Que s’est-il passé à Chavanoz, en Isère ? Maryse a survécu deux ans seule dans une résidence senior fantôme.

Abandonnée dans une résidence senior vide en Isère : Le calvaire silencieux de Maryse, 79 ans

SOCIETE

Le fantôme d’une vie oubliée : Maryse et la résidence vide de Chavanoz

Il était une fois une femme que la société avait oubliée.

Elle s’appelait Maryse Badoil, 79 ans, autrefois secrétaire de mairie, toujours élégante dans ses gestes et digne dans ses silences. En 2022, après le décès brutal de son époux et la vente de sa maison familiale à Meyzieu, elle choisit de s’installer dans une résidence flambant neuve pour seniors, à Chavanoz, petite commune de l’Isère. Une promesse d’avenir serein, de confort, de voisinage chaleureux. Ce fut le début d’un enfer.

Maryse avait été séduite par les brochures : « résidence services« , « activités quotidiennes« , « jardin thérapeutique« , « sécurité 24h/24« , « logements connectés« . Elle y voyait un nouveau départ, loin de l’ombre de la solitude, dans un cadre moderne. Elle posa ses valises dans un deux-pièces lumineux, orienté plein sud.

Mais rapidement, une vérité glaçante s’installa.

Elle était seule. Vraiment seule.

Une promesse marketing devenue mirage

La résidence, un bâtiment flambant neuf baptisé Les Jardins de Chavanoz, ne comptait aucun autre résident. L’inauguration avait été retardée. Les appartements, bien que vendus ou réservés sur plan, n’avaient jamais été livrés. Malfaçons, litiges, retards administratifs : Le gestionnaire privé, pourtant accrédité, avait déserté les lieux, laissant les promesses et les devises gravées sur les brochures comme autant de mensonges figés dans le béton.

Maryse, elle, restait.

Le contrat signé, le loyer payé, l’électricité connectée, mais autour : Le vide. Un silence pesant. Pas un voisin. Pas d’agent d’accueil. Pas de personnel médical. Pas d’activités. Pas même une sonnette qui fonctionne chez les autres. Elle habitait une résidence fantôme, une coquille moderne sans vie, sans humains.

Deux hivers, un été, un oubli total

Durant 24 mois, Maryse a vécu seule dans un lieu censé abriter la convivialité et la sécurité. Elle faisait ses courses à pied, cuisinait elle-même ses repas, et attendait parfois des jours avant d’entendre une voix humaine : Celle du facteur, ou d’un ouvrier qui venait « inspecter un dégât des eaux ».

Elle avait alerté. Elle avait appelé. Elle avait écrit. À la mairie, au département, au promoteur. Sans réponse. Ou pire : Des réponses vagues, polies, dilatoires. On lui promettait une « réactivation du projet« , une « reprise des ventes« , une « mutation des services« . Rien.

Elle est même tombée une fois. Dans le couloir. Elle est restée au sol pendant deux heures avant de ramper jusqu’à son téléphone.

Le déclic : Un voisin qui n’existait pas

Le déclic est venu d’un jeune plombier, Hugo, appelé pour vérifier une fuite dans l’un des appartements vacants. Il frappa à la porte de Maryse pour lui demander si elle avait entendu de l’eau. En découvrant la vieille dame seule, dans un immeuble désert, il a alerté une journaliste locale.

L’histoire a fait le tour des rédactions régionales.

Puis nationales.

L’émotion d’une France qui se découvre coupable

Des courriers affluèrent. Des anonymes, des élus, des retraités, des familles touchées par le sort de Maryse. La mairie de Chavanoz, gênée, promit un relogement rapide. Le Département de l’Isère déclara ouvrir une enquête. Le promoteur, contacté par Le Dauphiné Libéré, se justifia maladroitement : « Des retards techniques indépendants de notre volonté« .

Maryse, elle, regardait par la fenêtre. Chaque jour, le même arbre. Le même banc vide.

Elle n’a jamais pleuré devant les caméras.

Une nouvelle page ?

En mai 2025, Maryse fut finalement relogée dans une autre résidence senior à Bourgoin-Jallieu. Elle y a désormais des voisines. Elle participe à un atelier de poésie, les mercredis. Elle dit « reprendre goût à la soupe partagée et aux voix humaines« .

Mais dans les couloirs vides de Chavanoz, la lumière reste parfois allumée.

Comme pour dire que Maryse, elle, était là.

Et que la France, elle, n’a pas le droit d’oublier ses vieux.

Quand le béton devient silence

Le cas de Maryse n’est pas isolé. Partout en France, des résidences pour seniors sont construites à la va-vite, vendues à prix d’or à des investisseurs, sans garantie réelle de services. L’illusion du bien vieillir devient parfois un piège à solitude.

Et pendant que les politiques se félicitent de leurs plans “Grand Âge”, Maryse, elle, aura passé 730 jours seule, dans une résidence vide, une prison de verre et de promesses non tenues.

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