De survivant à accusé : Mikhaïl Pitchouguine, rescapé en mer, risque la prison pour négligence mortelle.

Pourquoi cet homme, qui a survécu à 66 jours de dérive en mer, risque-t-il jusqu’à 7 ans de prison ?

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Le départ : Un voyage en apparence anodin

Tout commence le 9 août 2024. Mikhaïl Pitchouguine, chauffeur sur l’île de Sakhaline, invite son frère et son neveu de 15 ans pour une aventure maritime qu’il pensait inoffensive. Leur embarcation ? Un canot gonflable de 4,7 mètres de long et 2,2 mètres de large, frêgile face à l’immensité de la mer d’Okhotsk. Pourtant, l’enthousiasme est au rendez-vous : Une escapade entre proches, loin des soucis du quotidien.

Mais la mer, imprévisible et cruelle, n’épargne personne. Rapidement, des signes précurseurs d’une tragédie émergent : Des vents violents, des vagues déchaînées et, surtout, une panne moteur fatale. Le moteur, mal entretenu selon les experts, rend l’âme, laissant le trio à la merci des courants impitoyables. Débute alors une odyssée de survie que personne n’aurait pu imaginer.

Le calvaire en mer : 66 jours d’enfer

Privés de tout repère, ballotés par les flots, Mikhaïl, son frère et son neveu affrontent des conditions extrêmes. Le soleil brûle leur peau le jour, tandis que des nuits glaciales menacent de les engloutir. L’eau douce devient un trésor plus précieux que l’or. Mikhaïl survit en récupérant de l’eau de pluie, tandis que la nourriture se résume à des miettes d’espoir. Protégé par un sac de couchage en poils de chameau, il lutte contre l’hypothermie.

Mais l’esprit humain a ses limites. La fatigue, la faim, la soif et le désespoir réduisent les forces de ses compagnons. Mikhaïl assiste, impuissant, à l’agonie de son frère et de son neveu. Les jours s’étirent dans un silence pesant, uniquement troublé par le clapotis des vagues et les soupirs d’un homme qui refuse d’abandonner.

Le sauvetage : Un miracle en mer d’Okhotsk

Le 14 octobre 2024, un navire de pêche, ironiquement nommé « Ange« , aperçoit l’embarcation à la dérive, à plus de 1 000 km de son point de départ. Le capitaine Alexeï Arykov décrit un homme à peine reconnaissable, amaigri jusqu’à l’extrême, mais conscient. Mikhaïl a perdu 50 kilos, sa peau est marquée par le soleil et le sel, mais il est en vie.

Les corps de son frère et de son neveu reposent à bord, rappelant cruellement que cette victoire sur la mort a un prix.

Du miracle au cauchemar judiciaire

Ce qui aurait dû être un retour triomphal vire rapidement au drame judiciaire. Les autorités russes ouvrent une enquête pour « violation des règles de sécurité maritime ayant entraîné la mort par imprudence« . Mikhaïl est d’abord entendu comme témoin, avant d’être inculpé. Le Comité d’enquête russe estime qu’il n’a pas correctement entretenu le moteur, causant la panne fatale. Sa responsabilité est engagée : Par négligence, il aurait provoqué la mort de ses proches.

Ironie du sort, Mikhaïl, qui s’est battu pour survivre, doit maintenant se battre pour sa liberté. Il risque jusqu’à 7 ans de prison.

Une question d’éthique et de justice

Cette affaire soulève des questions complexes : Peut-on tenir pour responsable un survivant de la mort de ses compagnons, surtout après un tel calvaire ? La justice doit-elle être aveugle aux circonstances extraordinaires ? Mikhaïl a-t-il été négligent ou simplement victime d’un destin implacable ?

Aujourd’hui, Mikhaïl Pitchouguine attend son jugement, un homme doublement rescapé : De la mer et de l’indifférence.

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