Comment la psilocybine agit-elle sur les récepteurs de la dopamine pour réduire la dépendance à l'alcool ? Réponses dans cet article détaillé.

Champignons hallucinogènes : La psilocybine, nouvelle arme contre l’addiction à l’alcool ?

SANTE

Dans un laboratoire discret de l’Université de Picardie Jules Verne, à Amiens, une découverte scientifique pourrait bien bouleverser le monde de la psychiatrie et des neurosciences. Là-bas, le professeur Mickael Naassila et son équipe explorent un terrain que beaucoup n’auraient jamais imaginé : Utiliser des champignons hallucinogènes pour combattre l’addiction à l’alcool. Une piste longtemps marginalisée, aujourd’hui validée par des résultats expérimentaux saisissants.

Dans les couloirs de l’INSERM, les discussions vont bon train. Et pour cause : L’étude publiée dans la prestigieuse revue scientifique Brain lève enfin le voile sur les mécanismes d’action de la psilocybine, ce composé psychédélique extrait des champignons dits « magiques ». Une molécule qui pourrait devenir un allié inattendu pour des millions de personnes aux prises avec l’alcoolisme.

Une réduction de 50% de la consommation d’alcool : Une première scientifique

C’est au sein du Groupe de Recherches sur l’Alcool et les Pharmacodépendances (GRAP) que tout a commencé. Le professeur Naassila et ses collaborateurs ont testé la psilocybine sur des modèles murins dépendants à l’alcool.

Le protocole était rigoureux : Les rats, devenus accros à l’alcool par auto-administration, ont reçu une injection de psilocybine. Le résultat ? Une réduction de moitié de leur consommation d’alcool. Un chiffre qui n’a rien d’anecdotique.

Mais ce qui a le plus fasciné les chercheurs, c’est que cette diminution était étroitement liée à une région précise du cerveau : Le noyau accumbens gauche. Ce dernier, bien connu pour son rôle dans le circuit de la récompense et de la motivation, se retrouve aujourd’hui au cœur d’une avancée scientifique majeure.

Le mystère de la latéralisation cérébrale

Jusqu’à présent, on savait que le noyau accumbens jouait un rôle dans l’addiction. Mais cette étude révèle pour la première fois une latéralisation des effets de la psilocybine : Autrement dit, le côté gauche du noyau réagit différemment du côté droit.

Lorsqu’on injecte la psilocybine directement dans le noyau accumbens gauche, la consommation d’alcool diminue significativement. En revanche, la même injection dans le noyau accumbens droit reste sans effet.

Ce phénomène inattendu a poussé l’équipe à creuser davantage. Les analyses moléculaires ont montré des modifications de l’expression génétique spécifiques selon l’hémisphère cérébral. Certains gènes s’exprimaient plus fortement à gauche, d’autres à droite. En particulier :

  • Une diminution des récepteurs 5HT-2A de la sérotonine dans le noyau gauche.
  • Une augmentation de l’expression du gène BDNF (associé à la plasticité cérébrale) dans le noyau droit.

Ces découvertes ouvrent la voie à une compréhension plus fine des effets des psychédéliques sur le cerveau.

Le rôle clé des récepteurs 5HT-2A et D2

Pour aller plus loin, les chercheurs ont voulu vérifier si les effets anti-addiction de la psilocybine passaient bien par les récepteurs 5HT-2A, connus pour être à l’origine des hallucinations.

Ils ont alors utilisé la kétansérine, un bloqueur de ces récepteurs. Résultat sans appel : Lorsque la kétansérine était administrée dans le noyau accumbens gauche, la psilocybine perdait son effet sur la consommation d’alcool.

En parallèle, une autre piste s’est révélée prometteuse : L’action sur les récepteurs D2 de la dopamine. Ces récepteurs, souvent diminués chez les personnes dépendantes à l’alcool, voyaient leur expression augmenter après l’administration de psilocybine. Cette restauration pourrait contribuer à rééquilibrer le système dopaminergique, réduisant ainsi le besoin compulsif d’alcool.

Des perspectives révolutionnaires pour le traitement de l’alcoolisme

Ces résultats sont porteurs d’un espoir immense. En ciblant spécifiquement le noyau accumbens gauche et en agissant sur des récepteurs clés de la sérotonine et de la dopamine, la psilocybine offre une approche radicalement nouvelle du traitement de l’alcoolisme.

Le professeur Mickael Naassila résume ainsi l’enjeu :

« Nos résultats démontrent que la psilocybine agit différemment sur l’expression des gènes selon l’hémisphère cérébral. Et que, dans le cerveau, c’est particulièrement le noyau accumbens gauche qui est impliqué dans la réduction de la consommation d’alcool. »

Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Les chercheurs veulent désormais explorer si ce phénomène de latéralisation se retrouve avec d’autres psychédéliques comme le LSD ou la DMT. De nouvelles études en perspective, qui pourraient élargir le champ des thérapies basées sur les psychédéliques.

Un changement de paradigme en psychiatrie ?

Longtemps diabolisés, les psychédéliques font un retour en force dans la recherche médicale. Ce travail sur la psilocybine illustre parfaitement cette révolution en cours.

Encore faut-il, bien sûr, passer des modèles animaux aux essais cliniques chez l’homme. Mais les premiers signaux sont encourageants : La réduction de moitié de la consommation d’alcool chez les rats est un indicateur fort de l’efficacité potentielle de la molécule.

Dans un monde où l’alcoolisme fait des ravages — en France, on estime que près de 5 millions de personnes souffrent de troubles liés à l’alcool — une nouvelle voie thérapeutique est plus que bienvenue.

Vers un futur sans alcoolisme grâce aux champignons hallucinogènes ?

Le chemin reste long, mais l’étude du professeur Naassila marque un tournant. En démontrant l’effet ciblé de la psilocybine sur le noyau accumbens gauche et ses impacts sur les circuits neuronaux de la dépendance, elle pose les bases d’une nouvelle génération de traitements.

À l’heure où la science réhabilite peu à peu les psychédéliques, qui sait ? Peut-être que demain, une simple molécule issue d’un champignon magique permettra de libérer des millions de personnes de l’enfer de l’alcoolisme.

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