Éléonore : « Est-il possible qu’en Belgique, des adolescents aient reçu une aide à mourir simplement parce qu’ils étaient mal dans leur peau, comme l’affirme François Bayrou ? Cette question me hante, et je veux comprendre la réalité derrière ces affirmations… »
Lorsque le Premier ministre François Bayrou a évoqué sur le plateau de LCI que des adolescents belges avaient reçu une aide à mourir « simplement parce qu’ils étaient mal dans leur peau« , ses propos ont fait grand bruit. Pourtant, ces affirmations ne reflètent pas la réalité de la législation belge sur l’euthanasie. Plongez dans les textes de loi et les faits pour comprendre cette question sensible qui soulève des débats passionnés.
Une affirmation controversée et ses répercussions
François Bayrou, lors d’une intervention télévisée, a affirmé que la Belgique permettait à des mineurs de recourir à l’euthanasie pour des raisons aussi banales que des problèmes psychologiques. Ces propos ont été rapidement démentis par plusieurs spécialistes et responsables belges, dont Jacqueline Herremans, présidente de l’Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité (ADMD) belge.
La législation belge, adoptée en 2014, est effectivement l’une des rares au monde à inclure les mineurs. Cependant, elle est strictement encadrée et ne concerne que des cas très précis de maladies incurables avec une espérance de vie extrêmement courte. Il est donc inexact de prétendre qu’elle autorise l’euthanasie pour des motifs psychiatriques chez les mineurs.
La loi belge : Un cadre strict pour une question sensible
La loi belge sur l’euthanasie prévoit des conditions très strictes pour les mineurs. Tout d’abord, seules les maladies incurables évoluant vers une issue fatale à court terme peuvent justifier une telle demande. En pratique, ces pathologies incluent des cancers avancés ou des maladies neurologiques graves. Les jeunes patients concernés ne peuvent souvent plus aller à l’école, ni vivre normalement dans leur foyer, leur quotidien étant dominé par des douleurs insoutenables.
Contrairement aux Pays-Bas, qui fixent une limite d’âge à 12 ans, la Belgique ne définit pas d’âge minimal. Cependant, une évaluation stricte de la « capacité de discernement » est obligatoire. Cette évaluation, réalisée par un pédopsychiatre ou un psychologue, est cruciale : Si le professionnel juge que le mineur ne comprend pas pleinement la portée de sa demande, la procédure s’arrête immédiatement. De plus, l’accord des deux parents est requis, et une opposition de l’un d’entre eux suffit à bloquer la demande.
Les chiffres : Six cas en dix ans
Depuis l’entrée en vigueur de la loi en 2014, seulement six mineurs ont été concernés par une euthanasie en Belgique. Ces cas, rarissimes, impliquaient tous des enfants ou adolescents atteints de maladies incurables avec une brève échéance de vie. Cela contraste fortement avec les propos alarmants de François Bayrou, qui laissaient entendre une pratique bien plus fréquente et moins encadrée.
Dans ces situations, les jeunes patients et leurs familles vivent des épreuves extrêmement douloureuses. L’euthanasie est perçue comme un moyen de soulager des souffrances insoutenables dans des contextes où aucune autre solution médicale ne peut offrir une amélioration.
Euthanasie et affections psychiatriques : Un traitement différent
En Belgique, les affections psychiatriques peuvent effectivement être un motif d’euthanasie, mais uniquement pour les personnes majeures. En 2023, sur 3 423 euthanasies réalisées dans le pays, seulement 48 concernaient des pathologies psychiatriques. Ces cas font l’objet de procédures encore plus longues et complexes, avec l’intervention obligatoire de plusieurs psychiatres et une concertation approfondie entre les professionnels de santé.
Pour les mineurs, cependant, les affections psychiatriques ne sont pas un critère admissible. La loi est explicite : Seules les maladies physiques graves et incurables, avec une dégradation irréversible de la santé, peuvent être invoquées. Cette distinction est essentielle pour éviter les amalgames.
Une déclaration qui suscite la controverse
Les propos de François Bayrou ont suscité de vives réactions. Jonathan Denis, président de l’ADMD en France, a accusé le Premier ministre de « manipuler le débat » en relayant des informations inexactes. Jacqueline Herremans, présidente de l’ADMD belge, a également réagi en rappelant que les professionnels de santé appliquent cette loi avec une grande rigueur et humanité.
De son côté, Elio Di Rupo, ancien Premier ministre belge, a qualifié ces propos de « contre-vérité choquante« , soulignant qu’ils étaient « méprisants pour les soignants belges« . Ces derniers mènent, selon lui, leur mission avec un profond respect des patients et de leur dignité.
Un débat complexe mais nécessaire
L’euthanasie, particulièrement pour les mineurs, reste un sujet éminemment sensible qui soulève des questions éthiques profondes. Si les lois belges permettent cette pratique dans des cas exceptionnels, elles sont loin de l’image simpliste et alarmiste parfois relayée dans les débats publics.
Il est essentiel que ce sujet, qui touche à la dignité humaine et aux choix personnels, soit abordé avec précision et respect. La propagation de fausses informations risque de parasiter un débat déjà complexe et d’éloigner les discussions de leur véritable objectif : Trouver un équilibre entre compassion, dignité et cadre législatif rigoureux.