« Quand j’ai retrouvé mon appartement envahi par des inconnus qui refusaient de partir, j’ai cru devenir fou. Est-il vraiment possible de reprendre possession de son logement sans devoir attendre des mois, voire des années ? » — Adrien, propriétaire abasourdi et déterminé à se battre.
Le soleil s’était à peine levé sur les toits d’Aix-en-Provence ce matin-là, quand Adrien inséra sa clé dans la serrure de son petit appartement du boulevard de la République. Il revenait d’un séjour de six mois à Montréal, une parenthèse pour raisons professionnelles. Le studio de 27 m², soigneusement rénové deux ans plus tôt, avait été laissé vide, prêt à accueillir sa sœur de passage à son retour. Mais à la place du silence rassurant de son intérieur, il fut accueilli par un bruit étrange, un froissement de sacs plastique, un râle matinal… et l’odeur lourde de tabac froid.
Trois personnes, assises sur un matelas crasseux, le regardèrent entrer comme s’il était l’intrus. L’un d’eux, une femme d’une cinquantaine d’années au regard dur, lâcha sans bouger :
— C’est chez nous, ici. Tu rentres pas comme ça.
Adrien sentit le sol se dérober sous ses pieds.
L’impossible équation des propriétaires face aux squatteurs
Il appela la police, bien sûr. Avec l’élan paniqué d’un citoyen croyant encore à la justice immédiate. Mais ce qu’on lui répondit au commissariat fut plus brutal que les paroles de la squatteuse :
— Désolé Monsieur, si ces personnes sont installées depuis plus de 48h, on ne peut pas intervenir sans décision judiciaire.
Un choc. Une gifle. Un hurlement intérieur qu’il dut contenir pour ne pas se faire arrêter, lui.
Car la loi, en France, fait souvent preuve d’une absurdité cruelle : Lorsque des personnes s’introduisent illégalement dans un logement vide — résidence secondaire, location en attente de remise de clés ou appartement momentanément inoccupé — il faut parfois plusieurs mois pour les faire partir.
La lenteur judiciaire, une violence silencieuse
Comme des milliers de propriétaires chaque année, Adrien s’engagea alors dans un parcours du combattant : Dépôt de plainte, constat d’huissier, saisine du tribunal judiciaire. En attendant, les squatteurs restaient, et le petit appartement devenait peu à peu une ruine, sans que personne ne puisse intervenir. Les voisins n’osaient plus sortir leurs enfants dans le hall d’entrée. La porte, forcée, ne fermait plus. Et le syndic, impuissant, se contentait de lui transmettre les doléances des autres copropriétaires.
Mais Adrien n’était pas seul.
Un mouvement national de propriétaires en colère
À Paris, Bordeaux, Lyon, Toulouse, Marseille ou encore Perpignan, des collectifs de propriétaires excédés se sont constitués. Certains, comme le mouvement « Propriétaires Unis », organisent des rassemblements, soutiennent les procédures et relaient dans les médias des cas choquants de spoliation immobilière.
On parle de retraités expulsés de leur propre maison secondaire, de femmes seules incapables de récupérer l’appartement de leur enfant étudiant, de familles qui ne peuvent plus vendre leur bien squatté, perdant ainsi l’apport pour en acheter un autre.
La révolte prend racine dans cette réalité quotidienne où la loi semble donner davantage de droits à ceux qui s’introduisent par effraction qu’à ceux qui ont travaillé toute leur vie pour devenir propriétaires.
Une riposte législative qui peine à rassurer
En janvier 2023, la loi dite « anti-squat » a été adoptée. Plus rapide, plus musclée, elle promet des procédures d’expulsion facilitées pour les logements occupés illégalement. Mais dans les faits, les résultats tardent à se faire sentir. Les préfectures n’appliquent pas toujours la procédure d’urgence. Certains préfets, par crainte de tensions sociales ou d’associations de défense des sans-abri, refusent de signer les arrêtés d’expulsion dans les délais.
Et les squatteurs eux-mêmes savent comment contourner les dispositifs. Certains brandissent de faux baux, de fausses quittances de loyer, ou encore des certificats d’hébergement rédigés sur un coin de table.
