Éléa : « C’était censé n’être qu’une sucrerie, un petit bonbon rouge offert par un garçon rencontré dans une soirée à Lille… Une heure plus tard, j’étais allongée sur l’herbe humide d’un parc, persuadée de discuter avec un cerf couronné de fleurs. Est-ce que d’autres vivent la même chose que moi avec ces bonbons au muscimol ? »

Une douceur pas comme les autres
Un soir de mars, dans une salle associative de la rue Solferino, les enceintes vibraient sur du rap belge pendant que les bouteilles de cidre tournaient de main en main. Éléa, étudiante en licence d’histoire à Lille 3, n’était pas du genre à se laisser tenter par n’importe quelle mode. Pourtant, ce soir-là, un garçon au regard sombre et au sourire tranquille lui tendit un petit sachet plastique refermable contenant trois bonbons rouges translucides.
— Ça te fait planer comme un champi, mais c’est légal, lui souffla-t-il.
Sur l’emballage, une mention : « Contient 5 mg de muscimol – usage réservé aux adultes« .
Le muscimol, substance ancienne au goût moderne
Le muscimol est un composé psychoactif issu de l’amanite tue-mouches (Amanita muscaria), un champignon reconnaissable entre mille, avec son chapeau rouge tacheté de blanc. Bien que toxique à forte dose, ce champignon est utilisé depuis des siècles par certaines cultures sibériennes lors de rituels chamaniques.
En France, le muscimol n’est pas classé comme stupéfiant. Ce vide juridique est exploité par des marques comme KroMood, Crazy Mushrooms ou encore Werewolf Magic, qui proposent des gummies légaux aux effets psychotropes, en vente libre sur Internet.
Une explosion de sensations… et d’angoisses
Pour Éléa, l’effet mit une heure à se faire sentir. Les lampadaires devinrent des torches magiques. Les arbres semblaient lui chuchoter des secrets anciens. Elle riait, elle pleurait, elle flotta entre deux mondes sans plus distinguer le rêve du réel.
Mais l’euphorie s’évapora rapidement, remplacée par une panique sourde : Nausées, sueurs froides, désorientation. Elle erra dans les rues jusqu’à l’aube, sans téléphone ni repères. Elle ne comprit que plus tard qu’elle avait été victime d’une sorte de « bad trip« , bien que le muscimol ne provoque pas les mêmes effets que le LSD ou la psilocybine.
Un produit encadré… mais toléré
Là où la France interdit la psilocybine et classe les champignons hallucinogènes comme stupéfiants, le muscimol se faufile dans une brèche réglementaire. L’amanite tue-mouches est listée comme toxique, mais ses dérivés transformés, comme les extraits séchés ou les bonbons, échappent encore aux interdictions.
Les vendeurs se protègent en stipulant que leurs produits ne sont « pas destinés à la consommation » mais « uniquement décoratifs« . Une hypocrisie légale qui laisse les autorités impuissantes, tandis que les ados commandent par dizaines ces friandises hallucinogènes depuis leurs chambres.
Une tendance qui inquiète
Les centres d’addictologie et les urgentistes voient arriver de nouveaux profils : Lycéens, étudiants, jeunes adultes qui n’ont jamais touché au cannabis, mais qui décident d’essayer le muscimol « parce que c’est légal« . Le risque n’est pas seulement physique – vomissements, troubles neuro, interactions médicamenteuses – mais aussi psychique : Bouffées d’angoisse, dépersonnalisation, rechutes anxieuses.
Des campagnes d’information commencent à fleurir sur les réseaux sociaux. Mais le message reste flou, les jeunes se demandant comment une substance qui « fait voir des trucs » peut être vendue sans contrôle. Et les sites marchands en profitent.
Réglementer ou interdire ?
Le gouvernement, alerté par plusieurs collectifs de parents et de pédagogues, envisage un classement du muscimol comme substance psychotrope. Mais l’équilibre est fragile. Faut-il interdire toute forme de commercialisation, au risque de créer un marché noir ? Ou mieux encadrer, avec dosage, traçabilité et étiquetage clair ?
Le Conseil national de la santé publique a été saisi pour évaluer les effets à long terme. En attendant, les bonbons au muscimol continuent de circuler, notamment lors de festivals, dans les squats, et même dans certains bars « alternatifs« .
Retour d’expérience
Éléa a raconté son histoire sur TikTok. La vidéo a été vue plus de 200 000 fois. D’autres ont commenté : Des jeunes filles, des garçons de 17 ou 18 ans, tous avec la même curiosité et les mêmes regrets.
— J’ai cru que j’étais dans un jeu vidéo. — Moi j’ai vu mon chat parler. — J’ai flippé, je croyais être mort.
Le muscimol n’est pas qu’une mode : C’est un miroir. Il reflète l’époque, cette volonté d’évasion légale, sans les dangers du « vrai trip » chimique. Mais il rappelle aussi, cruellement, que l’absence de régulation n’équivaut pas à l’absence de danger.
Entre ignorance et fascination
Les bonbons au muscimol posent une question essentielle : Qu’est-ce qu’une drogue ? Est-ce une molécule interdite, un effet sur le cerveau, un usage récréatif ? Le muscimol trouble les lignes. Il montre qu’entre les marchands de psychotropes « naturels » et les jeunes en quête d’expérience, l’État est souvent à la traîne.
Pour Éléa, ce ne fut qu’un soir de dérive. Mais pour beaucoup d’autres, ce pourrait être le début d’une fascination dangereuse.
Mise en garde : Cet article a un but purement informatif et ne constitue en aucun cas une incitation à la consommation de substances psychoactives.