Comment un homme respecté, ancien avocat de renom et sénateur de la République, a-t-il pu se retrouver au cœur d’un scandale mêlant pouvoir, sexe et logement social à Paris ?
Une respectabilité en trompe-l’œil : Le double jeu de Francis Szpiner
Il est de ces hommes dont le nom résonne dans les couloirs feutrés des palais de justice et les salons cossus de la République. Francis Szpiner, sénateur LR, ancien maire du très chic 16e arrondissement de Paris, avocat de grands procès médiatiques – un homme en apparence irréprochable. Un pilier du système républicain, une incarnation du savoir-faire politique à la française, un défenseur du droit dans ce qu’il a de plus noble. Et pourtant…
Ce 17 avril 2025, une information exclusive publiée par BFMTV vient faire vaciller cette statue de bronze que l’on croyait indéboulonnable. Le sénateur est désormais soupçonné d’avoir attribué un logement social… contre des faveurs sexuelles. Une phrase à peine croyable, tant l’accusé semblait au-dessus de tout soupçon. Et pourtant, l’enquête judiciaire, discrète mais avancée, commence à lever le voile sur une affaire à la fois sordide et symptomatique d’un système à bout de souffle.
Le visage public du pouvoir
Francis Szpiner, né en 1954, a bâti sa réputation dans les prétoires, à coups de dossiers sensibles, de plaidoiries brillantes et de clientèles prestigieuses. Il défendait, autrefois, les plus grands. Il fut l’avocat de Jacques Chirac, mais aussi celui de victimes du terrorisme. Il brillait, disaient certains, d’une arrogance conquérante et d’un charisme froid. Il inspirait le respect, parfois la crainte, rarement la tendresse.
En 2020, il prend la tête du très conservateur 16e arrondissement de Paris, bastion des familles fortunées et du vote de droite traditionnelle. Puis il accède au Sénat, investi par Les Républicains. Là encore, il poursuit sa carrière avec discrétion, jusqu’à cette plainte, déposée dans le silence des couloirs de la justice.
Le signalement qui a tout fait basculer
Tout commence à l’été 2023. Une femme, que l’on prénommera Camille dans cet article, franchit les portes du commissariat avec un trouble étrange dans le regard. Elle hésite, revient sur ses mots, mais finit par raconter l’indicible : Elle aurait obtenu un logement social dans le 16e arrondissement – un miracle en soi – en échange de ce qu’elle nomme pudiquement des « moments d’intimité » avec Monsieur le Maire.
Le policier qui l’écoute pense d’abord à une mauvaise blague, ou à une vengeance personnelle. Pourtant, Camille revient, apporte des éléments, des messages, un enregistrement audio. Elle affirme avoir eu plusieurs rencontres avec Szpiner, dans un appartement discret, loin de l’hôtel de ville. Elle parle d’un « pacte tacite« , jamais écrit, mais explicite.
Le logement du scandale
Il s’agit d’un appartement de type T2, situé rue Michel-Ange, dans un immeuble appartenant à la Régie Immobilière de la Ville de Paris (RIVP). Camille y a emménagé en mars 2023. Le dossier de demande avait été rejeté deux fois avant d’être miraculeusement relancé en commission d’attribution, après une intervention qualifiée d’ »exceptionnelle » dans les registres internes de la mairie.
Un fonctionnaire, interrogé par les enquêteurs, dira plus tard : « Ce logement, jamais il n’aurait dû être attribué aussi rapidement, surtout dans ce secteur. » D’autres employés parleront d’un « climat de peur« , d’ordres reçus sans explication. On obéissait, sans poser de questions.
Le début de l’enquête judiciaire
Alerté par le signalement de Camille, le parquet de Paris ouvre une enquête préliminaire. L’affaire est sensible. Elle touche un homme puissant, aguerri aux rouages judiciaires. Mais les premiers éléments semblent crédibles. L’enquête est confiée à la brigade de répression de la délinquance contre la personne (BRDP), spécialisée dans les affaires d’abus d’autorité.
Des écoutes sont lancées. Le téléphone de Szpiner est mis sous surveillance. Ses déplacements sont analysés. Plusieurs femmes sont identifiées comme ayant bénéficié de logements à la même période, dans le même arrondissement. L’hypothèse d’un système plus vaste prend corps.
D’autres femmes, d’autres histoires ?
Une ancienne collaboratrice, Sophie, accepte de témoigner sous couvert d’anonymat : « J’ai toujours senti que certaines attributions ne suivaient pas la procédure habituelle. On m’a demandé une fois de ne pas mentionner un nom dans le procès-verbal d’une commission. C’était louche. »
Une autre femme, Nadia, affirme avoir été contactée par un proche du maire après avoir postulé pour un logement : « Il m’a dit qu’il pouvait faire avancer mon dossier si j’étais “ouverte d’esprit”. J’ai refusé. » Pour le moment, ces témoignages ne sont pas encore étayés par des preuves concrètes, mais ils renforcent l’idée d’un climat malsain.
La défense du sénateur
Interrogé par BFMTV, Francis Szpiner dément catégoriquement les faits : « Ces allégations sont fausses, calomnieuses. J’ai toujours agi dans le strict respect de la loi. » Il se dit victime d’un complot politique et refuse de démissionner.
Mais l’opinion publique s’enflamme. Sur les réseaux sociaux, les hashtags #SzpinerGate et #JusticePourCamille deviennent viraux. L’opposition municipale réclame la levée de son immunité parlementaire. À l’Assemblée, certains élus LR affichent un malaise palpable. En coulisses, on murmure que le parti pourrait lui retirer son investiture aux prochaines élections.
Une affaire révélatrice
Au-delà de l’affaire Szpiner, ce scandale jette une lumière crue sur le pouvoir quasi absolu dont disposent certains élus dans l’attribution des logements sociaux. Des logements censés aider les plus modestes, et qui deviennent, dans l’ombre, des monnaies d’échange.
Combien d’autres dossiers ont été manipulés ? Combien de citoyens ont été laissés sans toit, parce qu’ils n’avaient pas les « bons contacts » ou les « bons atouts » ? Le scandale Szpiner n’est peut-être que l’arbre qui cache la forêt.
Et maintenant ?
Francis Szpiner n’a pas encore été mis en examen, mais l’enquête progresse. Camille, de son côté, dit vouloir tourner la page : « Je ne veux pas de vengeance. Je veux juste que ça n’arrive plus jamais à personne. »
La justice tranchera. Mais une chose est sûre : Cette affaire marquera un tournant. Elle est le reflet d’un système politique trop souvent gangrené par l’impunité, et d’une société qui réclame, enfin, des comptes à ceux qui détiennent le pouvoir.