L’histoire d’Ariane : 82 ans, dépossédée de sa maison
Ariane vivait dans une maison de village à Carpentras depuis plus de quarante ans. Partie rejoindre son fils malade à Brest pendant trois mois, elle confia ses clés à une voisine pour qu’elle passe arroser les plantes. À son retour, impossible d’entrer. Deux hommes s’étaient installés dans le salon. Elle appela la gendarmerie. Sans effet. À 82 ans, elle dut s’installer chez sa belle-fille, en larmes, jurant de ne plus jamais repartir sans que quelqu’un ne garde physiquement sa maison.
Il fallut neuf mois, trois audiences, deux expertises, et des frais d’avocat qu’elle n’a jamais pu entièrement rembourser. Les squatteurs ? Ils étaient partis entretemps. Volatilisés. L’intérieur avait été vandalisé, les radiateurs arrachés. Le jardin, transformé en décharge.
La tentation de la justice parallèle
Certains propriétaires finissent par se faire justice eux-mêmes. À Saint-Denis, un jeune homme de 24 ans a été condamné à 3 mois de prison avec sursis pour avoir repris de force l’appartement de sa grand-mère occupé depuis six semaines. Il avait coupé l’eau, l’électricité, puis forcé la porte avec deux amis.
D’autres, plus discrets, embauchent des « nettoyeurs » informels, paient des détectives pour identifier les squatteurs, ou mettent en œuvre des stratégies pour les faire partir à l’usure : Nuisances sonores, coupures volontaires d’accès, pressions diverses. Tout cela est illégal, bien sûr. Mais que faire quand la loi vous laisse sans recours ?
Un nouvel espoir : La procédure simplifiée en 2025
En mars 2025, une circulaire du ministère de la Justice a été publiée, demandant aux préfets d’accélérer les expulsions en cas d’occupation illégale, et de renforcer les liens avec les services de police municipale.
Désormais, un propriétaire peut, dans certains cas, récupérer son logement en moins de 72 heures, s’il prouve l’infraction flagrante et que le bien constitue une résidence secondaire ou principale.
Mais ces mesures restent limitées aux cas les plus simples. Dès que les squatteurs présentent une attestation, même falsifiée, ou invoquent un droit d’hébergement, la procédure judiciaire classique reprend. Longue. Onéreuse. Épuisante.
Une bataille d’image : Les propriétaires ne veulent plus avoir honte
Longtemps, les squatteurs ont bénéficié d’un certain soutien médiatique, perçus comme les victimes d’un système injuste, d’un capitalisme immobilier impitoyable. Mais cette image change. Les propriétaires racontent aujourd’hui leurs histoires, avec courage et détermination. Ils montrent leurs fiches de paie, leurs emprunts, leurs efforts pour entretenir leur bien. Ils ne sont pas des rentiers, mais des citoyens ordinaires à qui l’on prend tout sans prévenir.
Et Adrien, alors ?
Après cinq mois d’attente, trois passages devant le tribunal, une pétition signée par 312 voisins et commerçants du quartier, Adrien a enfin récupéré son studio. Les squatteurs ont quitté les lieux une nuit, sans prévenir. Ils ont emporté le micro-ondes, le chauffe-eau, et laissé un message griffonné sur un mur blanc :
« Si t’es riche, t’as qu’à acheter ailleurs. »
Adrien a pleuré. Puis il a repeint. Puis il a changé la serrure. Et juré que plus jamais il ne laisserait un logement vide, même pour deux semaines.
Un combat de tous les instants
La lutte contre les squatteurs est devenue un symbole. Celui d’un pays où le droit de propriété, pourtant fondamental, est sans cesse remis en cause. Les propriétaires ne demandent pas vengeance, ni privilège. Juste justice. La vraie. Celle qui protège les honnêtes gens.
En attendant, la contre-attaque continue. Par les lois. Par les témoignages. Par la solidarité. Et par la voix, puissante, de ceux qui refusent de voir leur foyer devenir une zone de non-droit.