat de tradition maghrébine résonne comme un symbole : Celui d’un climat où la violence identitaire s’infiltre partout, jusque dans les assiettes.

Marseille, cité portuaire ouverte depuis toujours, a souvent été le théâtre de tensions mais aussi d’alliances entre communautés. Cette fois, c’est la convivialité culinaire qui a été détournée en arme politique. Des voix extrémistes ont accusé Benoît Payan de « trahir » Marseille en acceptant de participer à un festival où flottaient des drapeaux algériens.

Le soutien politique et citoyen

Face à ces menaces, le maire n’a pas été laissé seul. Le député Sébastien Delogu (LFI) a immédiatement réagi, apportant un soutien sans faille : « Aucun désaccord politique ne doit surpasser la nécessité de faire bloc face à la haine raciste. » Le député socialiste Laurent Lhardit a lui aussi dénoncé ces attaques ignobles, appelant à défendre sans relâche les valeurs du vivre-ensemble.

Dans les rues de Marseille, les réactions citoyennes n’ont pas tardé. Beaucoup ont exprimé leur colère face à ce climat délétère. « On en arrive à menacer un maire parce qu’il a partagé un couscous ? Où va-t-on ? », s’est indignée Samira, une habitante du quartier Belsunce, présente au festival.

D’autres y voient un signal inquiétant : « La violence politique ne cesse de monter, les réseaux sociaux deviennent des tribunaux de haine », soupire Ahmed, commerçant sur le Vieux-Port.

Un symbole détourné

Ce n’est pas la première fois qu’un élu est ciblé par des menaces. Mais le caractère trivial de l’objet de la haine – un simple repas – rend l’affaire particulièrement marquante. Le couscous, plat familial, festif, universellement apprécié en France, devient ici le déclencheur d’un torrent de violence verbale et raciste.

Dans une ville où le couscous est l’un des plats les plus partagés entre familles, toutes origines confondues, voir ce mets transformé en symbole de division relève de l’absurde. Pourtant, cet absurde dit quelque chose : Il traduit la crispation identitaire qui secoue le pays, où chaque symbole est détourné à des fins politiques.

La résilience affichée de Benoît Payan

Malgré la gravité des menaces, Benoît Payan a choisi de se montrer ferme. Sur les réseaux sociaux, il a écrit que rien, pas même les intimidations de mort, ne le détournerait de sa mission. « Je ne céderai rien », a-t-il martelé, rappelant que son rôle est de défendre Marseille dans toute sa diversité.

Ce choix de résistance n’est pas seulement personnel. Il envoie un signal à la population : Céder à la peur, c’est laisser triompher ceux qui veulent diviser. Et dans une cité méditerranéenne où la cuisine, la musique et la culture sont autant de ponts entre communautés, ce message a une résonance particulière.

Quand la cuisine devient politique

L’affaire révèle aussi une vérité plus large : La politisation de chaque geste, de chaque image. Un élu mangeant un couscous devient, pour certains extrémistes, une trahison nationale. Comme si le partage d’un repas était désormais un acte militant, à charge.

Mais à Marseille, ville des ports et des migrations, ville des marchés et des épices, ville des quartiers où cohabitent Italiens, Comoriens, Algériens, Corses et Arméniens, le couscous est depuis longtemps un langage commun. Vouloir en faire un sujet de haine, c’est nier l’histoire même de la cité phocéenne.

Marseille face à son miroir

L’affaire du « couscous de Benoît Payan » restera sans doute comme un épisode révélateur de notre époque : Celle où un geste convivial peut devenir prétexte à menaces de mort. Ce qui devait unir a été utilisé pour diviser. Mais face à cette haine, Marseille a montré qu’elle savait se rassembler : Élus de tous bords, habitants de tous horizons, citoyens indignés.

Dans les ruelles animées du Panier comme sur le Vieux-Port, on continue à préparer du couscous, à le partager entre amis, entre familles, sans se soucier des frontières ou des origines. Peut-être est-ce là la réponse la plus forte à donner à la haine : Continuer à célébrer ce qui nous unit, même quand certains voudraient nous diviser pour un simple plat.

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