Émilie : « Comment expliquer que le beurre produit tout près de chez nous prenne la route des Pays-Bas avant de revenir dans nos assiettes bretonnes ? »
Une réalité surprenante
Dans les plaines verdoyantes de Bretagne, là où pâturent des milliers de vaches laitières, on imagine que le beurre breton fait partie intégrante des circuits courts. Pourtant, dans un scénario digne d’un roman absurde, une partie de ce beurre parcourt des centaines de kilomètres jusqu’aux Pays-Bas avant de revenir en France. Cette situation, révélée récemment, soulève des questions sur l’organisation du marché du beurre et les paradoxes de l’économie globalisée.
Le beurre de La Mère Poulard : Une histoire qui commence en Bretagne… et passe par les Pays-Bas
C’est à Maen Roch, près du Mont-Saint-Michel, que La Mère Poulard produit ses célèbres biscuits au beurre. Pour ses recettes, cette biscuiterie consomme des milliers de tonnes de beurre chaque année. Mais depuis plusieurs mois, les camions qui livrent cet ingrédient clé ne viennent pas directement des fermes voisines, mais bien… des Pays-Bas.
La raison ? Un marché du beurre en tension, où les négociants internationaux ont pris le dessus sur les circuits locaux. Ironiquement, une partie de ce beurre provient de laiteries situées à quelques dizaines de kilomètres seulement du site de production, mais il transite par des plateformes logistiques aux Pays-Bas avant de revenir sur place.
Pourquoi un tel détour pour un produit local ?
Le cheminement du beurre breton via les Pays-Bas peut sembler illogique, mais il s’explique par plusieurs facteurs complexes :
- La spéculation et les intermédiaires
Sur le marché mondial, le beurre est un produit très prisé. Les grands négociants achètent en masse, regroupent les lots dans des hubs logistiques comme ceux des Pays-Bas, et revendent ensuite au plus offrant, y compris aux entreprises françaises. - Une demande croissante et des tensions d’approvisionnement
La consommation mondiale de beurre augmente, portée par une tendance aux produits plus naturels. Cette demande crée des tensions sur l’approvisionnement, forçant des entreprises comme La Mère Poulard à s’approvisionner par des circuits plus longs et coûteux. - La dépendance aux contrats internationaux
Les producteurs locaux vendent souvent leur beurre via des contrats à long terme avec des entreprises étrangères, limitant ainsi la disponibilité pour des acheteurs locaux comme La Mère Poulard.
Les impacts pour les entreprises locales
Cette situation a des conséquences directes sur les coûts et la durabilité des entreprises bretonnes. En ajoutant des intermédiaires et des kilomètres inutiles, le prix du beurre augmente, tout comme l’empreinte carbone associée à son transport. Pour une entreprise comme La Mère Poulard, qui met en avant la qualité artisanale et l’origine de ses produits, ce détour international pourrait aussi nuire à son image de marque.
Un paradoxe révélateur d’un système déconnecté
Ce « voyage » du beurre met en lumière les paradoxes d’un système agroalimentaire où la recherche de rentabilité prime sur le bon sens. Bien que la France soit l’un des premiers producteurs de lait et de beurre en Europe, ses entreprises sont parfois contraintes d’importer des produits locaux via l’étranger.
Vers une relocalisation des circuits ?
Face à ce constat, de nombreuses voix s’élèvent pour encourager une relocalisation des chaînes d’approvisionnement. En renforçant les partenariats directs entre producteurs locaux et entreprises, il serait possible de réduire ces aberrations logistiques tout en soutenant les agriculteurs français.
La Mère Poulard, de son côté, pourrait saisir cette opportunité pour revoir son modèle et devenir un exemple de transition vers des circuits courts et durables. Ce choix pourrait non seulement réduire ses coûts et son empreinte carbone, mais aussi valoriser encore davantage son ancrage local.
Une absurdité révélatrice des défis de l’économie globalisée
Le cas du beurre breton qui transite par les Pays-Bas avant de revenir en France illustre les dérives d’un système agroalimentaire globalisé. Il montre aussi l’urgence de repenser nos modèles économiques pour favoriser des circuits plus courts, plus durables, et plus respectueux de l’environnement.
Alors, la prochaine fois que vous dégusterez un biscuit au beurre breton, souvenez-vous de son incroyable périple… et imaginez un futur où ces aberrations n’existeront plus.