Lutter contre la précarité des jeunes est devenu un enjeu majeur pour de nombreux territoires en France. Alors que plusieurs dispositifs d’aides sont déjà en place, le département de la Meurthe-et-Moselle a décidé d’aller plus loin en expérimentant un « revenu d’émancipation jeunes » à hauteur de 500 euros par mois. Ce projet, une première en France, s’adresse spécifiquement aux jeunes âgés de 16 à 25 ans qui se trouvent en marge des autres systèmes d’aides. Quels sont les détails de cette initiative ? Qui sont les jeunes concernés et quelles seront les implications pour le territoire ? Décryptage d’un projet ambitieux qui pourrait faire école.
Un projet innovant pour les jeunes décrocheurs
Le 1er octobre prochain, le département de la Meurthe-et-Moselle mettra en œuvre une expérimentation qui pourrait bien changer la vie de centaines de jeunes en situation de précarité. La création de ce revenu d’émancipation jeunes a été décidée lors d’une délibération des élus départementaux, marquant ainsi un tournant dans la politique sociale locale. Le projet, porté par la présidente PS du Conseil départemental, Chaynesse Khirouni, vise à soutenir environ 300 jeunes qui ne bénéficient d’aucune autre aide sociale, des jeunes souvent qualifiés de « décrocheurs ».
Les jeunes concernés par cette aide sont ceux qui sont en rupture avec leur famille, en errance ou dans une période de transition de leur vie. Il s’agit principalement de jeunes ayant peu ou pas de revenus, et qui ne sont pas éligibles aux dispositifs existants comme le RSA (Revenu de Solidarité Active) ou les allocations familiales. L’objectif est clair : Redonner à ces jeunes un cadre et des moyens pour bâtir leur avenir.
Un revenu de 500 euros accompagné d’un suivi personnalisé
Le revenu d’émancipation jeunes, d’un montant de 500 euros par mois, sera versé sur deux périodes de six mois. Mais il ne s’agit pas simplement d’une aide financière, le projet va plus loin. En effet, un accompagnement personnalisé est la « clé de voûte du dispositif », comme l’a précisé Lionel Adam, conseiller départemental chargé de ce projet. Pendant les six premiers mois, les jeunes bénéficieront d’un suivi progressif visant à établir un lien de confiance avec les intervenants sociaux. Cette phase est essentielle pour bien comprendre les besoins et aspirations de chaque jeune, et commencer à construire avec lui un projet de vie.
Au terme de ces six mois, une seconde phase se mettra en place, centrée sur la « mobilisation concrète » du jeune. Il devra commencer à s’investir dans des démarches éducatives, professionnelles ou sociales, en fonction de son projet. Pour formaliser cet engagement réciproque, une charte sera signée entre le département et chaque jeune bénéficiaire. Le département s’engage à soutenir les démarches entreprises par le jeune, tandis que ce dernier devra respecter les valeurs et symboles de la République.
Une réponse à la précarité des jeunes dans le département
Si cette initiative voit le jour, c’est en réponse à une situation alarmante. En Meurthe-et-Moselle, 14% des jeunes de moins de 30 ans ne sont ni en emploi, ni en études, ni en formation. Par ailleurs, le taux de pauvreté chez les jeunes dépasse les 26%. Autant de jeunes laissés sur le bord de la route, sans perspectives claires pour l’avenir. Le revenu d’émancipation jeunes vise à combler ce vide en offrant une bouée de sauvetage à ceux qui en ont le plus besoin.
Ce projet, d’une durée de trois ans, devrait coûter environ un million d’euros pour son démarrage. Cette somme, bien que conséquente, est perçue par Chaynesse Khirouni et son équipe comme un investissement indispensable pour la jeunesse. Cependant, ce point a été sujet à débat au sein de l’assemblée départementale. Le groupe de l’Union du centre et de la droite, par la voix d’Anne Lassus, a voté contre cette mesure, invoquant des inquiétudes quant à l’état des finances du département. Elle a notamment mis en garde contre l’épuisement des ressources financières du territoire, qualifiant l’argent de « bien rare ».
Un projet salué pour son exemplarité
Malgré les critiques, l’initiative de la Meurthe-et-Moselle a été saluée par plusieurs experts des politiques sociales. Nicolas Duvoux, président du Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, a applaudi cette innovation sociale lors de la séance de délibération. Selon lui, ce projet témoigne de la capacité du département à innover et à mettre en œuvre des politiques sociales ambitieuses, notamment en direction des jeunes souvent oubliés des dispositifs d’aides traditionnels.
Ce projet s’inscrit d’ailleurs dans une démarche plus large de la Meurthe-et-Moselle, qui a également lancé une expérimentation intitulée « Territoire zéro non-recours ». Cette initiative vise à repérer et accompagner les personnes qui ne sollicitent pas les aides auxquelles elles ont pourtant droit, par manque d’information ou de moyens pour entreprendre les démarches administratives.
Une première en France, mais pas une exception européenne
Si la Meurthe-et-Moselle est la première en France à expérimenter un revenu d’émancipation jeunes, l’idée n’est pas totalement nouvelle à l’échelle européenne. Des pays comme la Finlande ou les Pays-Bas ont déjà mis en place des dispositifs similaires, visant à garantir un revenu minimum aux jeunes les plus précaires. Ces expériences ont montré des résultats encourageants en termes de réinsertion sociale et professionnelle, même si elles sont encore en phase d’évaluation.
Ce type de revenu pourrait-il être généralisé à l’ensemble de la France ? Pour l’instant, il est trop tôt pour le dire. Mais si l’expérience de la Meurthe-et-Moselle s’avère concluante, il n’est pas exclu que d’autres départements ou même l’État s’en inspirent pour développer des politiques similaires à l’échelle nationale.
Un espoir pour les jeunes en marge
En proposant ce revenu d’émancipation de 500 euros mensuels, la Meurthe-et-Moselle souhaite offrir un soutien concret aux jeunes qui se retrouvent en dehors des radars institutionnels. Cette initiative pourrait changer la donne pour des centaines de jeunes en errance ou en difficulté, en leur offrant non seulement un soutien financier, mais aussi un accompagnement personnalisé vers l’autonomie. Ce projet, ambitieux et novateur, place la jeunesse au cœur des priorités politiques du département. Une expérience à suivre de près, qui pourrait bien ouvrir la voie à d’autres initiatives similaires en France.