Entre respect des coutumes et principes de laïcité, le voile d’Aude Lagarde dans une mosquée crée un débat national.

Meurtre dans le Gard : La Maire de Drancy se présente voilée à la mosquée pour un hommage

POLITIQUE

Une matinée d’avril sous haute tension

Le vent soufflait doucement sur les faubourgs de Drancy ce matin-là, caressant les façades uniformes des immeubles et faisant danser les feuilles mortes au sol. Dans la salle des pas perdus de l’hôtel de ville, Aude Lagarde, la maire, s’apprêtait à franchir une ligne que bien peu d’élus avaient osé franchir avant elle. Non pas une ligne juridique. Une ligne symbolique. Intime. Puissante. Celle qui sépare la République laïque des gestes de compassion empruntés aux rites religieux.

Le meurtre d’Aboubakar Cissé, un jeune homme de 22 ans, Malien, poignardé en pleine prière dans une mosquée du Gard quelques jours auparavant, avait bouleversé les habitants de Drancy. La communauté musulmane, nombreuse dans cette ville de Seine-Saint-Denis, avait organisé un hommage symbolique. La cérémonie aurait lieu dans la grande mosquée, sous la coupole turquoise, au cœur du quartier du Petit Drancy.

Et Aude Lagarde, maire de la ville depuis 2017, épouse du député Jean-Christophe Lagarde, avait décidé d’y participer. Mais pas comme on s’y attendait.

Le voile islamique, ce tissu qui déclenche les tempêtes

Il était 11h03. Tous les regards s’étaient tournés vers l’entrée principale de la mosquée. Dans un silence presque religieux, Aude Lagarde est apparue, drapée dans un voile islamique noir sobre, couvrant ses cheveux et son cou, comme le veut la tradition musulmane pour les femmes entrant dans un lieu de culte.

Certains ont cru rêver. D’autres ont baissé les yeux, gênés. Et d’autres encore ont immédiatement dégainé leurs smartphones pour immortaliser l’instant.

« Je n’ai pas porté ce voile par soumission, mais par respect », déclara-t-elle plus tard. Mais à ce moment précis, aucun mot n’avait été prononcé. Juste une présence, un geste fort, un symbole.

L’hommage à Aboubakar : Entre recueillement et fracture

Aboubakar Cissé n’était pas un homme public. Ni un militant. Ni un prêcheur. Il était un simple croyant. Étudiant, discret, il préparait un BTS en maintenance industrielle dans un lycée du Vaucluse. Son destin tragique l’avait propulsé au cœur d’une tempête politico-médiatique nationale.

L’assassin ? Un homme de 34 ans, déjà connu pour troubles psychiatriques, sans mobile clair. La procureure de la République de Nîmes a rapidement écarté la piste islamophobe. Et pourtant, dans la rue, sur les réseaux sociaux, et dans les mosquées, beaucoup restaient persuadés que la religion d’Aboubakar avait pesé dans sa mort.

À Drancy, l’émotion s’était cristallisée. La cérémonie d’hommage devint un moment charnière. Les tapis de prière couvraient le sol. Les pleurs étouffés fusaient. Et au centre, la silhouette voilée d’Aude Lagarde, debout, impassible, résonnait comme une dissonance dans le paysage républicain.

L’explosion médiatique

Il ne fallut que quelques heures pour que la polémique éclate.

« La maire de Drancy a piétiné la laïcité ! »
— Tweeta un député LR.

« Honte à elle ! Un élu de la République n’a pas à se plier aux dogmes religieux ! »
— S’indigna une chroniqueuse bien connue des plateaux de CNews.

D’autres, au contraire, saluèrent le courage de son geste :

« Dans un monde où tout divise, un tissu peut parfois rassembler. »
— écrivit une journaliste du JDD.

Sur Facebook, TikTok, X (ex-Twitter), les images de la maire voilée firent le tour du pays. Drancy devint malgré elle l’épicentre du débat sur le port du voile islamique, la laïcité, l’hypocrisie des élites, et les limites du vivre-ensemble.

La maire s’explique

Le soir même, Aude Lagarde convoqua une conférence de presse.

Sous les flashes crépitants, elle déclara avec calme :

« Je suis maire de tous les Drancéens. Je suis aussi une femme. Une citoyenne. Aujourd’hui, j’ai choisi de respecter un lieu, une douleur, un silence. Je n’ai pas renoncé à la République. J’ai incarné sa promesse d’égalité et de fraternité. »

Mais ses mots n’ont pas apaisé tout le monde. Certains y virent une tentative de récupération politique. D’autres y virent de l’opportunisme, en pleine année préélectorale. D’autres encore, une provocation délibérée à l’égard des défenseurs de la laïcité stricte.

Une France fracturée entre principes et compassion

L’affaire Lagarde n’est pas une simple anecdote. Elle est le reflet d’un mal plus profond. Celui d’une France tiraillée entre ses principes laïques et la réalité de son multiculturalisme.

Peut-on exiger d’un maire qu’il reste neutre en toutes circonstances ? Peut-on interdire à une élue d’exprimer de l’empathie dans un langage culturel et religieux qu’elle ne partage pas ?

La loi, elle, ne dit rien de précis. La circulaire de 2004 sur la laïcité concerne les agents publics, pas les élus. Et pourtant, dans l’imaginaire collectif, le voile islamique est devenu un drapeau. Rouge pour certains. Blanc pour d’autres. Un chiffon agité dans les arènes de l’opinion.

Et maintenant ?

Aude Lagarde n’a pas annoncé si elle porterait à nouveau le voile à l’avenir. Mais une chose est certaine : Son geste restera gravé dans l’histoire de sa ville. Peut-être comme un faux pas. Peut-être comme un acte de courage.

Quant à Aboubakar Cissé, il repose désormais en paix, loin des débats et des polémiques. Son nom est devenu symbole. Victime silencieuse d’un monde en feu.

Entre symbole et controverse

L’hommage voilé d’Aude Lagarde a mis à nu les contradictions françaises. Une République qui célèbre la diversité mais craint ses expressions visibles. Une laïcité souvent brandie comme un glaive plus que comme un bouclier. Et une société encore incapable de faire le deuil serein d’un jeune homme tué en prière.

Dans cette histoire, il n’y a pas de réponse simple. Seulement des questions. Et peut-être, parfois, un peu de courage dans le silence.

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