« Ce matin, en flânant entre les colonnes du boulevard Saint-Germain, je me suis arrêté net… cette voix grave et rythmée résonnait comme un écho du passé. Était-ce bien Ali, ce légendaire crieur de journaux dont on dit qu’il sera bientôt décoré par le Président Macron ? »
Paris. 6 heures du matin. Les rideaux métalliques des cafés se soulèvent lentement, dévoilant les terrasses encore vides. Le pavé luit sous les derniers éclats de la pluie nocturne. Au détour d’une rue du Quartier Latin, une voix singulière fend le silence.
« Le Monde, Libé, Le Parisien ! Les dernières nouvelles de Paris ! »
C’est lui. Ali Akbar. Chapeau vissé sur le crâne, veste légèrement élimée, sourire franc et regard malicieux. À 73 ans, il est le dernier crieur de journaux de la capitale. Une figure intemporelle, un homme que l’on croise depuis plus de cinq décennies dans les rues de Saint-Germain-des-Prés, du Marais ou du Quartier Latin. Et aujourd’hui, le murmure court : Emmanuel Macron va bientôt le décorer de l’ordre national du Mérite.
Une légende vivante des trottoirs parisiens
L’histoire d’Ali commence bien loin d’ici. Né au Pakistan en 1952, il débarque à Paris à l’âge de 20 ans, le cœur gonflé de rêves. C’est dans le tumulte des cafés de la rive gauche qu’il découvre un métier singulier : La criée. À l’époque, les crieurs étaient encore nombreux à annoncer les nouvelles à la volée, attirant les chalands à la sortie des métros ou devant les grands kiosques.
Ali se laisse séduire par l’ambiance, le contact avec les passants, le plaisir de jouer avec les mots. Soutenu par des figures de la presse comme le regretté professeur Choron de Charlie Hebdo, il se lance, mégaphone imaginaire à la main, journal en bandoulière. Très vite, sa gouaille, sa diction chantante et son humour font de lui une figure familière.
Année après année, il arpente les trottoirs de Paris. Les journaux défilent, les modes passent, mais Ali demeure. Tandis que la presse papier décline et que les smartphones s’imposent, lui persiste à transmettre les nouvelles à voix haute, au détour d’une rue, dans un bus, devant les terrasses bondées.
Une voix pour la mémoire collective
Car Ali n’est pas qu’un simple crieur. Il est le gardien d’une tradition oubliée. À travers ses cris, il insuffle de la vie dans l’espace public. Il transforme une simple vente de journaux en une performance de rue, en un spectacle improvisé.
Les habitués du quartier le connaissent bien. Certains viennent exprès acheter leur quotidien entre ses mains, par fidélité, par respect, ou simplement pour le plaisir d’entendre une annonce pleine d’esprit :
« Le Monde du jour ! Les mauvaises nouvelles arrivent toujours à temps ! »
« Libé en une ! Les Parisiens râlent, mais lisent ! »
« Le Parisien en direct : la pluie n’arrêtera pas le crieur ! »
Au fil des décennies, Ali devient un personnage incontournable du paysage parisien. Les touristes le photographient, les enfants l’écoutent bouche bée, les riverains lui adressent un sourire complice.
Un hommage national attendu
Et c’est justement pour ce rôle discret mais essentiel qu’Ali va être bientôt honoré. Selon plusieurs sources proches de l’Élysée, Emmanuel Macron a personnellement souhaité le décorer de l’ordre national du Mérite.
Le Président, grand amateur de symboles républicains et de traditions françaises, aurait été touché par l’histoire de cet homme, dernier représentant d’un métier en voie de disparition.
Le courrier officiel est arrivé il y a quelques jours dans la petite boîte aux lettres d’Ali. Ému, le crieur de journaux confie à ses proches :
« Je n’ai jamais cherché la reconnaissance. Mon bonheur, c’est de voir les gens sourire en m’écoutant. Mais recevoir cet honneur de la République… c’est comme si Paris me disait merci. Et moi, je lui dis merci en retour. »
Une mémoire sonore en héritage
Alors que la cérémonie de remise de la médaille se profile, prévue en juillet au Palais de l’Élysée, Ali continue de crier, inlassablement. Il sait que son métier ne sera pas repris. Il sait qu’il est le dernier maillon d’une chaîne brisée. Mais il veut transmettre un message :
« Peu importe le métier, peu importe l’époque. Il faut mettre du cœur dans ce que l’on fait. C’est ça qui touche les gens. C’est ça qui fait qu’on laisse une trace. »
Bientôt, les flashs crépiteront autour de lui. Les discours officiels seront prononcés. Mais au fond, Ali restera fidèle à lui-même : Un homme debout sur le pavé parisien, journal à la main, voix projetée vers les passants.
Et demain ?
Quand Ali raccrochera son chapeau, que restera-t-il ? Des photos, des souvenirs, et surtout, l’écho d’une voix qui aura su traverser le temps. Une voix qui, au détour d’une rue, aura su rappeler à chacun que Paris est aussi la ville de ces personnages inoubliables, porteurs d’histoires, de sourires et de poésie.
Et peut-être, dans quelques années, en flânant sur le boulevard Saint-Germain, on se surprendra à tendre l’oreille… espérant entendre, une dernière fois : « Les nouvelles du jour ! Écoutez le crieur de Paris ! «