À Marmande, la démocratie locale est à l’épreuve. Le refus de salle opposé au RN mène un maire devant le tribunal. Récit complet et romancé d’un procès attendu.

Procès du Maire de Marmande : Peut-on refuser une salle municipale au Rassemblement National sans violer la loi ?

POLITIQUE

Le jour où tout a basculé

Un matin d’octobre 2024, dans les bureaux feutrés de l’hôtel de ville de Marmande, Joël Hocquelet, maire socialiste au verbe posé et au regard perçant, signait un refus qui allait marquer son mandat. Ce jour-là, sur un coin de bureau, une lettre officielle partait vers le siège départemental du Rassemblement National. Elle signifiait que la ville refusait de mettre à disposition sa salle municipale du Parc des Expositions pour un meeting politique.

Un refus simple, en apparence. Une décision ancrée, selon l’élu, dans « la cohérence républicaine et l’attachement de la commune aux valeurs européennes ». Mais derrière ces mots, une tempête se préparait. Car à travers ce refus administratif, c’était une lame de fond démocratique qui allait se déchaîner.

Une République face à ses contradictions

Le Rassemblement National, prompt à dénoncer la discrimination politique, n’a pas tardé à riposter. Dès le mois suivant, en novembre 2024, une plainte était déposée au tribunal d’Agen. L’affaire, d’abord reléguée aux pages intérieures de la presse régionale, s’est très vite hissée au rang de polémique nationale.

Dans les rangs du RN, certains crient à la censure républicaine, d’autres parlent d’un « apartheid idéologique ». De l’autre côté, les soutiens de Joël Hocquelet défendent le choix d’un élu courageux, refusant de céder « un centimètre carré » à l’extrême droite. Mais la question demeure : La légalité d’un tel refus résiste-t-elle à l’épreuve de la justice ?

Une salle, un symbole

Ce n’est pas seulement une salle qui est au cœur du débat. C’est l’âme des institutions locales, le rapport entre élus et partis politiques, et la définition même de la neutralité des lieux publics.

Le Parc des Expositions de Marmande, cette grande salle modulable au cœur du Lot-et-Garonne, a vu passer des concerts, des foires agricoles, des cérémonies de vœux… et des meetings politiques de tous bords. Mais pas celui du Rassemblement National.

Le meeting programmé devait rassembler plusieurs centaines de militants, avec en invité vedette : Jordan Bardella lui-même. Une venue orchestrée avec minutie par les équipes locales du RN, qui comptaient sur ce rendez-vous pour marquer leur implantation dans le Sud-Ouest.

Une décision politique ou une infraction pénale ?

Le 7 mai 2025, Joël Hocquelet comparaîtra devant le tribunal correctionnel d’Agen, poursuivi pour entrave à la liberté d’expression et atteinte à l’égalité d’accès aux équipements publics. L’audience s’annonce tendue. D’un côté, l’élu socialiste affirme avoir agi « dans le respect de ses responsabilités morales ». De l’autre, le RN dénonce un abus de pouvoir qui contrevient aux principes républicains.

Les juristes sont divisés

Certains rappellent que la neutralité des institutions impose aux maires de traiter tous les partis équitablement, sans considération pour leur ligne idéologique, tant qu’ils sont légaux. D’autres soulignent que l’article L2144-3 du Code général des collectivités territoriales donne une marge d’appréciation au maire pour protéger l’ordre public et le bon fonctionnement des équipements municipaux.

Un précédent aux répercussions nationales

Ce procès n’est pas un simple fait divers local. Il pourrait faire jurisprudence. À travers lui, c’est la frontière floue entre éthique personnelle et devoir institutionnel qui est interrogée.

Des élus locaux, dans d’autres communes, observent avec attention l’issue de ce procès. Car nombre d’entre eux se retrouvent face au même dilemme : Doivent-ils accueillir dans leurs murs des idéologies qu’ils combattent ? Ou doivent-ils, au nom de la démocratie, leur accorder la même place qu’aux autres ?

À gauche, certains saluent la posture de résistance de Joël Hocquelet. À droite, on dénonce un deux poids deux mesures dangereux. Et au RN, on mobilise : Chaque phrase, chaque décision du tribunal sera scrutée, exploitée, amplifiée.

Des soutiens… et des oppositions

La salle du tribunal d’Agen sera pleine. Des militants RN, mais aussi des représentants d’associations républicaines, des élus locaux, et même quelques universitaires en droit public feront le déplacement. On y débattra non seulement du droit, mais aussi du symbole.

Joël Hocquelet, lui, se prépare avec sérénité. « Ce procès, disait-il récemment dans Sud Ouest, n’est pas contre moi. Il est contre l’idée que la démocratie doit tout tolérer, même ce qui la détruit de l’intérieur. »

Mais le parquet, lui, pourrait voir les choses autrement. L’instruction a estimé qu’il y avait matière à renvoi devant le tribunal correctionnel. Et dans ce genre d’affaires, où la liberté d’expression politique se confronte à l’autorité des élus, la jurisprudence est rare, mais sévère.

Une audience à forte charge émotionnelle

Le jour du procès, la tension sera palpable. Les avocats du RN plaideront la discrimination politique. Ceux de la défense invoqueront la conscience républicaine du maire. Dans les couloirs du tribunal, les caméras seront braquées, les micros tendus. Le pays retiendra son souffle.

Car au-delà du cas de Marmande, c’est la République qui se regarde dans le miroir. Et elle doit répondre à cette question dérangeante : Peut-on défendre la démocratie en refusant la parole à ses ennemis ?

Et après ?

Quelle que soit l’issue du procès, une chose est sûre : L’affaire laissera des traces. Si le maire est relaxé, d’autres élus pourraient s’en inspirer pour refuser l’accès à leurs équipements à des partis controversés. S’il est condamné, ce sera un rappel brutal aux principes d’égalité politique inscrits dans la Constitution.

Dans tous les cas, cette affaire prouve que la démocratie n’est jamais acquise. Elle se débat, s’interprète, se questionne. Et parfois, elle se juge.

1 thought on “Procès du Maire de Marmande : Peut-on refuser une salle municipale au Rassemblement National sans violer la loi ?

  1. Alors ce maire s’arroge le droit d’interdire une réunion d’un parti politique qui n’est pas interdit et qui aux dernières élections a recueilli 11 Millions de voix . Ces 11 Millions de Français qui ont voté Rn seraient ils des Français de seconde zone ? Le dernier rassemblement organisé à Paris par le RN s’est déroulé dans le calme , contrairement aux manifestations organisées par d’autres qui voient systématiquement le pillage de magasins et la destructions de mobilier urbain . A Marmande aux dernières élection législatives la candidate du RN Mme Laporte a fait plus de 47 % des voix ……

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