« Pourquoi le royaume du Maroc a-t-il décidé d’investir près de 800 millions d’euros dans l’achat de 18 trains à grande vitesse Alstom, et que signifie ce financement assuré par la France pour l’avenir du rail au Maghreb ? »
Le rugissement silencieux du progrès : Quand le Maroc s’offre 18 trains à grande vitesse avec l’aide de la France
Le ciel était clair au-dessus de Rabat ce matin-là. Le soleil, fidèle à lui-même, inondait l’esplanade du ministère des Transports d’une lumière dorée. Les couloirs bruissaient de conversations feutrées. Un vent chaud venu du désert passait sur les ambitions d’un royaume en mouvement. Sur la table ovale, un contrat. Pas un simple bout de papier. Non. Un pacte. Une déclaration. Une vision.
Le 27 mars 2025, le Maroc a confirmé une commande historique : 18 trains à grande vitesse auprès du géant industriel français Alstom, pour un montant total de 781 millions d’euros. À la manœuvre, une alliance diplomatique et technologique entre Rabat et Paris, qui redessine la carte du rail en Afrique du Nord. Ces rames, de type Avelia Horizon, représentent bien plus qu’un achat : Elles incarnent une stratégie de puissance douce, une vision du futur à 320 km/h.
TGV et diplomatie : Une histoire de rails et d’influence
Loin d’être anecdotique, le financement de cette commande par la France révèle une volonté stratégique : Celle de consolider les liens économiques, politiques et technologiques entre les deux pays. Ce prêt, officiellement accordé par l’Hexagone dans le cadre d’un accord de coopération ferroviaire signé en octobre 2024, intervient dans un contexte de compétition croissante avec d’autres partenaires internationaux, notamment la Chine, l’Espagne et la Corée du Sud.
Mais pourquoi le Maroc mise-t-il autant sur le ferroviaire ? Pour le comprendre, il faut s’éloigner des chiffres, et écouter les récits.
À Tanger, dans le regard d’un jeune ingénieur posté en bout de quai, il y a plus que de la fierté : Il y a la conscience que l’avenir de son pays se joue aussi sur des rails. Pour lui, ces 18 nouvelles rames ne sont pas qu’un confort de plus pour les voyageurs. Ce sont des promesses d’emplois, de transfert de technologie, de réduction des émissions de CO2, de désenclavement de territoires parfois oubliés.
Du Nord au Sud : La LGV Tanger-Marrakech entre dans une nouvelle ère
Avec ses trains flambants neufs, le Maroc entend relier Tanger à Marrakech en grande vitesse. Aujourd’hui, ce trajet de plus de 560 kilomètres demande plus de huit heures par voie classique. Grâce aux Avelia Horizon, ce temps pourrait être réduit de moitié.
Cette extension s’inscrit dans le prolongement du projet Al Boraq, premier TGV africain inauguré en 2018 entre Tanger et Kénitra, devenu un symbole d’innovation. Le royaume souhaite désormais tisser une toile de lignes à grande vitesse pour relier les grandes villes du pays, avec une ambition : Que 87% de la population marocaine soit desservie par le rail d’ici 2040.
Les Avelia Horizon : Une technologie au service de l’Afrique
Les rames commandées sont issues de la gamme Avelia Horizon, la même que celle du futur TGV M de la SNCF. Conçues pour consommer 20% d’énergie en moins et offrir 20% de capacité en plus, ces rames sont un concentré de technologie. Silencieuses, aérodynamiques, dotées de moteurs nouvelle génération et d’une interopérabilité accrue, elles symbolisent ce que l’industrie française produit de plus avancé.
Mais ce qui fait la singularité de cette commande, c’est aussi sa logique d’adaptation : Alstom devra concevoir des trains capables de résister aux températures extrêmes du désert, à la poussière du chergui, tout en assurant une climatisation performante pour le confort des voyageurs.
Un financement stratégique, à forte valeur symbolique
La France ne s’est pas contentée de vendre des trains. Elle les finance. Ce soutien prend la forme d’un prêt de 781 millions d’euros octroyé au Maroc, démontrant une volonté politique d’accompagner son développement. Ce n’est pas la première fois que Paris soutient un projet ferroviaire marocain — elle avait déjà participé au financement du TGV Tanger-Kénitra.
Pourquoi un tel engagement ? Parce que la diplomatie économique française trouve dans le rail un levier d’influence efficace, mêlant soft power, coopération industrielle et rayonnement de son savoir-faire.
Une ligne pour le futur… et pour 2030
L’échéance n’est pas anodine : En 2030, le Maroc coorganisera la Coupe du monde de football avec l’Espagne et le Portugal. D’ici là, il s’agira d’avoir une infrastructure de transport moderne, rapide et efficace pour accueillir les millions de visiteurs attendus. Cette ligne à grande vitesse devient donc une artère stratégique, autant pour l’économie que pour l’image du pays.
Vers un futur interconnecté : Plus que 18 trains… une ambition continentale
Cette commande n’est qu’une pièce d’un puzzle bien plus grand : Dans les mois à venir, le Maroc prévoit d’acquérir 150 trains supplémentaires via des accords avec l’Espagne et la Corée du Sud.
L’objectif ? Couvrir l’ensemble du pays avec un maillage ferroviaire dense, moderne et connecté.
Imaginez une Afrique du Nord où l’on pourrait aller de Casablanca à Alger, de Rabat à Tunis en train à grande vitesse. Utopie ? Peut-être pas. Le Maroc semble vouloir jouer un rôle moteur dans cette transformation du continent.
Quand le rail devient le miroir du progrès
Alors que les premières rames Alstom sortiront des usines françaises d’ici trois ans, une certitude demeure : Cette commande est bien plus qu’un contrat. C’est un signal. Celui d’un royaume qui regarde vers l’avenir. D’un partenariat franco-marocain qui résiste au temps. Et d’un train qui, bientôt, filera à toute allure dans les paysages arides du Maghreb, portant avec lui les rêves d’un pays en mouvement.