Question posée par Élise, 27 ans, assistante sociale à Nanterre : « Comment un élu de la République peut-il défendre les plus démunis tout en occupant indûment un logement social destiné à ceux que l’État abandonne ? »
Un appartement à Villiers-le-Bel et deux autres à son nom : Le paradoxe d’un élu insoumis
Carlos avait gravi les marches de l’Assemblée Nationale à pas sûrs, le poing levé, la voix chargée de colère contenue et de convictions flamboyantes. Élu député en juin 2022 sous la bannière de La France Insoumise, il incarnait pour beaucoup la promesse d’un renouveau. Fils d’immigrés congolais, éducateur engagé, il connaissait les quartiers populaires, les cités, les loyers impayés, la précarité, la débrouille et les files d’attente devant les guichets sociaux.
Mais au cœur de Villiers-le-Bel, une autre histoire s’écrivait, discrète, en marge des discours. Une histoire bien plus intime, qui allait brutalement émerger à la une des médias au printemps 2023.
Un logement social conservé après l’élection… et une sœur comme locataire officieuse
L’appartement en question, situé dans une résidence HLM de Villiers-le-Bel, n’avait rien d’extraordinaire. Trois pièces, un balcon étroit, et une porte d’entrée qui avait vu défiler bien des soucis familiaux. Carlos y avait vécu pendant plusieurs années, bien avant que la politique ne vienne bousculer son quotidien. Ce logement, attribué en tant que logement social, lui avait permis de s’installer dignement malgré des ressources modestes.
Mais en 2018, le jeune homme achète deux appartements. L’un dans la même commune, l’autre plus éloigné. Deux acquisitions qui allaient changer la donne.
Car selon la réglementation, un locataire de logement social ne peut pas être propriétaire de plusieurs biens immobiliers. Et surtout pas continuer à bénéficier d’un loyer modéré tout en possédant des logements privés… à fort potentiel locatif.
Le dilemme moral et juridique d’un élu de gauche
À l’Assemblée Nationale, il parlait avec passion de justice sociale. Il dénonçait les expulsions locatives, les marchands de sommeil, les spéculateurs immobiliers. Il posait des questions au gouvernement sur le mal-logement et les familles à la rue. Mais dans son dos, les rumeurs enflent. Carlos aurait gardé son logement HLM jusqu’en décembre 2022, six mois après son entrée au Palais Bourbon, alors même qu’il n’y résidait plus.
Pire encore : Selon les révélations de BFMTV, l’appartement aurait été occupé… par sa sœur.
Sous-location déguisée ? Détournement d’un bien public ? Violation des conditions du bail social ?
Les accusations fusent, les commentateurs s’en emparent. Certains crient à l’hypocrisie, d’autres à l’acharnement médiatique.
Une enquête préliminaire pour blanchiment, fraude et abus de confiance
En avril 2023, le parquet de Pontoise ouvre une enquête préliminaire. Les chefs d’accusation sont lourds : Fraude fiscale, blanchiment, abus de biens sociaux, sous-location illégale et manquement à la transparence de la vie publique. La Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique (HATVP) est saisie.
Dans un courrier confidentiel révélé par la presse, la HATVP signale des incohérences entre les déclarations de patrimoine de l’élu et les informations obtenues par l’administration fiscale. Les biens immobiliers n’auraient pas tous été déclarés en temps voulu. Quant à l’occupation effective du logement social, les versions divergent.
Carlos, de son côté, se défend. Il assure avoir prévenu son bailleur en 2019 de son changement de situation. Il affirme que sa sœur l’aidait à couvrir les frais, mais que le logement n’était pas réellement sous-loué.
Une affaire médiatisée à l’excès ou une faute morale ?
Pour Élise, assistante sociale à Nanterre, la révélation fait mal.
« J’ai des familles sur liste d’attente depuis cinq ans. Des femmes seules avec enfants dormant dans leur voiture. Des retraités en demande d’un studio depuis 2017. Alors oui, même un simple soupçon d’occupation injustifiée d’un logement social, ça me révolte. Surtout quand ça vient d’un député qui prétend les défendre. »
Dans les talk-shows, les débats s’enflamment.
À droite, on dénonce le double discours de La France Insoumise.
À gauche, certains appellent à la prudence, à ne pas juger sans preuves.
Carlos Martens Bilongo parle d’un « acharnement politique », d’une « cabale orchestrée contre un élu populaire », et évoque sa couleur de peau comme facteur de traitement médiatique différencié.
Un classement sans suite… mais un parfum persistant de scandale
En janvier 2025, l’enquête est classée sans suite. Le parquet estime que les éléments réunis ne permettent pas de caractériser une infraction pénale. Aucun procès, aucune condamnation.
Mais le mal est fait.
Dans l’opinion publique, le doute demeure.
Carlos n’a pas été reconnu coupable… mais pas tout à fait innocenté aux yeux de ses électeurs. Son image d’élu du peuple, intègre et proche des quartiers, a été écornée.
Et pour les milliers de Français qui peinent à obtenir un logement social, l’affaire a ravivé une colère sourde : Celle des inégalités face au logement et du sentiment d’injustice quand les représentants du peuple semblent en abuser.
Une fracture invisible mais tenace
Aujourd’hui encore, en traversant les rues de Villiers-le-Bel, certains désignent du doigt le bâtiment où vivait autrefois Carlos. D’autres détournent le regard. On parle à voix basse. On hésite à trancher. Est-il une victime d’un emballement médiatique ? Un opportuniste ayant profité d’un système qu’il critiquait ?
Dans les couloirs de l’Assemblée, il continue de voter, de proposer, de s’exprimer. Mais la tâche est là, indélébile, comme un rappel que même les plus ardents défenseurs de la justice sociale peuvent tomber dans les travers qu’ils dénoncent.
Car en politique, la frontière entre l’engagement sincère et l’intérêt personnel est parfois aussi mince qu’une ligne de bail non respectée.