Le trouble bipolaire est-il une maladie transmissible ? Analyse approfondie des risques héréditaires et des mécanismes en jeu.

Trouble bipolaire : Quels sont les risques héréditaires quand un parent est atteint ?

SANTE

Alice n’avait pas prévu de devenir mère. Elle avait peur de ne pas être à la hauteur, peur de transmettre ce qu’elle appelait « sa faille », ce mal insaisissable qui l’avait frappée de plein fouet à l’aube de ses 30 ans : Le trouble bipolaire. Diagnostiquée à 32 ans après des années d’errance médicale, Alice porte désormais un nom sur son chaos intérieur. Mais depuis la naissance de Louis, son fils aux yeux bleu nuit, une angoisse nouvelle s’est installée : Et s’il héritait de sa maladie ?

Cette question, des milliers de parents bipolaires se la posent. Et pour cause : La science montre que la bipolarité a une composante génétique bien réelle.

La génétique du trouble bipolaire : Un risque accru mais pas une fatalité

Le trouble bipolaire, autrefois appelé psychose maniaco-dépressive, est un trouble de l’humeur sévère caractérisé par des alternances d’épisodes maniaques et dépressifs. Selon l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), il touche environ 1 à 2% de la population française, toutes formes confondues.

Mais lorsque l’un des deux parents est atteint, ce chiffre grimpe.

Les données scientifiques sont claires :

  • Si un parent est bipolaire, l’enfant a environ 10% de risque de développer la même pathologie.
  • Si les deux parents sont touchés, ce risque peut atteindre 40 à 70%.
  • Et chez les jumeaux monozygotes, la concordance peut monter jusqu’à 80%, preuve d’un lien génétique fort.

Cela signifie-t-il que la bipolarité est inévitable chez l’enfant d’un parent malade ? Non.

Les gènes en cause : Une architecture complexe

Il n’existe pas un unique « gène de la bipolarité », comme on pourrait le penser. Le trouble est polygénique : Il résulte de la combinaison de plusieurs variations génétiques, qui, ensemble, créent une vulnérabilité.

Parmi les pistes étudiées, les chercheurs se penchent sur :

  • Des gènes impliqués dans le transport de la dopamine (neurotransmetteur lié au plaisir et à la motivation),
  • Des gènes affectant la régulation de l’horloge biologique (rythme circadien),
  • Des gènes liés à la sérotonine, impliquée dans la gestion de l’humeur.

Mais les gènes ne sont qu’une partie de l’équation.

L’environnement, ce déclencheur silencieux

Même avec une prédisposition génétique forte, il est possible de ne jamais développer la maladie. Pourquoi ? Parce que l’environnement joue un rôle majeur dans l’activation ou non des vulnérabilités génétiques.

Parmi les facteurs identifiés :

  • Traumatismes de l’enfance (violences, négligence, abandon),
  • Stress chronique ou événements de vie majeurs,
  • Dérèglements du sommeil,
  • Consommation de drogues ou d’alcool à l’adolescence,
  • Grossesse ou accouchement chez certaines femmes à risque.

Ce sont souvent ces événements déclencheurs qui précipitent le premier épisode bipolaire chez une personne génétiquement vulnérable.

Peut-on prévenir le trouble chez les enfants à risque ?

C’est la question la plus complexe… et la plus douloureuse. Car si la médecine ne peut pas prévenir à 100% l’apparition du trouble, elle peut atténuer les risques :

  • Surveillance accrue de l’humeur et du comportement de l’enfant,
  • Environnement stable, sécurisant et bienveillant,
  • Prévention du stress et du surmenage scolaire,
  • Éducation à l’hygiène de vie (sommeil, alimentation, activité physique),
  • Consultation précoce en cas de signes inquiétants.

Certaines études suggèrent que l’expression du trouble peut être retardée ou allégée par une prise en charge précoce, surtout si elle est pluridisciplinaire : Psychologue, pédopsychiatre, thérapeute familial.

Alice, Louis, et la peur de l’héritage invisible

Tous les soirs, Alice observe Louis dormir, fasciné par cette sérénité qu’elle n’a jamais connue. Parfois, il rit dans son sommeil. Parfois, il murmure des mots qu’elle ne comprend pas. Et toujours cette même question qui lui martèle les tempes : “Est-ce que mon fils connaîtra un jour mes abîmes ?”

Mais Alice n’est pas seule. Comme elle, des milliers de parents bipolaires font le choix de la transparence, de la vigilance et de l’amour. Car si la génétique peut transmettre un risque, elle ne condamne jamais à une fatalité. L’éducation, le soutien psychologique, l’écoute et la bienveillance sont des remparts précieux contre l’apparition de la maladie.

Laisser un commentaire