Élodie : « Suis-je en train de sacrifier ma retraite en choisissant de rester auprès de ma fille pendant trois ans ? »
Quand l’amour maternel se heurte aux chiffres de la retraite…
Élodie a 32 ans. Après la naissance de sa deuxième fille, elle a pris une décision qu’elle savait cruciale : Suspendre sa carrière de juriste pour se consacrer à ses enfants. Un choix du cœur, mais aussi un saut dans l’inconnu.
Ce matin-là, en consultant son relevé de carrière sur le site de l’Assurance retraite, une angoisse surgit : Et si ces années passées loin du monde professionnel se transformaient en un vide dans sa pension future ?
Ce que la loi prévoit : Chaque enfant peut rapporter gros… à condition de le savoir
En France, la législation reconnaît l’effort éducatif des parents. Dès la naissance d’un enfant, la retraite est impactée positivement :
- 4 trimestres sont automatiquement accordés pour la maternité ou l’adoption,
- 4 trimestres supplémentaires pour l’éducation, soit jusqu’à 8 trimestres par enfant, attribués à la mère par défaut, mais transférables au père sous conditions.
Mais au-delà de ces 8 trimestres, se cache un second mécanisme bien plus méconnu : Le congé parental d’éducation peut donner droit à des trimestres assimilés, même sans salaire ni cotisation.
Le congé parental : Un arrêt de travail, pas un trou de carrière
Lorsqu’un parent cesse totalement son activité professionnelle pour s’occuper d’un enfant, il peut bénéficier d’un congé parental à temps plein (jusqu’aux trois ans de l’enfant). Cette période, bien qu’exempte de cotisation retraite, peut tout de même être prise en compte dans le calcul de la durée d’assurance.
Voici comment :
- Tous les 90 jours de congé parental ouvrent droit à 1 trimestre assimilé (dans la limite de 4 trimestres par an).
- Sur 3 ans de congé, un parent peut donc valider jusqu’à 12 trimestres, soit 3 années complètes.
Ces trimestres ne sont pas “cotisés” mais “assimilés”. Ils comptent pour le droit à la retraite (durée d’assurance), mais pas pour le calcul du montant de la pension (car aucun revenu n’est enregistré).
L’AVPF : Le dispositif discret mais puissant
Élodie découvre alors un acronyme un peu barbare : AVPF, pour Assurance Vieillesse du Parent au Foyer.
Derrière ces lettres se cache un dispositif social essentiel : Si vous percevez certaines prestations (comme la PreParE, versée par la CAF pendant le congé parental), l’État peut cotiser pour votre retraite à votre place, comme si vous aviez travaillé.
- L’AVPF permet de valider des trimestres cotisés, donc plus avantageux que les trimestres assimilés.
- Elle peut s’appliquer même si vous ne percevez plus de revenus, à condition d’élever un enfant de moins de 3 ans et d’avoir des ressources modestes.
👉 Il est donc primordial de vérifier son affiliation à l’AVPF auprès de la CAF dès le début du congé parental.
Carrière longue : Le congé parental peut aussi jouer un rôle
Certaines personnes espèrent partir plus tôt à la retraite grâce au dispositif carrière longue, réservé à ceux ayant commencé à travailler tôt.
Mais attention : pour être pris en compte dans ce dispositif, les trimestres doivent être cotisés ou équivalents (comme ceux de l’AVPF), mais pas les trimestres simplement « assimilés ».
Si Élodie avait commencé à travailler à 18 ans, son congé parental n’aurait compté dans carrière longue que si elle avait été affiliée à l’AVPF — et non si elle avait uniquement des trimestres assimilés.
Trimestres : Un maximum… mais pas un cumul
Autre point essentiel : les 8 trimestres accordés pour la naissance et l’éducation ne se cumulent pas avec ceux du congé parental. La Carsat (Caisse de retraite) retient le dispositif le plus favorable.
Par exemple :
- Si Élodie a eu 2 enfants et un congé parental de 3 ans, elle pourrait prétendre à 16 trimestres naissance-éducation + 12 trimestres de congé parental. Mais la retraite ne retiendra que les plus avantageux des deux blocs.
👉 Il est possible de faire une répartition entre les deux parents à l’initiative du couple, en adressant une demande conjointe à la caisse de retraite avant les 4 ans de l’enfant.
Et le montant de la pension, alors ?
Les trimestres assimilés ou via l’AVPF comptent pour atteindre le nombre requis de trimestres, mais :
- Seuls les trimestres cotisés avec un revenu élevé augmentent le montant de la pension.
- Les périodes sans salaire (donc sans cotisation réelle) n’augmentent pas la moyenne des 25 meilleures années retenue pour calculer la pension de base.
Démarches et pièges à éviter
- Demandez une attestation de congé parental à votre employeur pour valider les périodes auprès de la Carsat.
- Vérifiez votre affiliation à l’AVPF si vous percevez des prestations CAF.
- Consultez votre relevé de carrière régulièrement pour détecter les trimestres manquants ou mal enregistrés.
🧩 Choisir ses enfants, c’est aussi choisir sa retraite
Élodie referme la page de son relevé de carrière avec un soupir… de soulagement. Non, ses années de congé parental ne sont pas une parenthèse vide. Elles sont reconnues, valorisées, enregistrées dans la grande horloge du temps qu’est la retraite.
Choisir d’élever ses enfants n’est pas une erreur financière : C’est une contribution sociale précieuse, que la loi française, malgré ses complexités, sait saluer.
Chaque biberon donné, chaque histoire lue, chaque larme séchée ne disparaît pas dans le néant administratif. Ils laissent une empreinte, aussi discrète qu’essentielle, dans votre avenir de retraité.