Comment une simple ressemblance de nom a-t-elle pu faire libérer un criminel ? Décryptage d’un fiasco judiciaire à Bordeaux.

Erreur judiciaire à Bordeaux : Un détenu dangereux libéré par une confusion de noms au centre pénitentiaire de Gradignan

CHOC

Le détenu fantôme de Gradignan : La prison a ouvert les portes à la mauvaise ombre

Le 30 avril 2025, au centre pénitentiaire de Gradignan, à la lisière de Bordeaux, le calme apparent du quotidien carcéral a été brusquement brisé par une erreur aux conséquences potentiellement tragiques. Ce jour-là, dans une pièce sans fenêtres où s’entassent les dossiers de libération, une signature de trop a ouvert la porte à l’inimaginable : Un prisonnier condamné pour vol avec violences ayant entraîné la mort a été libéré à la place d’un autre détenu… portant un nom presque identique.

Le soleil était déjà haut dans le ciel de la Gironde quand l’agent pénitentiaire, pressé par les délais et l’empilement de tâches administratives, a ouvert la grille. Il ne se doutait pas que l’homme qu’il regardait franchir le seuil vers la liberté n’était pas celui qu’il pensait. L’un s’appelait Malik El Arbi, l’autre Malek El Arby. Même consonance, mêmes origines, même tranche d’âge. Mais des destins diamétralement opposés. L’un attendait encore son procès pour une banale affaire de recel. L’autre, lui, avait été jugé coupable d’un acte irréparable.

Une minute d’inattention, une erreur fatale

Le scénario n’est pas digne d’un polar, c’est pire : Il est réel. Dans les couloirs ternes de Gradignan, personne ne se méfie du calme avec lequel le faux libérable accepte ses papiers, signe les formulaires, récupère ses effets personnels. Il sourit même à un surveillant, serre la main d’un éducateur pénitentiaire qu’il croise par hasard. Puis il s’évanouit dans les rues de Bordeaux, sans un regard en arrière.

Il aura fallu deux heures pour que quelqu’un s’étonne de l’absence du détenu réellement programmé pour sortir ce jour-là. Quand les agents de la détention se sont penchés sur les fiches, le sang n’a fait qu’un tour. Ce n’est pas le bonCe n’était pas le bon !

Les autorités dans l’embarras, la justice en ébullition

Aussitôt, l’alarme est donnée. Le parquet est saisi, une enquête interne ouverte, la Direction Interrégionale des Services Pénitentiaires est alertée. À l’extérieur, une chasse à l’homme s’organise. L’homme libéré par erreur, toujours en cavale au moment où nous écrivons ces lignes, fait désormais l’objet d’un mandat d’arrêt européen. Il pourrait avoir quitté le territoire national dès les premières heures de sa sortie, profitant de la lenteur administrative qu’il connaît par cœur.

Du côté du ministère de la Justice, c’est le silence radio. Les syndicats pénitentiaires, eux, montent au créneau. « On alerte depuis des années sur la surcharge de travail, les erreurs d’homonymie, l’absence de moyens numériques adaptés. Cette affaire est le symptôme d’un système à bout de souffle », dénonce un représentant du personnel.

Des familles brisées, une confiance effritée

La famille de la victime du vol mortel pour lequel le détenu libéré avait été condamné est effondrée. Le frère de la jeune femme tuée en 2022 à Pessac a appris la nouvelle par la radio. « C’est une gifle pour nous. Il devait purger sa peine. On nous l’avait promis. Aujourd’hui, il est dehors, et nous, on revit le drame. »

La mère du détenu réellement libérable, resté incarcéré malgré lui, a fait un malaise en apprenant que son fils était encore en cellule. « On a confondu mon fils avec un meurtrier. On l’a privé de sa liberté. On l’a humilié. »

Le spectre d’autres erreurs similaires

Ce n’est pas la première fois qu’une telle méprise se produit dans une prison française. En 2017, à Nanterre, un détenu au nom proche d’un autre avait été libéré à tort. À Fleury-Mérogis, en 2021, une confusion informatique avait failli causer une sortie anticipée. Mais rarement une erreur n’avait été aussi lourde de conséquences, et aussi révélatrice des lacunes profondes du système.

Au cœur de l’affaire de Gradignan, c’est l’archaïsme du traitement des identités en milieu carcéral qui est pointé du doigt. Encore aujourd’hui, trop peu de croisements biométriques, trop peu de numérisation centralisée. Un monde où une simple lettre peut transformer un condamné en homme libre.

Un électrochoc pour la réforme ?

Dans les couloirs feutrés du ministère, certains parlent déjà de « choc utile ». Ce drame pourrait bien provoquer une accélération de la réforme carcérale promise depuis des décennies. Le garde des Sceaux, interrogé à l’Assemblée, a promis « une vérification nationale des procédures de libération » et « l’intégration renforcée des identités judiciaires biométriques ».

Mais pour Malik El Arbi, l’homme en fuite, le mal est fait. Et pour les Français, une question subsiste : Combien d’autres erreurs dorment encore dans les plis poussiéreux des dossiers judiciaires ?

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