Clémentine : « Peut-on vraiment faire avancer l’écologie en méprisant à ce point ceux qui nous nourrissent ? »
Un vendredi matin de juillet, dans une France en pleine torpeur estivale, une phrase éclate dans les médias comme un coup de tonnerre sur une plaine de blé mûr. Sur le plateau de la Contre-Matinale du Média, Sandrine Rousseau, figure incontournable de l’écologie politique, lance froidement, sans trembler :
« J’en ai rien à péter de la rentabilité des agriculteurs. »
Ni gaffe, ni lapsus. Non. Une déclaration assumée, revendiquée même, qui vient poser à plat un conflit qui gronde depuis des années : Celui entre écologie militante et modèle agricole intensif.
Une phrase, une fracture
La scène, filmée dans une ambiance sobre et engagée, fait rapidement le tour des réseaux sociaux. Les agriculteurs hurlent à l’insulte. Les militants écolos applaudissent ou s’interrogent. Les éditorialistes s’en emparent comme d’un os à ronger.
Mais derrière cette formule à l’emporte-pièce se cache un combat bien plus vaste. Sandrine Rousseau s’exprimait sur la loi Duplomb, texte récemment voté à l’Assemblée, qui vise à assouplir certaines normes environnementales en matière d’usage des pesticides. Cette loi a provoqué un tollé chez les Verts, qui y voient un recul écologique majeur.
Rousseau dénonce également l’usage de l’acétamipride, un pesticide néonicotinoïde suspecté d’effets graves sur la santé humaine et la biodiversité, notamment les abeilles. Pour elle, c’est clair :
« C’est le chlordécone d’aujourd’hui. »
Une rentabilité “sale” selon Rousseau
Mais ce n’est pas tant la critique des pesticides qui choque que le mépris apparent de la rentabilité agricole, dans un pays où un agriculteur sur cinq vit sous le seuil de pauvreté, où les suicides dans la profession sont deux fois plus fréquents que dans la moyenne nationale, et où les petites exploitations s’effondrent sous le poids des dettes et de la pression des marchés.
« La rentabilité qui repose sur l’empoisonnement des sols, de la biodiversité et de notre santé, ce n’est pas de la rentabilité, c’est de l’argent sale », insiste-t-elle, face caméra.
L’agriculture française : Au cœur d’un dilemme
Les chiffres sont là. En 2023, plus de 50 % des agriculteurs français affirmaient ne plus pouvoir vivre dignement de leur métier. Pourtant, la majorité des exploitants continuent de produire avec des méthodes conventionnelles, souvent contraintes par la concurrence internationale et le prix dérisoire du marché.
Ce que Rousseau semble ignorer, ou balayer d’un revers de main, c’est cette réalité économique brutale. Pour beaucoup de paysans, renoncer aux pesticides sans accompagnement financier, c’est signer leur arrêt de mort.
Un affront direct à la FNSEA
La déclaration est aussi perçue comme un affront à la FNSEA, syndicat majoritaire du monde agricole, souvent accusé de défendre une agriculture productiviste à tout prix. Rousseau ne cache pas son mépris :
« La FNSEA a un pouvoir absolument délirant. Ce sont eux qui dictent les lois, et ce sont eux qui tiennent le pouvoir. »
Un propos qui résonne chez les écologistes radicaux, mais qui hérisse le poil des cultivateurs et des députés de la majorité. Car dans cette guerre des mots, les lignes de front sont clairement tracées.
La réponse politique : Embarras et silence
Du côté du gouvernement, la gêne est palpable. La loi Duplomb, portée par des députés Renaissance et soutenue par Marc Fesneau, ministre de l’Agriculture, avait pour objectif d’« adapter la législation aux réalités du terrain », selon ses promoteurs. Loin de l’écologie punitive, affirment-ils, il s’agissait de réconcilier compétitivité et transition écologique.
Mais face à la sortie de Rousseau, l’exécutif reste coi. Pas de réaction officielle. Pas de condamnation. Comme si le sujet était devenu, soudainement, trop explosif.
Et maintenant ? Vers une écologie de rupture
Sandrine Rousseau, de son côté, assume. Son écologie est intransigeante, radicale, anticapitaliste. Elle veut repenser le modèle de production alimentaire, le rapport au vivant, la consommation. Et si cela passe par des mots brutaux, qu’il en soit ainsi.
« Il faut sortir de la logique de “toujours plus” qui détruit nos terres, notre santé et notre avenir. »
Ce positionnement, s’il divise, séduit aussi une partie de la jeunesse urbaine, déconnectée du monde rural mais avide de justice climatique.
Une fracture culturelle de plus en plus profonde
Cette affaire révèle une fracture culturelle majeure : Entre les campagnes qui peinent à survivre et une écologie politique souvent urbaine, théorique, parfois déconnectée du réel. Entre ceux qui sèment et ceux qui veulent tout repenser. Entre le monde d’avant et celui qu’on tente de bâtir dans l’urgence climatique.
Un simple coup de gueule… ou un tournant politique ?
La phrase de Sandrine Rousseau n’est pas seulement une provocation. Elle incarne la collision frontale entre deux modèles de société : Celui qui croit encore à la productivité agricole comme pilier de souveraineté, et celui qui refuse tout compromis avec le vivant.
À chacun de juger si cette rupture est nécessaire… ou dangereusement clivante.