Ce matin-là, j’avais décidé de commencer ma journée par une promenade apaisante dans les sous-bois, mon fidèle labrador, Oslo, trottinant joyeusement à mes côtés, libre de sa laisse comme à son habitude. Le chant des oiseaux, les rayons du soleil à travers les feuillages, tout semblait parfait… jusqu’à ce qu’un garde forestier s’approche, l’air grave, et m’explique que cette liberté canine pouvait bientôt me coûter très cher. J’étais abasourdie. Pourquoi cette interdiction soudaine ? Quels dangers cela représente-t-il ? Quelles sont les nouvelles règles, et pourquoi visent-elles précisément cette période ? Est-ce une simple mesure administrative, ou y a-t-il des raisons écologiques profondes ?

Il était encore tôt ce matin-là, quand la brume légère caressait les cimes des arbres de la forêt de Brocéliande. Le silence n’était troublé que par le chant discret des mésanges charbonnières et le bruissement des feuilles mortes sous les pas d’Élodie. Comme chaque matin, elle s’accordait un moment de sérénité loin de l’agitation urbaine, accompagnée de son fidèle compagnon Oslo, un labrador noir au pelage lustré, curieux de tout, libre comme le vent, galopant devant elle sans laisse, sans contrainte.
Mais ce matin-là, la nature lui réservait une autre forme de réveil.
Au détour d’un sentier, un agent de l’Office national des forêts (ONF) l’interpella avec calme, mais fermeté. Il pointa du doigt Oslo, qui farfouillait dans un buisson, nez au sol, museau frétillant d’excitation. « Madame, vous êtes en infraction. Votre chien devrait être tenu en laisse. »
Élodie fronça les sourcils. Une infraction ? En forêt ? Son Oslo ne faisait de mal à personne, bien au contraire… Il respirait, courait, vivait. Alors pourquoi une telle interdiction ?
Le printemps : Saison de la vie… et de la vigilance
Du 15 avril au 30 juin, chaque année, la forêt change de rythme. C’est le printemps, et avec lui, l’explosion silencieuse de la vie sauvage. Chevreuils, renards, marcassins, lièvres, oiseaux nicheurs : Tous profitent de cette période cruciale pour mettre bas, couver, nourrir et protéger leurs petits. La forêt devient alors une immense nurserie naturelle où le moindre dérangement peut virer à la tragédie.
Et c’est précisément là que réside le cœur de la nouvelle réglementation.
L’ONF, en concertation avec les préfectures, a décidé de renforcer les contrôles et les sanctions pour les promeneurs qui laissent leurs chiens vagabonder librement en forêt pendant cette période critique. Jusqu’ici tolérée dans certaines régions, cette pratique devient désormais une infraction passible d’une amende de 750 €, conformément à l’article R.610-5 du Code pénal.
Pourquoi cette mesure semble-t-elle si soudaine ?
Elle ne l’est pas vraiment. Depuis plusieurs années, les agents forestiers et les associations de protection de la nature tirent la sonnette d’alarme. Trop de chiens, même bien élevés, se laissent guider par leur instinct. Ils flairent une piste, bondissent dans un buisson, et peuvent, sans le vouloir, effrayer une biche en train de mettre bas, écraser un nid d’oiseaux dissimulé au sol, ou pousser une mère renard à abandonner sa portée sous la pression du stress.
Ces perturbations, invisibles aux yeux du grand public, ont pourtant un effet dramatique sur la reproduction des espèces sauvages, déjà fragilisées par l’urbanisation, la pollution et le dérèglement climatique.
Une question de bon sens… et de responsabilité
Élodie, perplexe, pose des questions au garde forestier. Pourquoi Oslo, ce chien si doux, si obéissant, devrait-il être tenu en laisse dans un espace aussi vaste ? Le garde, patient, lui raconte plusieurs cas vécus.
Un chien lancé à toute vitesse après une odeur inconnue a traversé une zone de nidification protégée, détruisant plusieurs nids de courlis cendrés, une espèce en voie de disparition. Un autre, joueur, a provoqué la fuite précipitée d’une chevrette et de son faon, retrouvé mort quelques jours plus tard, sans sa mère. Et que dire des terriers abandonnés par des blairelles trop stressées pour revenir allaiter leurs petits ?
Ces anecdotes ne sont pas des exceptions. Elles se répètent chaque printemps dans toute la France.
Une liberté à deux vitesses
Ce qui choque Élodie, comme tant d’autres, c’est que la forêt est perçue comme un lieu de liberté. Elle croit offrir à son chien un espace pour courir, se défouler, explorer… mais cette liberté se heurte à celle des autres : Celle des animaux sauvages, discrets, invisibles, mais bien présents.
C’est un équilibre délicat. Laisser un chien en liberté, même s’il reste près de son maître, c’est prendre le risque qu’il dérange un cycle vital millénaire. Un seul aboiement peut faire fuir un oiseau nicheur. Une course joyeuse peut mettre fin à une maternité fragile.
Une réglementation qui se généralise
Désormais, dans toutes les forêts publiques françaises, la règle est claire : Du 15 avril au 30 juin, tous les chiens doivent obligatoirement être tenus en laisse, même s’ils sont réputés inoffensifs.
Cette obligation est valable même sur les sentiers balisés, et dans les zones non protégées par arrêté préfectoral spécifique. Ce n’est plus une question de bon vouloir, mais une obligation légale.
Les contrevenants s’exposent à une contravention de 4e classe, pouvant aller jusqu’à 750 €, sans compter les remarques désagréables — ou la honte de croiser le regard d’un garde forestier avec un sourire forcé et un carnet de procès-verbal en main.
Les alternatives pour respecter la règle… sans frustrer son chien
Élodie, comme beaucoup de propriétaires de chiens, veut bien faire. Mais elle se demande comment promener Oslo sans le frustrer. Voici quelques conseils qui lui sont donnés :
- Utiliser une longe : Une laisse de 5 à 10 mètres permet à l’animal de profiter d’un espace de semi-liberté tout en restant sous contrôle.
- Favoriser les caniparcs et plages canines pendant cette période.
- Travailler le rappel en laisse pour renforcer l’obéissance, même à distance.
- Opter pour des balades en dehors des forêts naturelles, comme les chemins agricoles, les parcs urbains, ou les sentiers côtiers balisés.
Une prise de conscience collective
Alors qu’elle regagnait sa voiture, Oslo désormais attaché à une belle longe bleue, Élodie n’était plus fâchée. Elle était informée, consciente, presque reconnaissante. Elle comprenait qu’il ne s’agissait pas d’un caprice administratif, mais d’un geste concret pour préserver ce monde sauvage qu’elle aimait tant.
Elle promit à elle-même de sensibiliser ses amis propriétaires de chiens. Car l’information est la première des protections. Et si promener son chien en forêt est un droit, respecter les cycles de la nature est un devoir.
Moralité : Entre liberté canine et respect de la biodiversité, il ne tient qu’à nous de trouver le juste équilibre. La laisse ne lie pas seulement le chien à son maître. Elle relie aussi l’humain à la nature.